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Du Bronx à Hout Bay

La première interview que j’ai réalisée en anglais était celle de Reza Bardien, le responsable des programmes « partners in learning » d’Afrique du Sud. Nous étions à Philadelphie, pour le deuxième forum des enseignants innovants. Depuis, mon anglais a, je l’espère, progressé. Alors, je me suis lancée, j’ai interviewé Anthony Salcito, le vice-président mondial de Microsoft Education.

J’interroge peu d’ordinaire les responsables de Microsoft, ne pouvant miser sur mon anglais pour attendrir la langue de bois. Aperçu dans l’avion qui nous amenait d’Amsterdam au Cap voyageant en classe économique, observé concentré, à l’écoute des élèves et des enseignants, lors de la visite des écoles sud-africaines, ce patron là ne m’a pas semblé banal.

Quinze minutes m’étaient accordées comme à chacun des journalistes qui souhaitaient le rencontrer. Alors, j’ai préparé consciencieusement trois questions, trois points sur lesquels je souhaitais son avis. Tout d’abord, je voulais qu’il me parle de la visite que nous avions faite ensemble dans les écoles sud-africaines puis lui demander ce qu’était pour lui l’innovation pédagogique et la place de Microsoft dans l’accompagnement du système vers plus d’innovation. Enfin, en cerise sur le gâteau, je comptais l’entraîner sur un terrain plus personnel.

Anthony Salcito m’a accueillie avec gentillesse, a écouté patiemment mes questions balbutiantes et a répondu en prenant le temps pour que je le comprenne. J’ai enregistré les réponses pour pouvoir ensuite les traduire posément. La rencontre a été chaleureuse et j’ai poussé un grand ouf une fois la porte refermée, l’exercice était pour moi une grande nouveauté.

 

Le discours de Microsoft a parfois un côté religieux, presque messianique, basé sur des valeurs et une vision fortement anglo-saxonne. Les enseignants sont des héros, des leaders, la collaboration, la créativité sont les moyens de développer les compétences du XXIe siècle. Marketing ou sincérité, lorsque la firme Microsoft déborde de la technologie pour aller vers la pédagogie, le discours prend un tour incantatoire que l’on ne sait à quoi attribuer, véritable stratégie de communication maladroite ou réelle croyance dans ces valeurs. Un entretien avec Anthony Salcito ne suffira sans doute pas à choisir l’une ou l’autre de ces explications mais j’espérais qu’il me donne un éclairage même léger.

Anthony Salcito a grandi dans le Bronx et a réussi à s’échapper, s’en sortir grâce selon lui à la technologie. Il a aimé apprendre, il a, m’a t’-il dit, rencontré des enseignants formidables mais ce qui lui a permis de s’évader de son environnement, de découvrir d’autres univers, c’est la découverte des nouvelles technologies. C’est ce qu’il pense aussi pour les élèves de l’école de Hout Bay. En utilisant les nouvelles technologies dans le cadre de leur scolarité, ils accèdent à des compétences qui leur seront utiles pour évoluer professionnellement et à d’autres mondes, d’autres univers que le leur parfois difficile au quotidien.

Anthony Salcito aime son métier car il a le sentiment de contribuer à améliorer l’éducation, à faire de son parcours personnel non pas un exemple unique mais une voie possible pour changer de condition.

Mais dans sa vision de l’innovation, la technologie est elle la principale composante ? Pour lui, non, c’est un moyen d’initier des changements de porter des changements dans la pédagogie. La technologie est potentiellement innovante, des produits arrivent sans cesse sur le marché mais pour la pédagogie, il faut impulser le mouvement et les Tice constituent un moteur efficace.

 

Microsoft passe à un niveau supérieur dans l’accompagnement du changement. Ciblé vers les professeurs, le programme des enseignants innovants, dont le forum est la cérémonie annuelle, est désormais complété par le projet des écoles innovantes. La première école a été ouverte à Philadelphie il ya cinq ans. Anthony Salcito a supervisé ce projet qui englobe l’aspect design et architecture, l’organisation pédagogique et la prise en compte de l’environnement et des problèmes locaux. A Philadelphie par exemple, l’école propose des actions pour lutter contre l’obésité et la violence scolaire. A Cape Town, des projets d’écoles innovantes étaient présentés, dont deux français.

Cette évolution est plus ou moins aisée selon les pays et les systèmes scolaires. La légitimité de Microsoft pour accompagner les changements de systèmes, au niveau de l’établissement, fera l’objet de débats en particulier en France. A ma question sur cette légitimité, Anthony Salcito me répond par une stratégie de dialogue. Pour lui, les relations entre Microsoft et les écoles, les enseignants français ont évolué ces dernières années, des projets ont été menés dans les différents niveaux du système, de la maternelle à l’université. La volonté de la firme n’est pas de s’imposer, de se substituer à l’éducation nationale pour initier les changements mais de proposer une aide, de se placer comme un partenaire. Le dialogue est pour lui la clé.

Particularité de son parcours ou intelligence stratégique, les deux sans doute, le discours d’Anthony Salcito est débarrassé de tous les côtés qui nous dérangent, nous français et francophones, et au de là tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans les valeurs du modèle anglo-saxon. L’enfant du Bronx n’est jamais loin du regard d’Anthony Salcito. L’éducation est pour lui comme pour la plupart d’entre nous le moyen premier de donner à chacun la chance d’évoluer, voilà une valeur partagée.

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