Alors que le Conseil supérieur de l’éducation va étudier le 9 novembre le Plan Etudiants, qu’en pense le premier syndicat des enseignants du secondaire ? Pour Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes, une trop forte pression est mise sur les enseignants du secondaire chargés d’orienter les étudiants. Et le Plan Etudiants introduit une sélection cachée avec une hiérarchisation accrue entre universités.
Le Plan Etudiants demande aux enseignants de terminale tout un travail d’orientation. Jugez vous cela réaliste ?
Ce qui me frappe c’est la pression mise sur les enseignants et particulièrement les professeurs principaux. On sait qu’il y a environ 12 000 formations différentes dans APB et on demande aux conseils de classe d’émettre un avis d’orientation vers ces formations. On peut donner un avis général sur les connaissances et les compétences d’un jeune. Mais on ne peut pas définir un parcours à priori. On sait bien que les parcours des élèves ne sont pas linéaires et que des jeunes peuvent réussir de façon imprévisible dans des formations que l’on ne connait pas. On se demande aussi ce qui se passera quand l’avis du conseil de classe sera positif mais que la capacité d’accueil de la filière sera insuffisante.
Au passage notons que le Plan ne parle jamais du role des psychologues de l’éducation nationale dans l’orientation. On revient à une simple gestion de flux.
On demande aux enseignants du secondaire puis des universités de choisir les étudiants. Pourquoi ne pas étendre cela à la fin du lycée après la scolarité obligatoire et demander aux enseignants de 1ère ou terminale de choisir leurs élèves ?
C’est contraire à tous les principes républicains. On sait très bien que ces choix sont connotés et marqués socialement. On voit bien où cela mènerait.
Pour les élèves le Plan est-il un progrès ?
La philosophie générale du Plan pose problème. C’est la fin de l’accès libre à l’université. C’est présenté habilement en terme d’accompagnement des jeunes. Mais on sait bien que le budget est insuffisant. Un milliard sur 5 ans ce n’est pas le budget d’une rénovation de l’université avec un réel accompagnement. Il est probable que celui-ci prendra la forme de simples cours en ligne.
Autre point problématique : la prédestination d’un certain nombre d’élèves. Les bacheliers professionnels et technologiques n’auront plus leur place à l’université. Ils vont rester sur le carreau. On assistera aussi à une hiérarchisation accrue des universités. Chacune va avoir un recrutement national. On peut craindre que , même si les attendus sont connus nationalement, certaines universités les « adaptent » pour instaurer des conditions drastiques et garder les meilleurs candidats.
On est face à une sélection ?
Oui il y a des formes de sélection. Le bac reste en théorie le sésame de l’entrée en université mais c’est un droit qui devient très conditionnel. On revient à l’idée des étudiants « méritants » et que certains étudiants n’ont pas leur place dans le supérieur.
Quelles conséquences cela peut-il avoir sur la refonte du lycée ?
On ne sait pas grand-chose. Mais on a l’impression qu’on veut transposer le schéma de la licence modulaire dès le lycée. Une telle organisation posera la question de guider les élèves si l’on ne veut pas renforcer les inégalités entre les initiés et les autres. On peut craindre qu’il y ait des filières prestigieuses pour les uns et d’autres qui laissent des jeunes avec peu de chances d’accéder à l’université.
Propos recueillis par François Jarraud