Classe à la maison, nation apprenante, école en distanciel, autant d’éléments de langage qui recouvrent une multitude de pratiques. Les enseignants, dans leur très grande majorité ont dû improviser mais aussi se réinventer en renouvelant leurs pratiques. Pour les pros du numérique, telle que Delphine Thibault, l’outil n’était pas tant le souci. Il fallait surtout pour cette enseignante réussir à faire vivre son groupe classe. Un challenge des plus compliqués surtout que sa classe est un dispositif CHAD – Classe à Horaires Aménagés Danse. Depuis la fin du confinement, une partie de ses élèves est de retour en classe, mais pas tous. Alors Delphine a lancé le projet Better Together, projet qui permet aux élèves de suivre la classe de chez eux en temps réel grâce à la visioconférence.
Deux fois huit temps de chorégraphie pour un ballet assemblé
Delphine Thibault est enseignante en CM1/CM2 à Lavoisier, une grande école de douze classes de Châlons-en-Champagne (51). Ses élèves bénéficient d’un aménagement d’horaire puisqu’ils ont cinq heures de danse et de formation musicale dans la semaine, c’est un dispositif CHAD. Un dispositif mis à mal par le confinement, les intervenants du conservatoire n’ayant pu intervenir en présentiel, ils ont, avec l’enseignante, approfondit l’aspect culturel de cet art, avec l’étude de plusieurs ballets mais aussi mis en place de projets, même à distance. « Le 30 avril, c’était la journée de la danse, on ne pouvait pas rater cela. J’ai donc proposé à chacun de mes élèves de composer deux fois huit temps de chorégraphie que j’ai assemblés et montés sur le ballet de Roméo et Juliette. Je ne suis pas une pro, mais le rendu n’est pas mal ! ».
Monecole.fr pour continuer à maintenir le lien
Delphine est une touche à tout, danseuse, elle est aussi une pro du numérique. Elle a d’ailleurs été ERUN (formatrice numérique en circonscription) pendant trois ans. Alors quand la crise sanitaire a pris par surprise bon nombre d’enseignants, Delphine avait l’avantage de maîtriser les outils et d’en avoir déjà à sa disposition. « Le numérique ayant déjà une place importante dans ma classe, la gestion de la classe à distance a été facilitée. Les élèves ont pu utiliser des outils qu’ils connaissaient déjà, et ça c’est vraiment aidant ! Pour le lien école-famille, on utilisait l’application Klassroom, donc là encore la communication était plutôt bonne et régulière ». Du côté des apprentissages, c’est sur la plateforme Monecole.fr qu’elle interagissait aves ses élèves, « les élèves avaient un programme de travail journalier composé d’entrainements grâce à la plateforme numérique, qui me permettait de personnaliser selon les groupes ou les élèves, une visioconférence quasi chaque jour pour une séance de maths et/ou français, des vidéos ou contenus à consulter en sciences, anglais, histoire et des défis facultatifs et plutôt distrayants, souvent artistiques. Les enfants pouvaient aussi m’écrire et je pouvais leur faire un retour individuel sur leur travail ».
Better Together, car ensemble c’est mieux
Aujourd’hui, treize élèves sur les 21 habituels sont de retour en classe. Mais pour Delphine, impossible d’imaginer ne travailler qu’avec une partie de ses élèves alors elle met au point Better Together. « Better together c’est l’idée de garder le groupe classe ! On a une bonne unité de classe, la danse y joue pour beaucoup, j’ai certaines élèves pour la troisième année consécutive. Donc émotionnellement je dirai que j’ai envie d’avoir mon groupe uni ! L’idée est donc de garder les mêmes aventures, on marche beaucoup par projets, que l’on soit en classe ou à la maison. La visio est très pratique pour ça, on se voit, on se parle et on fait la même chose au même moment. Pendant ces moments, on est tous ensemble sur le même sujet. Et ça c’est plaisant ! ». Les élèves à la maison, qui sont au nombre de sept, sont très impliqués malgré les inquiétudes de Delphine, « J’ai eu peur qu’ils soient un peu tristes de voir leurs copains en classe, et ils le sont un peu, mais tellement contents de se voir et échanger ! Et puis comme ils sont moins nombreux à la maison, ils sont un peu mis en lumière : on s’intéresse individuellement à eux, on prend des nouvelles… Je vois certains parents qui viennent dire bonjour ou poser des questions, c’est sympa aussi ! » Une façon pour ses élèves, dont les familles ont fait le choix de les garder à la maison, de vivre en temps réel ce qui se passe en classe, et de renouer, même virtuellement, avec leurs camarades.
Un séjour scolaire imaginaire
Autre projet avorté à cause de la crise sanitaire : le départ en séjour scolaire au Lac prévu le 25 mai. Qu’à cela ne tienne, là encore, l’enseignante a décidé de faire en sorte que les élèves aient l’impression de vivre une nouvelle expérience. Finie la classe en intérieur, c’est dans la cour, où il y a de grands arbres et un espace vert, que la classe aura lieu. « Cette semaine sera sous l‘égide d’un séjour scolaire imaginaire. Lundi, à l’arrivée des élèves, je leur ai demandé où se trouvaient leurs valises. Ils étaient tout étonnés, on a passé la matinée à en construire, une activité de mathématiques ludique ! Et ce sera comme ça toute la semaine… J’ai transformé les activités pour les faire vivre au maximum dehors, c’est plutôt chouette ! Ils se sont pris au jeu et ça c’est super ! »
Pour Delphine, et bon nombre d’enseignants, ce qu’ils aiment dans leur métier, « ce sont les interactions qu’on a avec les enfants, leur curiosité, les échanges, les situations de recherche et de créativité qu’on peut proposer ». Beaucoup essaient de mettre en place des pratiques coopératives, un défi difficile lorsque la majorité des élèves ne revient pas. Alors, ils font preuve d’imagination et d’audace. Bien souvent, le résultat est probant. Petit conseil à la rue de Grenelle : faire un tour dans les écoles et s’appuyer sur l’expertise des enseignants avant de rédiger ses petits guides – qu’ils soient verts, rouges ou blancs…
Lilia Ben Hamouda
