Par Antoine Maurice
Pourra-t-on stopper la déferlante obèse ? Tous les pays développés sont touchés et spécialement les jeunes. Dans le combat pour la santé, l’EPS a des responsabilités particulières.
Editorial : La santé et les programmes
En 2003, sortait au BO un dossier intitulé « la santé des élèves : programme quinquennal de prévention et d’éducation » (C. n° 2003-210 du 1-12-2003), on pouvait y retrouver une série de « mesures » ayant pour but de répondre aux problématiques sanitaires de la population scolaire.
C’est ainsi que plusieurs volets apparaissent, notamment une rubrique intitulée : « Éduquer à la nutrition et prévenir les problèmes de surpoids et d’obésité » (point 3.4). Un paragraphe qui met en évidence l’importance de la composante nutrition, mais qui n’aborde en aucun cas la problématique liée à la sédentarité et au rôle de l’éducation physique et sportive dans cette lutte si ce n’est, à la fin du texte, une phrase qui évoque le rôle de l’activité physique : « il faut rappeler que l’activité physique et sportive est un facteur essentiel de prévention des problèmes de surpoids et d’obésité ». Ainsi ce texte, évoquant « la santé des élèves » semble être en décalage avec certaines problématiques quotidiennes du terrain.
Or, un nouveau dossier national d’Information « Nutrition à l’École, Alimentation et activité physique» vient d’arriver, en concertation entre les ministères de l’Éducation nationale, de la Santé et des Sports et de l’Agriculture et de la Pêche. Il présente une série de 7 fiches thématiques et de treize annexes, qui proposent des mises en œuvres d’actions et de projets pour répondre aux problématiques de santé des élèves.
La sixième fiche « pratique de l’activité physique » présente le rôle de l’éducation physique à travers, certes l’activité physique, mais également l’importance de la transmission de connaissances et de compétences relatives à la gestion de sa vie physique, et évoque également le rôle du plaisir à la pratique pour « instaurer un rapport positif » à l’activité physique (voir mensuel n°99, « le plaisir en EPS »).
Ce dossier est accompagné d’un lien vers le rapport concernant l’activité physique, intitulé « activité physique, contexte et effet sur la santé » et présentant une synthèse et des recommandations concernant cette composante (168pages).
Certains aspects permettent d’aborder de nouvelles problématiques, notamment le rôle des facteurs environnementaux et leur impact sur la pratique de l’activité physique. Ensuite, la synthèse met en avant différentes études montrant l’impact de l’activité physique, mais également les précautions qu’elle nécessite.
Afin de rendre nos propos des plus digestes, nous nous limiterons à l’évocation de certaines études : En effet, que ce soit pour le maintien du capital osseux, pour la baisse de la mortalité, pour le bien être et la qualité de vie, pour l’autonomie fonctionnelle, pour la prévention et le traitement des maladies cardio-vasculaires, l’activité physique est utile, nécessaire et indispensable.
Les conclusions du rapport font apparaître que, chez l’enfant, l’activité physique doit représenter environ 60 minutes par jour, pour 30 chez l’adulte. Ainsi, on comprend évidemment le rôle de l’activité physique et surtout le rôle de l’éducation physique pour donner à l’élève l’envie et les moyens d’entretenir son capital santé tout au long de sa vie.
Cela est-il toujours cohérent avec les derniers programmes d’EPS ? On voit bien certaines discordances, par exemple à propos de la course de durée où il est demandé aux élèves de courir sur un temps de course ne dépassant pas les 15 minutes… On est alors bien loin des recommandations mettant en avant la nécessité d’avoir une activité physique quotidienne d’environ 60 minutes
Ressources
Nutrition à l’École
<«Alimentation et activité physique». Dossier national d’information à destination des équipes éducatives.
http://eduscol.education.fr/D0189/dossier_national_nutrition.htm
Activité physique, contexte et effet sur la santé
Le rapport concernant l’activité physique, intitulé « activité physique, contexte et effet sur la santé » présente une synthèse et des recommandations pour ce domaine.
http://ist.inserm.fr/basisrapports/activite-physique/acti[…]
La santé des élèves
Programme quinquennal de prévention et d’éducation
Pour mémoire, le rapport 2003,
http://www.education.gouv.fr/bo/2003/46/MENE0302706C.htm
Permettre la pratique de l’enfant obèse dans un sport collectif
L’académie de Toulouse nous propose une réflexion commune fruit de diverses expériences qui propose une situation de jeu aménagé pour faciliter l’activité de l’enfant en surcharge pondérale en Basket ball
http://pedagogie.ac-toulouse.fr/eps/contspco.htm
Synthèse : Santé et activité physique
L’académie de Nancy Metz a mis en lien un excellent PowerPoint qui propose une synthèse très complète sur les questions de la santé et de l’activité physique et mettant en avant les facteurs clés à prendre en compte. Plusieurs chiffres notamment le fait que les enfants entre 11 et 14 ans passent par jour en moyenne 2h15 devant la télévision, nous montre l’importance des questions d’activité physique.
http://www3.ac-nancy-metz.fr/IENPam/spip.php?rubrique122
Faut-il encore présenter ce site ?
http://www.mangerbouger.fr/menu-secondaire/bouger-plus-c-e[…]
De nombreux documents en lien concernant les questions d’éducation à la santé.
Ces documents proviennent de la formation master 2 mention PESAP à l’université des sciences et technique des activités physiques et sportives de Montpellier.
http://www.educmot.univ-montp1.fr/Master2Documents.htm
Lutter contre l’obésité c’est possible ! Rencontre avec Philippe Robert
Ce mois-ci nous avons rencontré Philippe Robert, professeur d’EPS au collège TITAN du port (Ile de La Réunion), membre du groupe « EPS et accompagnement de la puberté », il est également l’auteur de plusieurs ouvrages concernant l’échauffement du sportif, l’entraînement et l’alimentation du sportif et le muscle (1).
Pouvez vous nous expliquer comment ce projet a vu le jour ?
L’histoire si je peux dire, a commencé en 2000, où, je constatais, dans mon établissement, un nombre élevé d’enfants en surcharge pondérale. Ces derniers avaient de nombreuses difficultés dans les activités physiques proposées lors des enseignements d’EPS. Evidemment, les problèmes les plus importants apparaissaient en course de durée, dès lors qu’on était dans un travail aérobie, les élèves avaient de grosses difficultés au niveau physique et au niveau de leur motivation. De plus, ces difficultés se retrouvaient dans d’autres types d’activités, notamment dans les sauts mais également en escalade. Le désinvestissement pour la matière et pour l’activité physique devenaient alors de plus en plus important.
Ceci étant dû principalement à deux facteurs, le premier venant du fait que les élèves avaient une grande méconnaissance de leurs capacités, le second étant la conséquence de l’image que les autres pouvaient leur renvoyer.
La problématique étant alors de savoir comment leur faire prendre conscience qu’ils avaient des capacités et ainsi intéresser et réinvestir ces élèves en EPS. Mais également, comment faire pour donner les moyens à ces élèves « d’accepter » leur apparence et quelle EPS leur proposer pour qu’ils puissent réintégrer le milieu sportif.
Concrètement quelle a été votre démarche ?
Tout d’abord je tiens à préciser que c’est avant tout un travail collectif, ainsi la démarche que je vais vous présenter est le fruit de discussions, d’échanges, de rencontres, qui ont permis d’aboutir à une expérimentation. Ainsi, nous avons choisi la course de durée pour aborder ce problème. La question était alors de savoir comment évaluer les élèves en situation de surcharge pondérale d’une manière objective.
Ainsi nous avons demandé à l’ensemble des élèves de courir sous forme de palier, avec une fréquence cardiaque entre 160 et 180 P/min. Pour cela, nous avons utilisé des montres cardio fréquence mètre (polar+) qui permettent aux élèves de connaître leurs fréquences cardiaques. En plus, nous avions grâce aux montres la possibilité de sortir les graphiques de chacun des élèves pour pouvoir vérifier le travail effectué, et surtout le respect du travail demandé. L’énorme avantage de ce traitement permet en fait de faire travailler tout le monde à la même intensité et donc de placer tout le monde sur un pied d’égalité. Et ainsi certains élèves en surcharge pondérale étaient meilleurs que d’autres car ils respectaient la demande.
Quels moyens avez-vous alors mis en place pour avoir un impact sur la question de l’obésité ?
Tout d’abord ils nous a semblé essentiel de prendre en compte deux composantes, indissociables l’une de l’autre. D’un coté la question nutritionnelle et de l’autre la question de la sédentarité de plus en plus importante dans notre population scolaire.
Ainsi, il nous a paru essentiel de mettre en avant certaines priorités par rapport à un niveau de classe. Ce qui nous a amenés à faire pour les 6èmes une sensibilisation à l’alimentation. En effet, on s’était rendu compte que pour la plupart, ils ne percevaient absolument pas les conséquences d’une mauvaise alimentation ou d’une alimentation trop riche. L’élève de 6ème au sortir de l’année scolaire avait donc été sensibilisé à ce qu’était et ce que devait être un repas équilibré.
Ensuite pour les élèves de 5ème, l’objectif était de connaître le fonctionnement du corps humain. Ceci à travers des IDD avec un travail transversal entre les enseignants de mathématiques, de sciences de la vie et de la terre et d’EPS. Tout ceci à travers différents logiciels (DIET2002, et Mac do (2)). Ces derniers, ont permis de préciser et de concrétiser les apports nutritionnels des aliments, et surtout, grâce au travail d’équipe, de connaître la quantité de pratiques nécessaires pour commencer la lipolyse. Ainsi, le fait d’expliquer et de faire comprendre aux enfants que la lipolyse ne commence qu’à partir de 30 min d’activité, permet de les sensibiliser, en changeant leurs représentations sur l’activité physique nécessaire pour éliminer des graisses.
L’expérience ayant commencé en 2000, quelle vision avez-vous aujourd’hui de la démarche effectuée et quelle conclusion pouvez-vous en tirer ?
La première expérience qui me vient à l’esprit, et qui représente pour moi une composante essentielle de toute démarche pédagogique, est avant tout de s’inscrire au sein d’un collectif. A la fois, pour soi, mais surtout pour les élèves. Ainsi, le plus souvent, l’intervention sur certains aspects par un seul enseignant, a forcément moins d’impact que l’intervention que peut avoir une équipe pédagogique. J’aurais également tendance à dire qu’il faut savoir sortir de ce cadre pour avoir plus d’influence.
En effet, nous nous sommes aperçus que notre démarche se heurtait, aussi, à la difficulté de retrouver ce discours hors de l’établissement. Ainsi, la question de l’alimentation et du « quoi manger » était un problème beaucoup plus complexe, qui se heurtait à la fois aux caractéristiques culturelles, mais également à la difficulté financière pour certaines familles de pouvoir s’alimenter correctement. De plus, au niveau du monde sportif, nous avons également rencontré certaines difficultés du fait que certains éducateurs étaient plus ou moins sensibles à cette question. En conclusion, il semble essentiel de s’inscrire dans une démarche où la sensibilisation doit toucher à la fois le contexte parental mais également le monde sportif.
Au niveau des élèves, les conclusions sont bonnes, avec de nombreux témoignages d’élèves, qui, à ce jour, sont sensibilisés et font la démarche de connaître les différentes valeurs énergétiques des produits qu’ils sont amenés à acheter, mais également qui s’inscrivent dans une activité physique régulière et importante. Cependant, il serait utopique de penser que notre démarche a eu un impact auprès de tous les élèves. Toutefois, une chose est sûre, l’élève a eu tout au long de son trajet de formation, un apprentissage et un apport de connaissances conséquent pour pouvoir à la fois se prendre en charge au niveau de son activité physique, mais également au niveau de son alimentation. Et il me semble que l’essentiel repose bien là.
Pour avoir plus d’informations sur cette démarche vous pouvez aller sur le lien qui suit :
http://eps.ac-reunion.fr/cellEPS/INNOVALO/puberte/et[…]
Pour ceux, présents sur l’île de la réunion : Philippe Robert présentera cette expérience lors du colloque EPS et Obésité le 17 Avril 2009 à 13h au CREPS de St Denis de la réunion
(1) « Échauffement du sportif – Comment préparer l’organisme à un effort » et « Le Muscle – Musculation, stretching, être fort et souple à la fois » édition Amphora
(2) Logiciel Mac do qui permet de calculer la valeur énergétique des différents produits proposés dans les Fast foods