A l’automne 2023, la direction d’un lycée privé breton interdisait à ses élèves juré·es du « Goncourt des lycéens » la lecture de l’intense et beau roman sur l’inceste de Neige Sinno Triste Tigre. En cet automne 2024, l’association « Juristes pour l’enfance » saisit « la Commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l’enfance et à l’adolescence du Ministère de la Justice d’une demande de signalement au Ministère de l’Intérieur du livre Le Club des enfants perdus » : elle en dénonce « le contenu pornographique », elle y voit une incitation à la violence et aux drogues. L’association, d’obédience familialiste et traditionaliste, milite sur son site, entre autres, pour « l’éducation au contrôle des pulsions » à rebours d’une Education à la Vie Affective et Sexuelle dont de nombreuses associations pour l’enfance témoignent pourtant de l’urgente nécessité.
Le roman de Rebecca Lighieri a quant à lui été salué par la critique : un « roman poignant » sur la « famille dysfonctionnelle » et sur « le désespoir d’une jeunesse d’aujourd’hui, angoissée par la marche d’un monde sans pitié » (Les Inrocks) ; « Shakespeare et Lewis Carroll remixés avec le romantisme punk de Nirvana. » (Le Nouvel Obs). Des enseignant·es témoignent par ailleurs de contestations croissantes de parents quant au choix des œuvres données à lire à leurs enfants. De quoi susciter l’inquiétude de bien des professeur·es de français face à ces atteintes à leur liberté pédagogique, cette contestation de leur éthique professionnelle, cette remise en question de leur pouvoir d’accompagnement. De quoi inciter aussi à la vigilance et la résistance alors même que la « Manif pour tous » est désormais bien représentée au gouvernement et que des autodafés scolaires se répandent aux Etats-Unis : « selon une enquête publiée le lundi 23 septembre par Pen America, le nombre de cas de censures de livre dans les établissements publics américains aurait triplé en un an. » (Courrier international)
Censure au Goncourt dans un lycée breton
Action en justice de l’association JPE
Courrier international : « Plus de 10 000 livres censurés par les écoles publiques américaines »