Pas de réforme territoriale sans un volet décentralisation. Pas de décentralisation sans une refonte des compétences en matière d’éducation. C’est le message que l’Association des régions de France (ARF) a fait passer le 3 septembre. En plein débat sur la réforme territoriale, l’ARF veut peser sur les parlementaires et le gouvernement pour que la réforme s’accompagne d’une véritable décentralisation. Au coeur de cette réforme, l’éducation et l’avenir des collèges.
Clarifier les compétences
« Cette réforme est la mère des réformes. Elle suppose une clarification des compétences ». Pour Alain Rousset, président de l’ARF, la réforme territoriale impulsée par François Hollande n’a de sens que si elle s’accompagne d’un volet sur la décentralisation. « La France ne peut plus se payer et la déconcentration et la décentralisation. Il faut choisir ». Pour l’ARF; le système politique français doit évoluer vers une véritable décentralisation, comparable à ce qui existe chez nos voisins, c’est à dire un véritable transfert de compétences vers les régions à commencer par l’éducation. Alain Rousset demande aussi un changement de calendrier pour la date des élections régionales. Pour lui, constitutionnellement, elles ne sauraient avoir lieu dans les nouveaux territoires régionaux avant novembre ou décembre 2015, alors que le gouvernement souhaite juin. Quant à la carte des nouvelles régions, « elle peut encore évoluer », estime l’ARF surtout au nord et à l’est.
Numérique et gouvernance
« Relever le défi du développement économique et social suppose une réussite éducative à un niveau supérieur et une lutte féroce contre le décrochage », rappelle François Bonneau, président de la Commission éducation de l’ARF et président de la région Centre. Pour cela, il égrène les leviers de ce redressement. « Le numérique bouleverse l’éducation », dit-il. « Les régions sont impliquées dans la réussite du numérique éducatif. On prend en charge la maintenance informatique, Mais on demande à l’Etat que le matériel soit utilisé. Il faut de l’accompagnement dans les établissements ». S’appuyant sur les propos de B. Hamon, il n’a pas de mal à montrer que l’Etat a échoué dans l’intégration du numérique en éducation.
Autre levier , la gouvernance. « On veut une autre gouvernance dans l’éducation nationale. On regrette les expressions de crainte que l’on trouve chez les enseignants. On veut qu’ils soient davantage en responsabilité. Pour cela on veut placer les équipes pédagogiques au centre du jeu. On veut une gouvernance tripartite des établissements ». F. Bonneau fait allusion aux contrats entre l’Etat, la région et l’établissement.
L’avenir des collèges
La réforme territoriale pose aussi la question des collèges. A quel niveau doivent-ils être gérés ? A Lyon c’est déjà la métropole qui les a en charge. Récemment le président du conseil général du Val de Marne a demandé avec vigueur qu’ils restent dans les compétences départementales. En juin, Alain Rousset voyait plutôt une continuité école – collège et donc une gestion intercommunale. Mais ce n’est plus l’avis de l’ARF. Pour F. Bonneau, il y a un objectif de clarification des compétences dans la réforme. « On aura un recentrement de l’action des départements sur les enjeux sociaux. L’évolution des collèges est à situer dans la responsabilité des régions ». Pour lui, cela découle du fait que les régions établissent la carte régionale des formations. Celle-ci « ne se pense pas au niveau d’un département ». Pour lui, les régions sont capables de gérer les collèges à l’échelle d’une grande région et d’adapter leur politique éducative aux réalités locales, à l’échelle départementale. Cette « chaine » éducative est aussi cohérente pour développer le numérique, par exemple assurer la maintenance.
Second financeur de l’éducation, à hauteur de 34 milliards, véritable soutien à la réforme territoriale lancée par le président, les régions entendent bien que celle-ci soit aussi une réforme de la décentralisation particulièrement pour l’éducation et la formation. Mais rien n’est encore fixé. L’avenir des collèges est encore au centre du débat.
François Jarraud
L’avis de C Favier, CG 94
L’avenir des collèges pour le CR Ile -de-France
Collège : En juin 2014
La réforme territoriale et l’École
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/2014/sdp2014_qg10.aspx
Pour la première fois, l’Europe reconnait la compétence d’une région française en matière de lutte contre le décrochage. Ce succès de l’équipe de Jean-Paul Huchon est présenté le 25 septembre au conseil régional avec d’autres programmes dont celui des lycées. Avec la lutte contre le décrochage ou le budget de dotation des lycées, les propositions de Jean-Paul Huchon, président du conseil régional, et Henriette Zoughébi, vice présidente en charge des lycées, montrent une volonté de lutter contre les inégalités scolaires dans la région et d’accompagner les enseignants. Deux autres politiques font davantage débat : le développement de l’apprentissage et le Service public d’orientation.
De l’argent européen pour lutter contre le décrochage
« Notre premier sujet c’est la lutte contre les inégalités », explique d’emblée H Zoughébi. Dans une région où les inégalités sociales et scolaires sont très fortes, la région va pouvoir développer une nouvelle politique de lutte contre le décrochage grâce à des fonds européens. C’est près de 30 millions d’euros que la région Ile-de-France a obtenu du Fonds Social Européen pour lutter contre le décrochage. La Commission européenne a décidé de reconnaitre les compétences de la région en ce domaine, une première pour toutes les régions françaises. « Ca sera un gros chantier », explique H Zoughebi. La région associera les 3 académies franciliennes à la conception des programmes qui pourront être lancés avec cette somme. « Il faudra à la fois des infrastructures et des programmes éducatifs ».
La dotation de fonctionnement des lycées utilisée contre les inégalités
La dotation globale de fonctionnement des lycées est également utilisée pour affronter les inégalités. Ce sont près de 105 millions qui sont budgetés pour les lycées franciliens en hausse de 3% par rapport à 2014. L’engagement social de la région pour les lycées se marque par la revalorisation de la dotation de solidarité. Attribuée aux seuls lycées accueillant des élèves venus des publics les plus fragiles, soit 177 sur les 472 lycées franciliens, la dotation sert à financer des voyages scolaires, des projets citoyens ou culturels. Elle représente 5 millions d’euros, en hausse de 7% par rapport à 2014. Chaque lycée touchera 44,5 euros par élève.
« En 2014, la dotation de solidarité a permis de financer près de 480 projets pédagogiques », nous confie Henriette Zoughebi. « Dès lors qu’on donne la possibilité aux équipes de construire des projets, elles le font. Avec le programme Réussite pour tous, la région leur donne une base solide pour construire leur projet durant 3 ans. Il me semble important qu’il y ait cette durée car elle facilite la vie des équipes et il faut du temps pour que les projet se construisent et deviennent efficace ». Ainsi le lycée Voillaume d’Aulnay a pu monter un projet informatique au Mali grâce à ce fond et au programme Réussite pour tous. « Avec ce programme on développe l’autonomie des jeunes, leurs compétences informatiques, qui sont la base de leur formation, et des compétences sociales et culturelles. On accompagne une équipe pédagogique qui accompagne les jeunes les plus en difficulté sociale », explique H Zoughebi.
« On n’est pas seulement dans la compensation sociale. Il y a aussi une dimension éducative et territoriale dans ce programme ». Pour 42 lycées, très majoritairement des lycées professionnels, une nouvelle aide s’ajoutera. La région a décidé de soutenir ces petits lycées (moins de 500 élèves) confrontés à une baisse de leurs effectifs. Leur dotation globale est maintenue. Les autres dépenses de fonctionnement des lycées sont maintenues. Les dépenses pédagogiques augmentent de 2% pour atteindre 35 millions, soit 25,5 € par élève. Les dépenses d’entretien (35 millions) sont elles aussi en hausse de 2%.
Quelle place pour l’apprentissage dans les L.P. ?
Le développement de l’apprentissage, voulu par le nouveau plan Hollande, semble davantage diviser la majorité régionale. Comment mettre en place le plan alors que les syndicats d’enseignants des lycées professionnels sont contre ? Quel équilibre trouver entre les formations en apprentissage et en LP ? Faut-il mettre en place des formations mixtes scolaires et en apprentissage ? Participant à la Journée de l’apprentissage organisée par F Hollande, Jean-Paul Huchon se souvient que les syndicats étaient pour le développement de l’apprentissage, y compris FO et la CGT dont les branches scolaires sont plus hostiles. Il y a unanimité dans le bureau du conseil pour favoriser le développement de l’apprentissage aux niveaux CAP et bac. Sur les parcours mixtes, la majorité régionale semble plus nuancée. Pour Emmanuel Maurel, vice président en charge de la formation professionnelle, « il faut abattre les cloisonnements ». Henriette Zoughebi, vice présidente en charge des lycées, est plus réservée. « Les enseignants des LP scolarisent souvent dans les niveaux les plus bas les élèves les plus fragiles. Ce sont souvent des élèves dont les entreprises ne veulent pas en apprentissage. Il n’est pas question de les mettre en concurrence avec l’apprentissage », dit-elle. Mais elle est pour les parcours mixtes dans des classes séparés. Par exemple une première année de bac pro sous statut scolaire et les deux années suivantes en apprentissage. « Il ne faut pas mélanger les élèves des deux statuts. Ca crée trop de difficultés d’emploi du temps. Mais aussi du fait de la rémunération des apprentis alors qu’une proportion importante de lycéens professionnels sont contraints de travailler ». L’important c’est que les jeunes « trouvent la formule qui leur convient ».
Orientation : quel devenir pour les CIO ?
Dernier projet qui fait des vagues : le service public régional de l’orientation (SPRO). La loi sur la formation professionnelle a confié aux régions tout ce qui n’est pas scolaire dans l’orientation. Mais elle a oublié de préciser le devenir des CIO. La région a signé avec els partenaires sociaux et les 3 académies une « Charte francilienne du service public de l’orientation » pour coordonner l’action des 800 structures qui interviennent en ce domaine. « Les CIO ne sont pas signataires mais restent associés » promet E Maurel. « Sur l’apprentissage sur ces questions il y a surtout des craintes syndicales », explique Henriette Zoughebi. « La bonne façon de les faire évoluer c’est de travailler ensemble ».
Le 24 septembre, le conseil régional a adopté 9 projets du dispositif Alycce – « Agir au lycée pour la culture et la citoyenneté des élèves » pour 15 000 euros. Parmi les réalisations ainsi soutenues : une expo photo baptisée « Le soleil des quartiers sombres » au lycée Jean-Baptiste-Corot de Savigny-sur-Orge (91), la mise en place d’un jardin biologique (comprenant un espace dédié à des ruches pédagogiques) au lycée Gustave-Eiffel à Ermont (95), la création et la vente d’un journal (« Le cancre prend l’air ») au lycée Jacques-Prévert de Boulogne (92) ou encore la tenue d’un « Challenge olympique des lycées du Val d’Oise » au lycée professionnel Jean-Mermoz à Montsoult.
François Jarraud
Le programme Réussite pour tous
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