Quelles surprises dans la nouvelle carte de l’enseignement prioritaire ? En visite dans un collège Rep+ à Sedan, Najat Vallaud-Belkacem a présenté le 23 septembre la nouvelle carte des Rep et Rep+ qui sera appliquée à la rentrée 2015. Le dispositif remodelé sur des bases « scientifiques » par le ministère accueillera de nouveaux réseaux dans un nombre total équivalent à l’ancien dispositif. Il y aura donc bien des sorties de l’éducation prioritaire. Une annonce avancée précautionneusement par le ministère.
Le nombre de réseaux prioritaires, associant un collège et des écoles, va passer de 102 Rep+ à la rentrée 2014 à 350 Rep+ et 732 Rep, soit 1082 réseaux, à la rentrée 2015, a annoncé Najat Vallaud Belkacem le 23 septembre à Sedan. « La nouvelle éducation prioritaire, c’est plus de moyens humains et financiers au service de la réussite de tous les élèves, une pédagogie repensée, une école plus accueillante pour les parents », affirme la ministre. « La nouvelle éducation prioritaire, c’est une nouvelle carte des réseaux pour que ce soient les territoires qui en ont le plus besoin qui bénéficient de cette mobilisation exceptionnelle. La nouvelle éducation prioritaire, c’est plus de justice sociale ».
Car pour le ministère la carte des Rep est scientifiquement établie sur des critères sociaux. « Une seule ambition a guidé l’élaboration de la nouvelle carte », dit-on au ministère, « aller vers plus de justice sociale. La répartition des réseaux d’éducation prioritaire entre les académies a été construite sur la base de critères objectifs pour que l’éducation prioritaire soit fondée sur un périmètre cohérent avec la difficulté sociale et scolaire. C’est l’indice social créé par la DEPP qui est utilisé. Il est calculé sur la base de 4 paramètres de difficulté sociale dont on sait qu’ils impactent la réussite scolaire : taux de PCS défavorisées, taux de boursiers, taux d’élèves résidant en zone urbaine sensible, taux d’élèves en retard à l’entrée en 6e. Il permet ainsi de classer l’ensemble des collèges sur une échelle de difficulté sociale ». Un discours déjà entendu à la fin des années 1990 où déjà les experts de la rue de Grenelle avaient créé un indice social.
Une nouvelle carte ?
Cependant la nouvelle carte modifie sensiblement la répartition des réseaux prioritaires. L’Outre mer gagne de nombreux réseaux, particulièrement Mayotte qui passe en entier en zone prioritaire. En métropole, Lille (+9), Amiens et Caen (+4), Montpellier et Nantes (+3), Orléans et Reims (+2), enfin Nice, Nancy-Metz et Limoges avec 1 réseau supplémentaire, gagnent de nouveaux Rep. Ces progressions se font aux dépens de Bordeaux (-10), Toulouse (-9), la Corse, Paris, Grenoble et Rouen (-4 chacun), Aix-Marseille (-3) et Rennes et Besançon (-1). Autrement dit, il y aura créations de nouveaux réseaux : elles sont attendues. Il y aura aussi suppression de réseaux prioritaires. Le ministère ne les nomme pas et ne publie que des donnés par académie. Au ministère on dit que la désignation des sortants sera faite en décembre 2014 voire en janvier 2015. On peut penser qu’elle est déjà faite et qu’il ne souhaite pas communiquer là dessus en pleine rentrée. Sinon il faudrait croire que le nombre précis de réseaux a été négocié au hasard avec les recteurs… Pour les établissements appelés à sortir, la mesure sera probablement perçue comme décourageante. Se donner tant de mal et se voir sortir du dispositif, ce n’est pas encourageant. Le ministère s’est donc engagé à maintenir les aides versées durant 3 ans.
Le nombre de réseaux semble répondre à un invariant. L’OZP, qui retrace l’historique du réseau prioritaire, montre qu’on tourne autour du millier de réseaux depuis la fin du 20ème siècle. En 1982, à la création de l’éducation prioritaire, on comptait 350 réseaux mais le millier est atteint dès 1997 (1189 réseaux). On atteint alors un million d’élèves scolarisés en éducation prioritaire soit 21% des collégiens. En 2006, le ministre de Robien annonce 500 sorties du dispositif. Mais le texte n’est jamais paru. En 2011 on compte 297 Eclair et 779 RRS et 28 lycées Eclair ce qui monte à 1104 réseaux scolarisant 1,5 million d’élèves. Avec 1082 Rep et Rep+ on reste donc dans le maintien du dispositif. Il n’y a pas de « concentration des moyens » comme on le dit régulièrement au ministère.
Quels avantages nouveaux dans les Rep et Rep + ?
Les principales mesures ont été présentées par Vincent Peillon le 16 janvier 2014. Le ministère augmente la prime versée aux enseignants des Rep et Rep+. L’indemnité spécifique de 1156 € par an sera augmentée de 50% pour tous les enseignants des REP. Elle sera doublée pour les enseignants des REP+. Enfin elle sera triplée pour les coordonnateurs et référents qui devraient, selon le ministre, se multiplier. Les enseignants bénéficieront de décharges horaires. A l’école primaire 9 jours par an seront consacrés au « travail collectif et à la formation continue ». Les remplacements seront assurés par des enseignants affectés dans chaque réseau. Au collège, chaque heure sera pondérée 1,1 heure et donc le service hebdomadaire des enseignants faisant 18 heures passera à 16,4 heures. Ces mesures sont déjà appliquées dans la centaine de Rep+ mis en place à la rentrée 2014. Un « grand plan de formation » est prévu sans qu’on ait davantage de détails. En fait le ministre s’était engagé sur au moins 3 jours de formation pour les REP+ par an.
Peut-être la particularité de cette réforme c’est un effort de pilotage. D’abord le ministère souhaite former les enseignants des réseaux. Ensuite, des emplois de maitres supplémentaires au primaire, devraient être créés pour encadrer les enseignants, souvent débutants. Cette stratégie se heurte avec les décharges promises aux enseignants. Au primaire une circulaire confie aux inspecteurs la gestion des 9 jours. Dans le secondaire, le ministère et le Snes s’affrontent sur l’utilisation de ces journées. La circulaire ministérielle est ambigüe et le syndicat rappelle son hostilité à ce qu’on impose aux enseignants des réunions sur ce temps libéré.
Les Rep berceaux de la pédagogie officielle
Début avril, le ministère avait sauté un nouveau pas en annonçant pour la première fois depuis X Darcos une pédagogie officielle pour les Rep. Le ministère a publié un référentiel et souhaite imposer l’enseignement explicite. Il s’agit d’expliciter les objectifs du travail fait avec les élèves et d’enseigner explicitement aux élèves les « procédures efficaces pour apprendre. L’élève sait ce qu’il a vocation à apprendre et il vérifie lui-même après la leçon qu’il a retenu ce qu’il fallait ». En Sorbonne le 9 avril, les intervenants officiels du ministère sont allés jusqu’à recommander l’ardoise contre l’ordinateur… Le ministère compte probablement sur la jeunesse des enseignants envoyés en Rep pour imposer un mode de gouvernance et une pédagogie et la faire pénétrer dans le système éducatif.
Des réactions syndicales prudentes
Pour les syndicats, la nouvelle carte est accueillie positivement. Mais tous appellent à la transparence. Le Snuipp demande « de la transparence dans les choix d’implantation » des Rep.
Pour le SE-Unsa, « il est indispensable que le travail local d’élaboration d’une cartographie renouvelée de l’éducation prioritaire soit mené en concertation avec les organisations représentatives des personnels et sur la base de critères totalement transparents ».
François Jarraud
Communiqué officiel
http://www.education.gouv.fr/cid82342/la-nouvelle-repartition-academ[…]
Le Plan Peillon
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/01/17012014Article63[…]
Une pédagogie officielle
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/2014/sdp2014_qg8.aspx
La circulaire sur l’éducation prioritaire
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/06/06062014Article63[…]
Snuipp
http://snuipp.fr/Equite-et-transparence-a-assurer
Se Unsa
http://www.se-unsa.org/spip.php?article6751
Dossier réformer l’éducation prioritaire
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/2013/2013_12ReformePrior[…]
L’Ecole française fait-elle un effort suffisant pour son éducation prioritaire ? Dans un pays champion des inégalités sociales à l’Ecole, le dispositif d’éducation prioritaire est présenté depuis 1982 par le ministère comme la solution capable d’inverser la situation. Le 23 septembre, Najat Vallaud-Belkacem a présenté en détail les mesures qui entreront en vigueur à la rentrée 2015. Sont-elles au niveau des inégalités scolaires ? Peut-on soigner les établissements prioritaires et ne rien changer à l’Ecole qui les entoure ?
Un « rapport de diagnostic » publié en 2013 a estimé l’effort de l’éducation nationale en faveur du prioritaire à 1,5% du budget de l’éducation nationale, soit environ 800 millions. Une somme très inférieure aux recommandations de l’OCDE et peut-être surestimée si l’on en croit un rapport de la Cour des comptes. La nouvelle politique prioritaire devrait augmenter l’effort national puisque quelques centaines d’emplois spécifiques seront créés et que les enseignants en zep verront leur indemnité doublée.
Est-on au niveau des besoins ? Alors que la France est, avec la Nouvelle Zélande, la championne des inégalités sociales de réussite scolaire selon l’OCDE, le 1% du prioritaire parait bien maigre. « Que veut dire « prioritaire », interroge Marc Douaire, président de l’OZP. « Un ministre aura-t-il le courage de dire que le budget de l’éducation prioritaire passe avant les autres ? Avant celui des options ou celui des CPGE par exemple », nous a-t-il dit. Sur le terrain, des Dasen font ainsi passer des moyens vers le prioritaire au nom d’une politique. « Mais il faut oser mécontenter les maires », explique M Douaire. « Et les maires des communes favorisées sont puissants ». Le Café pédagogique a pu constater d’autres Dasen, comme dans le 92, font des choix contraires…
Ainsi soutenir l’enseignement prioritaire ne relève pas que de choix financiers. C’est surtout une volonté politique. La thèse de M Valdenaire, en 2011, a montré qu’on peut remédier à al difficulté scolaire à coût constant. M. Valdenaire a calculé l’effet de la réduction du nombre d’élèves en zep. « La diminution de 5 élèves des tailles de classes de ZEP conduirait dans notre hypothèse basse, à une réduction des inégalités de 37% au primaire, 13% au collège et seulement 4% au lycée », écrit-il. Il explique que cette réduction pourrait se faire par simple transfert de moyens des écoles privilégiées vers les défavorisées.
Les solutions retenues par le ministère s’écartent de ces voies courageuses. Elles cherchent le compromis avec les acteurs dans et hors éducation nationale. Cela leur interdit tout effort financier important. Ca les empêche aussi de redistribuer les moyens. Au lieu d’une réduction réelle du nombre d’élèves par classe, on a le « plus de maitres que de classes ». Au lieu d’inciter les enseignants expérimentés à venir dans les écoles difficiles on y installe de force des débutants. On veut bien aider les pauvres. A condition qu’ils ne dérangent pas.
François Jarraud
Et si on réduisait la taille des classes
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/laclasse/Pages/2012/132_1.aspx
Plus de maîtres que de classes : un pont trop loin
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/08/18082014Article635439482411770477.aspx
Le rapport de 2013
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2013/08/26082013Article635[…]
Sur le site du Café
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