A force de parler de « professeurs décrocheurs » ça devait arriver. Au lycée privé sous contrat Saint Michel de Saint Mandé (94), la section locale de l’apel (association de parents d’élèves) a envoyé à des parents des fiches Excel évaluant le travail des professeurs durant le confinement. Les représentants des enseignants ont saisi la CNIL.
Des fiches Excel sur les profs
Installé dans un quartier chic de Saint-Mandé (94), la cité scolaire privée Saint Michel scolarise un millier de collégiens et lycéens issus généralement de familles socialement privilégiées.
L’affaire débute mi juin quand les élus enseignants au CSE de l’établissement découvrent des fiches Excel envoyées à des parents par l’Apel locale pour évaluer la « continuité pédagogique ». Pour chaque classe et chaque matière les parents doivent noter le nom du professeur, son respect du planning des cours, s’il donne des devoirs à la maison, s’il les corrige, s’il fait classe à distance et comment, s’il y a interactivité avec les élèves, s’il fait l’appel, s’il utilise son mail et s’il s’est « amélioré ». Ces fiches circulent sans, semble t-il, que tous les membres du conseil d’administration de l’association de parents soient au courant.
« On donne le maximum et on est fiché »
Contacté par les élus enseignants au CSE, le président de l’Apel locale le prend de haut, estimant qu’il « n’est pas d’usage que les parents aient à justifier leurs interrogations légitimes ». Il estime que ce « sondage » est « un outil pour faire évoluer les pratiques » mais nie tout fichier nominatif, alors que les feuilles Excel sont nominatives.
« On donne le maximum et on est fiché, ça fait bizarre », nous a dit M. Renard, un professeur élu au CSE. Pour lui les cours virtuels ont augmenté les exigences des parents qui pouvaient pour la première fois assister aux cours. « Ce qui nous choque c’est que les critères de la fiche ne concernent que les cours virtuels alors que nos missions ne se réduisaient pas à faire 6 heures de cours par jour. On nous demandait de n’en faire que 1 à 2 par jour ». Pour lui le président de l’Apel se comporte comme le DRH de l’éducation nationale, ce qu’il n’est pas. Le CSE a fait un signalement auprès de la CNIL.
Silence des responsables catholiques
Un autre point choquant est le silence d’autres acteurs dans cette affaire. La direction de l’établissement est peu pressée de protéger ses enseignants. L’Apel départementale se garde bien de désavouer sa section locale. « Nous n’avons pas d’éléments suffisants pour apprécier la situation », nous a dit Laurent Roussel, président départemental.
F Jarraud