« Il ne fait aucun doute que le CPE devient, plus que jamais, un acteur pivot de l’établissement. Il occupe une « centralité critique » ». Jean-Luc Denny analyse le nouveau référentiel des CPE et en déduit que le CPE, au centre de nombreux enjeux de l’éducation, occupe une position forte. Mais son action reste centrée sur l’élève.
L’arrêté du 1er juillet 2013 relatif au référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation est paru au JO du 18 juillet 2013. Il remplace le référentiel de compétences de 2010 et constitue désormais le tuteur de développement d’éléments de professionnalité de la fonction de CPE qui, reconnaissons-le, étaient déjà en germe dans certaines formations universitaires depuis quelques années. Aussi, ce référentiel définit les quatorze compétences communes à tous les métiers et les huit spécifiques au CPE. Sans marquer de rupture forte avec le document de référence que constitue la circulaire de mission de 1982, le référentiel entend néanmoins, par le biais de descripteurs, opérationnaliser les enjeux de la fonction de CPE.
Notons également que ce référentiel constitue sans doute la déclinaison de l’orientation que souhaite donner le MEN à l’ensemble du système éducatif : la définition d’un tronc commun autour duquel doit graviter l’ensemble des acteurs de la communauté scolaire. On pourrait raisonnablement considérer que le vœu caché de ce référentiel pourrait être de lutter contre le « compartimentage » de nos fonctions. Dissoudre nos frontières et exercer en fonction d’enjeux concertés et déclinés localement, passer d’une logique d’émiettement à une logique de coordination, c’est peut-être cela que vise cette commande institutionnelle. Le CPE est ainsi appelé à accompagner la mutation du système éducatif.
Une redéfinition de notre métier ?
Quels enseignements nous livrent aujourd’hui ce référentiel ? On peut relever un recentrage de la définition de la fonction de CPE autour de la notion de conseiller. Le concept d’infusion semble à même de refléter l’importance de ce nouveau positionnement qui va irriguer l’ensemble de notre pratique professionnelle. Ce faisant, nous devrions assister à un glissement de la place du CPE au sein de l’établissement pour se rapprocher de la sphère d’influence des personnels de direction. Que dire de ce déplacement ? Est-il souhaitable ? Néfaste ? voire dangereux ? Où est-ce un formidable levier pour parvenir enfin à « placer l’élève au centre du système » ? Peut-être, est-ce là, la confirmation d’un certain regard porté sur l’élève dans sa globalité dont la prééminence serait aujourd’hui validée ? Serions-nous enfin arrivés à un consensus autour de la notion de réussite éducative dont la dimension scolaire n’en serait qu’un reflet ? Autant de questionnements que soulève cette formalisation institutionnelle.
Sans doute faudrait-il interroger les CE afin d’évaluer le regard que porte cette catégorie de personnel sur la formalisation de ce rapprochement. Sans doute faudrait-il également interroger la formation de ces personnels. Cette dimension sera-t-elle intégrée dans les dispositifs de formation des CE ? Probablement touchons-nous là le point d’achoppement de cette prescription professionnelle et sans doute également … ses limites. Rappelons que l’action du CPE est très fortement tributaire du « pouvoir agir » que lui laisse le chef d‘établissement. Robert Baillon va même plus loin en indiquant que la marge de manœuvre du CPE est tributaire « du bon vouloir, d’une part, du chef d’établissement et d’autre part, des enseignants ». Plus que jamais, le CPE doit adopter une posture de stratège afin d’éviter d’être captif d’influences peu propices à son développement professionnel. D’autre part, on mesure ici les enjeux des enseignements du tronc commun qui ont vocation à créer une culture partagée par tous et qui concernent désormais tous les étudiants du master MEEF.
Nous pouvons encore mettre en évidence que cette prescription correspond à une impulsion forte du MEN et ceci au niveau du renouvellement des modes de gouvernance internes aux établissements.
En effet, même si le chef d’établissement demeure celui à qui revient la décision ultime, nous constatons que la multiplication des instances confirme le rôle pilote du CE qui est appelé plus que jamais à s’entourer des forces vives de son établissement afin de poser les jalons d’une politique éducative d’établissement coordonnée, concertée et participative. Le conseil pédagogique pour les questions liées aux apprentissages… le CESC pour les thématiques éducatives… la commission éducative pour les décisions relatives au suivi des élèves difficiles… sont autant d’illustrations visibles de cette évolution.
Nous passons donc bien d’une dimension verticale (où l’injonction prime) pour s’orienter vers une dimension horizontale qui facilite l’expression des compétences individuelles au service du développement de compétences collectives ! Cette approche tant louée par A. Bouvier permettrait enfin de faire émerger des « organisations apprenantes » dont le numérique serait un démultiplicateur des intelligences. Cette évolution questionne donc l’ensemble des pratiques professionnelles en présence.
Le CPE un acteur politique ?
Dans ce contexte, on comprend l’ampleur des conséquences de cette notion de conseiller qui amène le CPE à une entrée en politique. Restons prudent et insistons sur l’idée que le CPE se situe pour le moment sur le pas de la porte d’entrée ! Il se situerait de manière imagée à l’entrée de l’espace politique de l’établissement. En effet, cette dimension n’est sans doute pas encore une réalité aujourd’hui. Sa contribution à la définition, la mise en œuvre et l’évaluation d’une politique éducative d’établissement restant encore un espace à conquérir.
On assiste ainsi à une vision inclusive de la pratique du CPE et au-delà de la Vie Scolaire qui s’inscrit en rupture avec une vision traditionnelle de la place du CPE et par extension de la Vie Scolaire qui n’est plus, reconnaissons-le, en mesure de relever les grands défis de l’Ecole.
Cette approche est confirmée dans le rapport : « Pour un enseignement laïque de la morale » qui invite la vie scolaire à devenir : « Un élément essentiel d’une politique éducative d’ensemble, qui ne serait pas seulement axée sur une politique de prévention autour d’actions ponctuelles en réaction à des faits […] mais centrée sur des actions qui installent les savoirs de façon durable, les transforment en comportements pérennes adossés à un socle de valeurs reconnues par tous. En ce sens, la politique éducative est au cœur du projet d’établissement et sa mise en œuvre concerne l’ensemble des membres de la communauté éducative».
Le lecteur s’étonnera de trouver une telle précision encore novatrice dans un rapport dont l’objet n’est pas principalement centré sur la pratique du CPE. Mais il est tout à fait intéressant de relever la place accordée au CPE dans l’optique de ce nouvel enseignement.
On mesure sans doute aujourd’hui les nouveaux enjeux d’une Vie Scolaire dont l’objectif du maintien de l’ordre ne constitue plus sa principale raison d’être.
Se pose ainsi la question suivante : Comment les acteurs de terrain vont-ils accueillir cette prescription ?
L’excellent dossier portant sur les Regards croisés de chefs d’établissements et conseillers principaux d’éducation dans le second degré public publié en février 2013 nous en livre déjà quelques impressions. L’on avait demandé à des CPE en poste de classer parmi une liste d’activités et d’objectifs qui concernent la vie de l’établissement, les trois premiers objectifs ou activités auxquels ils consacrent le plus de temps dans la réalité ? Et de là, ceux auxquels ils souhaiteraient consacrer le plus de temps dans l’idéal ?
1% des collègues interrogés répondent que conseiller le chef d’établissement et l’ensemble de la communauté éducative dans le domaine de la politique éducative constitue la principale activité au quotidien. 17% incluent cette réponse parmi les 3 premières préoccupations quotidiennes.
Autant dire que cette dimension est encore peu présente dans la pratique professionnelle du CPE. Quant à la deuxième question, 6% des collègues souhaitent que, dans l’idéal, cette mission occupe la principale partie du temps de travail ! Autre élément positif : 46 % citent cette dimension parmi les trois premières activités dans lesquelles ils souhaiteraient s’illustrer prioritairement. On peut donc conclure en une impulsion positive mais encore fragile sans pour autant considérer que la dimension politique de la fonction de CPE puisse occuper tout l’espace-temps au quotidien.
On peut souligner ici que le CPE reste l’héritier d’une tradition professionnelle qui ancre celui-ci dans des champs de compétences pluriels et diversifiés. A ce stade, nous pouvons nous interroger sur la manière dont les CPE vont s’impliquer dans cette nouvelle dimension de leur fonction. Le renouvellement des mentalités à souvent eu raison des meilleures réformes ! Quel sort sera réservé à cette prescription institutionnelle eu égard à ces éléments d’enquête ?
La fin du PVS qui…n’a jamais existé !
Le corollaire de cette nouvelle dimension est sans doute à situer dans l’abandon du projet de Vie Scolaire qui a fait couler tant d’encre alors qu’il n’a jamais existé en tant que telle dans la littérature institutionnelle. On trouve une seule trace de cette notion dans une contribution de l’IGEN de 2006 qui n’a aucune valeur juridique. Ce document souligne que la notion de conseil impose au CPE : « La prise en compte des finalités d’un projet de vie scolaire partie prenante du projet d’établissement et partagé par l’ensemble de la communauté… ».
On note donc dans ce référentiel des références directes à la politique éducative de l’établissement, et non plus seulement à la vie scolaire. Le CPE est positionné en tant qu’ « animateur de la politique éducative » … mais aussi (et surtout) il lui est demandé de : « concourir […] à la définition de la politique éducative ». C’est ainsi qu’il est appelé à : « impulser et coordonner le volet éducatif du projet d’établissement ». C’est donc bien une dimension forte de la contribution du CPE qui est convoquée ici. Il ne fait aucun doute que cette approche contribue à renforcer l’identité professionnelle du CPE. Si l’on se réfère à l’étude du CEREQ de 2007 portant sur les CPE, nous sommes bel et bien dans le 3ème temps d’une identité professionnelle en construction bien loin d’une posture domestique.
La notion de Vie Scolaire semble d’ailleurs disparaître au profit de la dimension éducative du projet d’établissement. En effet, le terme Vie Scolaire n’est cité qu’une fois, et encore, dans le contexte de la restitution d’un extrait de la circulaire de fonction de 1982. Quelles conclusions pouvons-nous en tirer ? Sans doute faut-il voir ici la volonté du MEN de ne plus distinguer Vie de l’élève et Vie Scolaire. L’élève est envisagé dans une globalité et n’est plus, du moins symboliquement, tantôt un élève, tantôt un sujet. Le référentiel de compétences semble donc confirmer le mouvement qu’avait déjà suggéré Jean-Paul Delahaye en sous¬-titrant son ouvrage de 2009 : « De la vie scolaire à la politique éducative ».
Mais nous pouvons encore franchir un pas supplémentaire : l’existence de la notion de Vie Scolaire ne participe-t-elle pas au « dysfonctionnement » de notre système scolaire ? En spécialisant des services, on encourage une division morale du travail qui donne la possibilité aux enseignants de se désengager en se déchargeant des « déviances scolaires ».
La situation actuelle fragmente et déresponsabilise. Jean-Paul Payet nous livre une parfaite illustration des conséquences de cette logique de travail : « Les [CPE] en charge du suivi social des élèves à problèmes, […], traduisent les litiges en affaires réglables grâce à leur connaissance du milieu social environnant l’école. Mais d’un côté, un enseignement ignorant du contexte risque de mépriser la vie des élèves et de l’autre, une assistance éducative trop impliquée dans les histoires locales risque de mettre de l’huile sur le feu… ». L’on comprendra combien cette organisation de travail ne peut plus constituer une réponse satisfaisante à la complexité des situations éducatives actuelles. En conséquence, l’abandon de la notion de Vie Scolaire devient une optique tout à fait positive et judicieuse.
Le CPE est donc appelé à contribuer, avec l’ensemble des acteurs de l’établissement, à la conception de la cohérence d’ensemble des pratiques éducatives de l’établissement. C’est par le biais d’un volet éducatif que le CPE peut encourager une dynamique de nature à répondre aux défis actuels de l’Ecole. Mais des travers peuvent cependant émerger. Jean-Pierre Véran nous rend sensible à la multiplication des volets : « le volet culturel, le volet social, le volet orientation, le volet vie scolaire, le volet documentation ou CDI, le volet santé, sont successivement égrenés, sans lien les uns avec les autres, dans une juxtaposition qui ne constitue en rien une politique explicitement cohérente».
Dans la conception de ces différents volets il faut donc conserver comme enjeu essentiel le fait de lier tous ces volets et pourquoi pas de les dissoudre en les reliant afin de s’assurer de leur imbrication. Alain Warzée ne disait rien d’autre en soulignant que : « nous disposons déjà, le plus souvent, dans nos établissements, des outils, des moyens et des acteurs nécessaires pour mettre en œuvre, bien au delà d’un « volet » du projet d’établissement, une véritable politique éducative ». C’est donc bien une mise en concordance qu’il faut envisager. Le pilotage de l’établissement auquel le CPE est fondamentalement associé est sans aucun doute la clef de voute de cette ambition. Là encore, ce sera aux formateurs d’intégrer cette limite afin d’éviter que l’on reproduise l’existant en se contentant de renouveler l’emballage.
Le CPE : un coach des enseignants qui…s’ignore ?
Il ne fait aucun doute que le CPE devient, plus que jamais, un acteur pivot de l’établissement. Il occupe une « centralité critique » comme le souligne Emmanuel Triby . Cette centralité est réaffirmée avec force et conviction dans ce référentiel et amène une plus-value par rapport à la circulaire de missions du CPE. Pour s’en persuader, il suffit de recenser les verbes utilisés dans le référentiel: Il est celui qui « participe, coopère, contribue, collabore, concourt, impulse… ». Le CPE est celui qui relie les acteurs. S’il est celui qui prône et met en œuvre une réelle coopération entre acteurs internes, il est également celui qui impulse une dynamique collaborative avec des partenaires extérieurs à l’établissement. Les différentes articulations citées plus haut devraient préserver l’établissement d’une externalisation des questions éducatives qui constitue un des écueils auxquels on s’expose. L’enjeu consiste bien, par le bais entre autre des différentes instances, de relier les compétences existantes entre elles afin de promouvoir une co-construction éducative.
Au passage, on peut signaler que cette forme de travail constitue la confirmation de la territorialisation des questions éducatives comme une réponse à la complexité des phénomènes. Cette tendance est déjà impulsée dans le premier degré par le décret du 24 janvier 2013 qui modifie l’organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires, et de ce fait, impacte les rythmes de la vie des élèves, mais aussi l’ensemble des acteurs éducatifs du territoire. L’un des enjeux de cette réforme est donc de proposer aux élèves un parcours éducatif cohérent et de qualité avant, pendant et après l’école, organisant ainsi la complémentarité des temps éducatifs, formalisé dans un projet éducatif territorial.
Assistons-nous au déclin de la sanctuarisation de l’Ecole ? Là encore, gardons-nous d’acquiescer trop rapidement à cela. On connait les résistances des acteurs de terrain au renouvellement des pratiques. Peut-être faut-il évoquer une forme de sanctuarisation ouverte comme un compromis entre deux modes opératoires ! Cette tendance est dans tous les cas déjà perceptible dans le référentiel puisqu’il est demandé au CPE d’«assurer la liaison avec les responsables de la prise en charge complémentaire des élèves hors temps scolaire dans les collèges ou lycées … ». Au CPE de tisser des réseaux et d’être garant de la cohérence d’ensemble.
Cette dimension systémique, qui fait l’essence même de la fonction de CPE, trouve ainsi aujourd’hui une reconnaissance et une assise juridique. A l’heure où l’ensemble des pratiques sont appelées à s’accorder à la dimension et aux spécificités du local, cette compétence semble contenir tous les « ingrédients » (au sens ou l’entend Schwartz) dont un établissement à besoin pour faire réussir ses élèves.
Dans ce contexte, le CPE deviendrait-il un coach au service des enseignants ? J’entends déjà les réactions des puristes crier au scandale ! Mais, arrêtons-nous un instant sur cette notion.
Nous assistons déjà à l’émergence du coaching scolaire comme une réponse à la massification du système scolaire et comme alternative (ajout ?) à l’accompagnement scolaire. Ce concept s’ouvre également au monde adulte. Souvenons-nous du rapport portant sur La prévention de la délinquance juvénile de 2010 qui proposait déjà de développer le coaching des parents.
De quoi s’agit-il vraiment ? Le coaching convoque la psychologie comportementale (analyse transactionnelle, programmation neuro-linguistique) qui cherche à « adapter le mieux possible les individus à la société [en les rendant] de plus en plus performants, maîtrisant les phénomènes, [devenant ainsi] maîtres d’eux-mêmes » N’est-ce pas l’un des objectifs du CPE que de rendre l’enseignant performant ? La LOLF ne promeut d’ailleurs rien d’autre ! Sans rentrer dans un débat sur la notion de performance (qui ne constitue pas l’objet de cet article) nous pouvons tout de même relever qu’il y a des effets de proximité entre l’accompagnement des enseignants par le CPE (pratique quasi-instinctive et inévitable au quotidien) et cette notion de coaching qui est sans doute encore trop récente pour être admise dans le jargon de l’EN. Le CPE serait un coach qui s’ignore ? Au lecteur de se prononcer.
Le CPE un chef de service…manager ?
Le référentiel de compétences met également en exergue le rôle du CPE en tant que chef de service de la vie scolaire mais avec une dimension nouvelle qui nécessite des compétences professionnelles que la formation doit promouvoir : La dimension managériale de la fonction. Un management non au service de ses personnels mais bien au service de l’acquisition de connaissances et compétences par l’élève. Il y a donc bien un changement de paradigme. Mais avant d’investir cet aspect, nous pouvons encore nous demander si le CPE peut être à la fois celui qui exerce en dehors de la vie scolaire en assumant la dimension « établissement » de sa fonction et celui qui « manage » son équipe ? Ce double positionnement est-il compatible ou tout simplement utopiste voire même idéologique ?
La tentation d’une réponse positive semble émerger non sans condition. C’est bien en professionnalisant cette dimension du métier que le CPE, par l’acquisition d’une culture professionnelle en phase avec le management renforcée par l’appropriation d’outils, qu’il parviendra à assumer cette double posture a priori dichotomique. Comme le note Jacques Pain, le CPE est habitué à « l’entre-deux, à l’entre-lieux et à l’entre tous » . Il semble donc compétent pour résoudre ce grand écart et devenir l’acteur pivot capable d’incarner « un moteur de changements organisationnels ». Là encore, la formation détiendra une place centrale dans cette optique.
Revenons aux enjeux de ce management qui, tels que présentés dans ce référentiel, semblent davantage s’adresser à l’acquisition de connaissances et de compétences par les élèves qu’à l’organisation d’un service Vie Scolaire. En effet, il y est indiqué que le CPE : « […] contribue […] avec le concours des assistants d’éducation à l’accompagnement éducatif, aux programmes personnalisés de réussite éducative, ainsi qu’à la mise en place de l’accompagnement personnalisé et de l’aide au travail de l’élève». Il devient ainsi évident que le mode de management du CPE doit l’amener à inscrire ces personnels dans une dynamique visant les acquisitions et apprentissages des élèves. Au passage, cet extrait illustre bien que le CPE est appelé à prendre place au sein du domaine pédagogique : il ne devrait donc plus se situer à « l’entrée de la pédagogie » mais bel et bien en pédagogie. La courbe semble s’être confirmée.
Ce nouveau cadrage devrait irriguer l’ensemble de la pratique managériale du CPE. Du recrutement à la régulation jusqu’à l’évaluation de ces personnels. Il s’agira pour le CPE de relier les besoins d’établissement avec le profil des recrutés afin d’apporter une réelle plus-value en terme d’accompagnement de la scolarité des élèves. Cette optique appelle une expertise prononcée du CPE qui doit être capable d’anticiper les besoins d’établissement, d’identifier les compétences idoines et de permettre une mise en œuvre évolutive de celles-ci, au gré des besoins.
Cet apport que constituent les personnels Vie Scolaire, ne devrait-il pas amener l’institution à engager un processus de professionnalisation de ces personnels ? Dès lors, la conception d’un référentiel de compétences apparaitrait comme une évidence ! Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de pérenniser des personnes sur ces postes. Bien au contraire. La possibilité de recrutements réguliers constitue un moyen de répondre à des besoins d’établissement en constante évolution.
Cette coloration du management est bien en conformité avec une orientation du système scolaire qui semble être plus que jamais teintée par une « pédagogisation » de l’espace scolaire dont l’enjeu vise non à mettre l’élève « au cœur du système » mais bien à le mettre au cœur de ses apprentissages. Notons d’ailleurs que cette dimension pédagogique est fortement présente dans ce référentiel.
Le CPE « est un acteur à part entière de l’appropriation par l’élève du socle commun de connaissances, de compétences et de culture en tant qu’il accompagne les élèves dans leur parcours et la construction de leur projet personnel». Ce n’est pas d’ « une pédagogie dite sociale » dont il est question. Mais bien d’une pédagogie centrée sur l’acquisition de compétences autres. L’extrait du référentiel cité plus-haut illustre une très forte évolution dans la construction du projet d’orientation dont la démarche s’enrichie de la réflexion sur les compétences de base nécessaires pour permettre à chacun de tirer le meilleur parti de son parcours personnel de formation, d’insertion, de vie et d’évolution professionnelle. Ce nouveau recentrage illustre bien que le CPE est appelé à prendre une place centrale dans cette optique. En effet, les compétences 6 et 7 étant très fortement mobilisées à cette fin, la place qu’occupe le CPE dans la démarche d’acquisition de celles-ci l’autorise à un partage d’expertise bénéfique au développement d’une identité professionnelle en rupture avec l’héritage transmis par le surveillant général.
En guise de conclusion, nous pouvons confirmer que ce référentiel clarifie les missions, la place et le rôle du CPE au sein de nos établissements scolaires. Ce texte semble sonner le glas d’un métier flou aux contours mal définis qui a si souvent alimenté les écrits de ces dernières décennies. Ce texte laisse-t-il présager la fin d’une image de la fonction centrée sur le respect de l’ordre ?
Il y a bien un fil rouge qui relie ce nouveau référentiel de compétences à la circulaire de 1982 puisqu’il y est rappelé que : « l’ensemble des responsabilités exercées par la conseillère principale ou le conseiller principal d’éducation se situe dans le cadre général de la ‘’vie scolaire’’ et peut se définir ainsi : placer les adolescents dans les meilleures conditions de vie individuelle et collective d’épanouissement personnel ». L’action du CPE reste donc bien centrée sur l’élève ce qui devrait nous préserver d’une absorption vers d’autres aspirations. Le cœur de notre métier est donc réaffirmé et reste inchangé … La précision de la description des modes opératoires est une avancée notoire pour l’ensemble de la profession.
Ce référentiel constitue donc bien un des outils de la refondation de l’Ecole et dont l’ensemble des acteurs de l’institution doit se saisir afin d’éviter que ces prescriptions finissent dans les oubliettes de la littérature institutionnelle comme tant d’autres ambitions.
Aux IA/IPR d’impulser cette dynamique, aux responsables de formation de promouvoir ces compétences qui doivent irriguer les enseignements et enfin aux acteurs de terrain d’adhérer à un renouvellement de leur pratique.
Nous l’aurons tous compris, il ne s’agit pas d’empiler des pierres…mais bien de construire une cathédrale…
Jean-Luc Denny
Responsable du Parcours CPE / Master Encadrement Educatif
Université de Strasbourg
CPE au collège Georges Holderith de Lauterbourg (67)