Comment faire quand vous allez dans des endroits soigneusement choisis et que même là ça ne se passe pas bien ? C’est l’expérience faite par les inspecteurs généraux Annie Tobaty, Pierre Vinard, Jonas Erin, Joël Goyheneix et Bruno Jeauffroy qui ont rédigé en juillet 2015 un rapport sur le Parcours Avenir (ex PIIODMEP) publié le 23 octobre par le ministère. Ils recommandent notamment de revoir les stages de 3ème.
« Bien évidemment cette expérimentation ne s’est pas déroulée dans des lieux choisis au hasard. Il se trouvait, dans les établissements retenus, des « militants » de la cause des relations école – entreprise, dont certains avaient une pratique ancienne dans ce domaine », déclarent spontanément les inspecteurs généraux. Pourtant le bilan de la mise en place du Parcours Avenir n’est pas bon.
« Le problème principal dans les collèges est l’articulation entre PIIODMEP, socle, réforme du collège », disent-ils. « Tous ces éléments étaient encore mal connus au moment de l’enquête, ce qui peut expliquer les hésitations, ou parfois même la mise en attente de la réflexion. Rares étaient les établissements qui commençaient à intégrer dans leur réflexion l’accompagnement personnalisé ou les enseignements pratiques interdisciplinaires EPI (deux collèges seulement ont commencé à réfléchir en ce sens) ». Ils reconnaissent que la réforme du problème aura au moins l’avantage de donner un temps au Parcours Avenir, celui de l’EPI « monde économique et professionnel ».
Le stage de 3eme interrogé
Pour le reste les problèmes dominent. Et les inspecteurs interrogent d’abord le stage de 3ème, pourtant un classique rodé dans ces établissements pilotes. « Les collèges organisent désormais systématiquement des séquences d’observation en milieu professionnel, en général en classe de troisième », disent-ils. « L’exploitation de ces stages se traduit le plus souvent par la rédaction d’un rapport et lors de la soutenance devant des élèves ou devant des professeurs et la classe. Ce rapport et sa soutenance sont parfois évalués par des jurys où figurent des professionnels. Deux collèges de deux académies différentes, mais tous deux en éducation prioritaire, émettent cependant des critiques fortes et fondées sur ces périodes d’observation : les terrains de stage sont peu « riches », il s’agit souvent des écoles voisines, des structures associatives ou municipales ; le manque de réseau de ces élèves conduit l’établissement à trouver lui-même les terrains de stage. Dans un de ces collèges, on est allé jusqu’à remplacer cette semaine d’observation en entreprise par une semaine de réflexion sur l’orientation… On n’observe en aucun cas un lien entre ces visites et des contenus disciplinaires ».
Le rapport aux entreprises à calibrer
Les visites de responsables d’entreprise tombent aussi sous la critique. « Les interventions de professionnels ou de chefs d’entreprises dans des classes doivent être soigneusement préparées, voire négociées entre les enseignants et l’intervenant : outre le fait que la situation pédagogique présentée par le professionnel peut être d’une grande pauvreté (écrire des noms de fonctions sur un organigramme par exemple), le discours de l’intervenant peut contrarier les valeurs que l’école transmet (par exemple en invitant les jeunes filles à se diriger vers les métiers des ressources humaines ou de la comptabilité, au détriment de tâches plus technologiques réservées aux garçons dans l’esprit d’un retraité) ».
Autre difficulté : celle « d’appréhender la notion de parcours. La mission a observé la plupart du temps l’absence de parcours progressifs, cohérents et réflexifs, construits en pluridisciplinarité, avec un tracé consultable et « renseignable » aussi bien par l’élève que par les parents, les professeurs ou le CPE. Sans un outil qui permette cette traçabilité, il est difficile d’installer une logique de parcours, d’autant plus que le PIIODMEP n’a pas d’assise disciplinaire et ne peut donc être facilement identifiable ».
Les inspecteurs valident par contre les micro entreprises qui répondent en partu eaux objectifs du Parcours ?
Pour eux, « la généralisation du PIIODMEP va nécessiter d’accompagner les équipes moins familiarisées avec ces dispositifs. Une formation paraît nécessaire ainsi que la création de ressources pédagogiques en lien avec la découverte du monde économique et professionnel. Une des dispositions les plus urgentes est la mise à disposition des collèges d’un carnet d’adresses des entreprises ou des organismes susceptibles d’être associés à cette démarche d’ouverture au monde professionnel Cependant, deux conditions nous paraissent indispensables :
– une forme de labellisation de ces organismes. C’est particulièrement le cas pour des associations, animées certes de bonnes intentions, mais dont la mission a pu observer le décalage par rapport aux attentes de la communauté éducative, voire parfois la maladresse ;
– un mode d’emploi du « bon usage » de ces organismes ou de ces entreprises ».
En juin 2015, le CSE avait demandé le report d’un an du Parcours Avenir. Il n’avait peut-être pas tort…
François Jarraud