Par François Jarraud
Par François Jarraud
- Jean Houssaye : Peut-on éduquer à la fraternité ?
- S. Connac : Construire la fraternité en classe
- Apprendre à collaborer en maternelle
Les événements de janvier appellent de nombreuses réponses. Certaines relèvent de l’organisation du système éducatif. On en trouvera la démonstration dans le Dossier Charlie du Café. Mais la pédagogie a aussi sa part. L’école peut favoriser l’apprentissage de la coopération, de la coopération, du vivre ensemble, toutes formule qui renvoient pour nous à l’idée de fraternité. En voici quelques illustrations.
« La fraternité ne peut pas être un lot de consolation ! » Jean Houssaye est professeur en sciences de l’éducation à l’Université de Rouen. Il a une solide expérience d’éducateur et de formateur aussi bien dans les structures scolaires que périscolaires. Pour lui, » Il est artificiel et contre-productif de mettre en place un programme, un lieu ou un moment de fraternité tout en continuant à fonctionner pour l’essentiel sur le formalisme, l’intellectualisme, l’individualisme et la déresponsabilisation scolaire et sociale ». Alors rendre l’école plus fraternelle, comme on y réfléchit actuellement après les attentats de 7 janvier, n’est pas une mince affaire. « Vivre la démocratie à l’école, est-ce bien raisonnable ? »
L’école est parfois l’expérience de l’anti-fraternité. Quels sont les manifestations les plus criantes de cette anti-fraternité ?
J’ai envie de partir de Dewey, qui revient actuellement à l’honneur, et ce n’est peut-être pas pour rien. Rappelez-vous : en 1916 il écrit « Démocratie et éducation », un grand livre qui pose tout de même fortement les enjeux de l’école ? A quoi sert l’école ? Que sert-elle ? A quoi doit-elle servir ? On conviendra que ces questions ne sont pas légères… Or son constat est sans appel. L’école, nous dit-il, dans sa forme actuelle, celle du début du 20ème siècle, se caractérise par le formalisme, l’individualisme, l’intellectualisme, la déresponsabilisation scolaire et sociale. Un siècle plus tard, où en est-on ? Pouvons-nous vraiment affirmer que nous n’en sommes plus là ? Vous voyez de la fraternité là-dedans ?
En un siècle, sur quoi ont porté les changements à l’école ? Si on reprend la trilogie Liberté-Égalité-Fraternité à l’aune de l’évolution de la pédagogie, il me semble que les efforts ont porté essentiellement sur l’égalité. La liberté, n’en parlons pas. Il y a bien eu quelques tentatives significatives, comme chez les pédagogues anarchistes ou libertaires, mais globalement peu d’établissements se sont caractérisés par la liberté comme valeur cardinale. Attention cependant. Le climat éducatif général a changé et indéniablement l’ambiance éducative est devenue plus libre. A tel point d’ailleurs que certains s’en désolent régulièrement et réclament un retour de l’autorité, de la discipline. Ce qui, en tout état de cause, n’est pas en faveur d’un surcroît de liberté.
Par contre, pour des raisons politiques, économiques et sociales, l’égalité a beaucoup progressé. On est passé de la revendication de l’école primaire pour tous au secondaire pour tous. On voudrait la même école pour tous et on n’y arrive pas. Mais l’ambiguïté reste : s’agit-il de l’égalité des chances ou de l’égalité des résultats ? Dans le premier cas, on se satisfait des inégalités ; dans le second cas, on tente de les combattre, de les compenser, de les récuser (sans obligatoirement les éteindre). On tente, mais force est aussi de constater que les différences sont loin d’être abolies.
Est-ce qu’une plus grande fraternité dans les établissements scolaires modifierait l’avenir des élèves plombés par leurs origines sociales, ceux qui se sentent au ban de la société ?
La fraternité ne peut pas être un lot de consolation ! Bien entendu, elle pourrait fonctionner sur ce schéma. Puisque, très souvent, élèves, parents, enseignants ont intégré que l’échec scolaire revient à l’individu, qui n’a pas fait assez d’efforts, qui n’est pas fait pour les études, qui… etc. la fraternité peut être là pour témoigner que l’on a de l’attention, de la compassion, pour tous ces élèves qui ne réussissent pas, comme on dit. C’est un moyen de faire quelque chose qui ne remet de fait pas en cause l’ordre des choses, l’ordre social et l’ordre scolaire.
On retombe alors dans le schéma classique : justice ou charité ? La charité couvre l’injustice, permet de maintenir un fonctionnement inégalitaire. Si l’école est toujours l’école d’une société donnée, si l’école est un instrument de production d’une société donnée, il y a bien des chances qu’on y retrouve, dans ses mécanismes, les valeurs de cette société. Et, si les valeurs sont la compétition, la sélection, l’individualisme, la fraternité risque fort d’être au service de ces valeurs et non pas en contradiction avec elles. La fraternité comme nouvelle forme de la pédagogie de soutien ? Ce n’est pas impossible.
À l’inverse, peut-on spéculer sur le fait que la fraternité vécue à l’école par les élèves pourrait nécessairement influencer la société ensuite, lorsque les jeunes seront adultes ?
A-t-on le choix de spéculer sur le contraire ? Si ce qui se fabrique à l’école n’a aucune incidence sur la société à venir, il faut bien dire que le sens de ce que l’on fait au quotidien à l’école est plutôt du côté de la perte de sens. Faire l’école, éduquer, c’est faire un pari : que ce que l’on fait a une incidence positive sur l’avenir des personnes et de la société. Autrement dit, l’école n’est pas totalement l’instrument de l’adaptation à la société actuelle et à la perspective à venir. Elle peut aussi contribuer à modifier cette société, et à la modifier en fonction des valeurs que l’on veut promouvoir, la fraternité par exemple. Mais à condition que cette fraternité ne soit pas un voile pudique que l’on jette sur le fonctionnement réel.
J’ai envie ici de revenir ici à Dewey et à ce qu’il nous dit dans « Démocratie et éducation ». C’est sans ambiguïté. L’école est d’abord une institution sociale réelle et vivante. Et surtout on ne peut concevoir deux théories morales, l’une valable pour la vie scolaire et l’autre valable pour la vie sociale. L’enfant n’est pas en premier lieu un être scolaire, c’est un membre de la société, et cela au sens le plus large : c’est à l’école de le rendre capable de comprendre sa dépendance à l’égard de sa société et d’accepter cette solidarité. Mais attention ! Ceci est à double sens. Car fondamentalement ceci suppose que l’école soit une institution sociale réelle et vivante.
Alors justement, dans le sillage de la tragédie du 7 janvier se préparent des activités scolaires visant à développer la confiance, la coopération, la fraternité… entre élèves. Quelle teneur pourraient avoir ces activités ?
Là est la difficulté précisément, si l’on suit Dewey dans sa réflexion et dans son action éducative. Si l’école n’est pas une institution sociale réelle et vivante, comme il le réclame, dans quoi verse-t-elle et que favorise-t-elle ? Un intellectualisme des savoirs civiques et moraux d’un côté, un formalisme des attitudes morales au caractère particulièrement artificiel de l’autre. La morale, et la fraternité en tout premier lieu, n’est pas une affaire d’actes délimités, de savoirs spécifiques ou de vertus à étudier, intégrer et reproduire. La morale, c’est avant tout de l’intelligence sociale et du pouvoir social.
Que faut-il entendre par là ? L’intelligence sociale, c’est le pouvoir d’observer et de comprendre la solidarité humaine ; le pouvoir social, c’est la capacité de contrôler soi-même son caractère. Et donc l’éducation à la fraternité, c’est un tout et non une part de l’éducation à l’école et par l’école. La vie scolaire entre en jeu, les méthodes aussi bien entendu, et les programmes tout autant. L’éducation morale ne se réduit pas aux savoir-être, comme on dirait aujourd’hui ; elle s’inscrit tout autant dans les savoir-faire et les savoirs. Mais attention ! L’éducation morale ne se réduit pas à certains savoir-être, savoir-faire et savoirs. Elle se définit par la totalité de ce qui se passe dans l’école et de ce qui passe par l’école. On peut certes penser à un « programme scolaire de fraternité », mais l’essentiel n’est pas là. Malheureusement pourrait-on dire, car les choses de l’éducation seraient alors bien plus simples.
Oui, mais alors comment faire vivre la fraternité à l’école ?
En tentant d’assurer les conditions d’une fraternité démocratique… Vous voyez que ça nous emmène très loin. Vivre la démocratie à l’école, est-ce bien raisonnable ? N’est-ce pas plus simple de se contenter de favoriser l’intelligence d’un certain nombre de marqueurs de la démocratie et de la fraternité ? Certainement. Mais Dewey resurgit pour nous montrer les limites et les contradictions d’un tel positionnement. Si l’on estime que les arrangements sociaux de type démocratique sont plus essentiels, plus favorables, plus « éducatifs » que les arrangements de type contraire, si l’on estime que les consultations mutuelles et les convictions à base de persuasion sont bien préférables aux méthodes d’imposition ou de coercition, on n’a pas le choix. Obligation nous est faite de permettre à chaque élève, avec les autres, d’en faire concrètement l’expérience, avec les autres.
Tel est le rôle capital dévolu à l’école. Que serait une éducation qui prêcherait la supériorité de certains principes et ferait éprouver l’inverse au quotidien ? Il est artificiel et contre-productif de mettre en place un programme, un lieu ou un moment de fraternité tout en continuant à fonctionner pour l’essentiel sur le formalisme, l’intellectualisme, l’individualisme et la déresponsabilisation scolaire et sociale. Rappelez-vous, ce sont les maux du quotidien scolaire repérés et dénoncés par Dewey au début du 20ème siècle. Faut-il croire qu’ils ne sont plus à l’ordre du jour ? On peut pour le moins en douter…
N’est-ce pas aller trop loin ?
Il va bien falloir choisir. Ou la fraternité est un à part, sans être nécessairement un à côté. Ou elle est liée à l’ensemble du fonctionnement scolaire. Si c’est le cas, de même que la fraternité se conjugue avec la démocratie, de même elle est fortement liée à des notions capitales comme l’autonomie et la socialisation. Prenez l’autonomie. On n’est pas autonome tout seul. L’autonomie ne trouve sa cohérence que dans une interdépendance et une socialisation grandissantes ; elle conjugue les sentiments d’indépendance, de liberté, de responsabilité et de convivialité. Il y a bien de la fraternité là-dedans !
L’autonomie désigne une façon de vivre ensemble, elle s’énonce en termes de pratiques sociales, elle donne à entendre ce qui doit être respecté dans un vivre ensemble, dans la constitution d’une loi qui se fait et se défait. C’est une attitude générale devant la vie. Et dans ce cas elle ne s’enseigne pas, elle s’apprend, elle s’éprouve. Et donc elle passe par des pédagogies vraiment actives et une conception renouvelée de la relation pédagogique.
Socialisation, autonomie, relation éducative, fraternité sont en quelque sorte équivalentes. Pourquoi ? Parce qu’elles visent le fonctionnement tolérant et démocratique des structures sociales. L’école en est une, tout particulière, puisque c’est là que l’on est sensé apprendre à les pratiquer. C’est à l’école que doit se forger le creuset démocratique de l’avenir. Pas facile, hein ?
Propos recueillis par Gilbert Longhi
Dernière publication :
Jean Houssaye, La Pédagogie traditionnelle – Une histoire de la pédagogie, suivi de « Petite histoire des savoirs sur l’éducation », Paris, Fabert, 2014.
Qu’est-ce que la pédagogie traditionnelle ? Pour répondre à cette question, l’auteur commence par examiner ce qu’il en est de la pédagogie traditionnelle aujourd’hui. Il poursuit en l’examinant d’un point de vue philosophique. Enfin il parcourt les siècles sur ses traces et ses histoires. Tant et si bien que, à travers l’histoire de la pédagogie traditionnelle, c’est une histoire de l’innovation pédagogique que l’on découvre. Mieux même, simplement une histoire de la pédagogie. Dans le même esprit, l’ouvrage comprend aussi une « Petite histoire des savoirs sur l’éducation ». Comment et par qui se sont construits au fur et à mesure les savoirs théoriques sur l’éducation ? Qui est source de savoirs sur l’éducation et dans quel contexte ? De l’Antiquité à la post-modernité, ce qui nous est ainsi donné à voir, c’est une fresque des conditions et des figures qui ont prévalu tout au long des siècles en matière de fabrication de ces savoirs sur l’éducation.
- Jean Houssaye : Peut-on éduquer à la fraternité ?
- S. Connac : Construire la fraternité en classe
- Apprendre à collaborer en maternelle
Il arrive d’entendre des enseignants, des parents, des animateurs se plaindre que la jeunesse ne respecte plus les règles. Ce n’est pas nouveau : « Les élèves n’ont cure de leurs professeurs, pas plus que de tous ceux qui s’occupent d’eux ; et, pour tout dire, les jeunes imitent les anciens et s’opposent violemment à eux en paroles et en actes. » (Platon, La République, 563 a). Mais construire une classe sereine et fraternelle est possible, quels que soient les élèves accueillis. Mais cela ne va pas de soi. Présenter les règles, les expliquer et aller jusqu’à faire signer, ne suffit malheureusement pas. De même qu’attendre que les élèves s’entraident naturellement. C’est ici que débute la pédagogie.
Pour que de la solidarité et de la fraternité émergent et existent au sein d’un groupe, deux préoccupations pédagogiques s’imposent autour des règles et autour de la coopération
Différents niveaux de règles
Un contrat de vie, ou « règlement », regroupe l’ensemble des repères assurant la cohésion d’un groupe. Propre à chaque classe, il regroupe des lois, des règles de vie ainsi qu’un code de politesse. Les lois sont intangibles, transmises et apportées par les adultes et peuvent être soumises à des sanctions en cas d’infraction. Elles existent parce que, sans elles, la sécurité des membres du groupe n’est plus garantie. En voici un exemple de matrice :
1 – Chacun a le droit d’être tranquille dans son corps : on ne se tape pas
2 – Chacun a le droit d’être tranquille dans son cœur : on ne se moque pas
3 – Chacun a le droit d’être tranquille avec ses affaires : on ne prend pas les affaires d’un autre sans son autorisation
4 – Chacun a le droit d’être tranquille dans son travail : on respecte la concentration de chacun et si on ne comprend pas, on demande de l’aide
5 – L’enseignant(e) ne travaille pas qu’avec quelques-uns : il est disponible pour tous les élèves de la classe.
Les règles de vie peuvent être modifiées, supprimées ou complétées selon les événements rencontrés par le groupe. A l’instar de la loi, une règle de vie non respectée peut générer une sanction. Cette co-construction des règles permet l’exercice d’une démocratie participative, ce qui donne du sens et de la valeur à la démocratie.
Le code de conduite regroupe l’ensemble des éléments évidents pour la plupart des adultes, mais pas forcément encore acquis et compris par les élèves du groupe. Ce sont les codes de politesse et de bienséance. En cas de non-respect, ils ne méritent certainement pas de sanction, mais nécessitent un rappel.
L’apprentissage de la règle
Les lois ne peuvent pas être modifiées parce que sans elles, point de libertés. Mais elles sont rappelées. C’est tout le principe de la sanction, sous forme de valorisation lorsqu’elle est positive, de privation de l’exercice d’un droit et accompagnée d’une réparation lorsqu’elle est négative. La sanction se distingue de la punition par son refus de l’humiliation, qui engendrerait ressentiment, vengeance et perte de confiance. La sanction se distingue également de la punition parce qu’elle se couple à un processus de réparation, à l’initiative de la personne à l’origine de l’erreur.
Si les règles de vie et le code de conduite peuvent être modifiés, c’est d’abord pour permettre aux jeunes de comprendre d’où viennent ces limites. Pour éviter qu’ils ne soient vécus que sous le joug de l’interdit, il semble important que l’adulte rappelle régulièrement leur impact sur les libertés et pense à adapter les sanctions – leur but n’est pas d’avilir mais de faire prendre conscience
Associer des élèves à ce processus de construction et d’appropriation de la règle induit un protocole pédagogique précis. Par exemple, d’abord, en rédigeant les lois entre adultes, sans les élèves ; elles ne sont pas négociables. Penser en même temps l’organisation d’un conseil coopératif (par exemple lors des heures de vie de classe en collège), bâti sur les principes démocratiques d’un accès à la parole équitable et de prises de décisions consensuelles.
Ensuite en construisant le contrat de vie : présenter et expliquer les lois. Organiser un temps de travail pour la construction des règles de vie et du code de conduite, en précisant la différence aux élèves. Participer à ce temps en apportant une matrice initiale de règles, par exemple autour de la gestion du bruit dans la classe, de la consommation de boissons et d’aliments, de l’utilisation des ordinateurs, … Les élèves peuvent en proposer de nouvelles. Les sanctions sont apportées par les adultes, en correspondance aux règles fixées et avec la double exigence de non-humiliation et d’éducation.
Puis en proposant aux élèves une formation à la réparation, afin qu’ils en comprennent la portée et qu’ils sachent quand et comment l’effectuer. Cette formation peut être l’occasion de les préparer à une gestion non-violente et autonome des conflits : les messages clairs (1), la CNV (2), voire le message « Je » (3).
Enfin, en organisant un conseil coopératif : une assemblée démocratique régulièrement (par exemple toutes les 2 semaines). Certaines règles de vie ou éléments du code de conduite seront reconduits, modifiés, ajoutés ou supprimés. Le recours au vote n’est possible que suite à un temps de réflexion, face à l’impossibilité de trouver un consensus et parce qu’un certain nombre de contraintes pousse à la décision (une échéance, un risque, une demande extérieure, …)
Exemple d’ordre du jour d’un conseil coopératif :
1 – Ouverture du conseil et rappel des règles de fonctionnement par le président de séance
2 – Relecture et vérification des décisions prises lors du dernier conseil
3 – Les propositions : contrat de vie, projets collectifs, projets individuels, …
4 – Les problèmes et difficultés au sein de la classe
5 – Les félicitations, les encouragements et les remerciements
6 – Relecture des décisions prises et clôture du conseil
L’organisation de la coopération dans la classe
Pour éduquer, il vaut mieux vivre la mitoyenneté que parler de citoyenneté. La fraternité et la solidarité au sein d’une classe prennent sens pour les élèves parce qu’ils ont la possibilité de coopérer pour apprendre de manière ordinaire. Or, cette coopération nécessite une formation des élèves. Sinon, elle prend des formes contraires à ce dont ils ont besoin pour apprendre : désordre, asymétrie dans le travail, malentendus, … Cette formation des élèves à la coopération se fait en amont : 1 à 2 heures pendant la classe, pour tous les élèves, afin de travailler les gestes coopératifs de celui qui aide et ceux de celui qui se fait aider.
Voici ce que de nombreux enseignants utilisent comme contenu de cette formation :
Celui qui aide : il termine d’abord ce qu’il est en train d’effectuer, pour se rendre vraiment disponible. Il est d’accord pour apporter son aide, cela ne lui est pas imposé. Il s’exprime en chuchotant ou en murmurant. Il a bien compris ce qu’on lui demande, de quoi il s’agit. Sinon, il renvoie vers quelqu’un d’autre. Il peut se servir des fiches-outils et de tous les autres documents à disposition. Il ne donne pas la réponse ou la solution. Il ne se moque pas, il encourage et félicite. Il peut faire relire et expliquer la consigne, donner des exemples et montrer comment faire, expliquer avec ses mots, dire ce qu’il faut faire, donner des trucs et astuces, faire des schémas, illustrer ce qui est dit, aider à lire, observer et comprendre les fiches-outils, laisser deviner, répondre aux questions, décider d’arrêter d’aider, …
Celui qui se fait aider : d’abord, il essaye tout seul. Il choisit celui qui peut l’aider. Il attend qu’il se soit rendu disponible. Il pose une question précise. Il écoute avec attention. Il met de la bonne volonté. Il remercie celui qui l’a aidé(e). Il peut poser des questions, demander de réexpliquer, écrire, prendre des notes, décider d’arrêter de se faire aider, …
Comme pour toute leçon, certains élèves vont comprendre, d’autres pas. C’est pour cette raison, et afin d’autoriser l’autonomie des élèves qui aident, que des évaluations sont utiles, par exemple sous forme d’un brevet de tuteurs. Ainsi, pour être tuteur dans une classe, il faut réunir quatre conditions : avoir suivi une formation, être volontaire, avoir réussi le brevet et ne pas avoir perdu son brevet (respecter les règles posées).
Les enseignants peuvent alors autoriser leurs élèves à coopérer, principalement lors des phases de recherche et d’entraînement. Des outils comme les tétraaides (4) peuvent se montrer utiles pour signifier l’activité de chacun. Il en existe plusieurs autres.
C’est ainsi que les élèves ne vivent pas les règles et les sanctions comme des instruments de la toute-puissance des adultes. C’est ainsi que ces mêmes élèves considèrent la classe comme un espace d’exercice authentique de la solidarité, par un rapport au savoir partagé. Ils peuvent alors devenir des personnes autonomes, responsables et respectueuses. En somme, l’école devient un lieu d’apprentissage de la vie démocratique et fraternelle.
Sylvain Connac
MCF Université Paul Valéry de Montpellier
Des exemples de brevet pour tous les âges :
Au cycle 2
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Documents/docsjoints/Brevet[…]
Au cycle 3
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Documents/docsjoints/Brevet[…]
Au collège
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Documents/docsjoints/Brevet[…]
Au lycée
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Documents/docsjoints/Brevet[…]
Sur S Connac : « Personnaliser l’Ecole »
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2012/12/18122012Articl[…]
Notes :
1 http://www.decennie.org/documents/educ/communicationFP15.pdf
2 http://www.decennie.org/documents/educ/communicationFP09.pdf
3 http://www.decennie.org/documents/educ/communicationFP05.pdf
4 http://bdemauge.free.fr/tetraaide.pdf
Bibliographie :
• CONNAC S., Apprendre avec les pédagogies coopératives, ESF Editeur, 2009.
• CONNAC S., La personnalisation des apprentissages, ESF Editeur, 2012.
• LE GAL J., Les droits de l’enfant à l’école, pour une éducation à la citoyenneté, De Boeck et Belin, Bruxelles, 2002.
• LE MENAHEZE F. et al., Coopération et Pédagogie Freinet, Editions ICEM Pédagogie Freinet, No 33, 2002.
• PRAIRAT E., La sanction – Petites méditations à l’usage des éducateurs, L’Harmattan, Paris, 1997.
• ROBBES B., L’autorité éducative dans la classe – 12 situations pour apprendre à l’exercer, ESF Editeur, 2010.
- Jean Houssaye : Peut-on éduquer à la fraternité ?
- S. Connac : Construire la fraternité en classe
- Apprendre à collaborer en maternelle
Mardi 20 janvier 2015, la grippe me permet de travailler dans de bonnes conditions. Il n’y a que 22 élèves dans ma classe petite et moyenne sections.(1) Une journée « idéale » pour proposer aux enfants un jeu de société. C’est une activité qui demande la présence constante de l’enseignant pour un nombre réduit de joueurs, notamment avec les plus jeunes.
Ils vont y affiner leur connaissance des couleurs et des tailles. Mais l’essentiel est ailleurs. Parce que ce jeu est collaboratif, ils vont « fraterniser » à hauteur de leurs 3, 4 ans. Ils découvrent d’autres enfants. Pas seulement LE copain de tous les jours, mais aussi celui qui s’est assis par hasard à côté d’eux. Ils l’appréhendent comme un allié avec qui ils partagent le même but (réussir ensemble), le même cadre (la règle du jeu) et les mêmes moyens pour y parvenir : s’entraider. Réussir ensemble en s’entraidant dans le respect de règles communes : un sacré projet !
Gros plan sur le jeu
Chaque enfant réunit sur son plateau de jeu les ours qui correspondent à l’empreinte dessinée. (2) (Voir la vidéo Vine : https://t.co/KeIsLRkyuw ) C’est le moment d’évoquer les critères de tri, des propriétés que nous avons déjà travaillés : la taille et la couleur.
Utiliser un dé
Faire rouler un dé dans un plateau : pas facile en petite section. (Vine : https://t.co/hbc2DwTS6z ). Mieux vaut éviter certains termes comme « jette le dé », pris au premier degré par certains ! Puis, il faut « lire » le dé : c’est la face supérieure du dé qui importe. Cela nous parait évident, mais à trois ans, c’est la couleur dont j’ai besoin qui importe, où qu’elle se situe sur le dé.
Exercer sa logique
L’enfant va devoir suivre une suite de propositions logiques :
Si l’ours de la couleur du dé est encore dans l’eau sur mon plateau, je peux le sauver et le placer sur l’île. (Vine : https://t.co/nYRoS2gf8z )
S’il est déjà sauvé, alors j’observe les plateaux des autres joueurs et je sauve un de leur ours.(Vine https://t.co/Ka87LxyNkN )
Si tous les ours de cette couleur sont déjà sauvés, je passe mon tour et c’est au voisin de jouer.
(Vine https://t.co/0mFAv3HaSo )
Collaborer
Les enfants sont donc amenés tout au long du jeu à observer les plateaux des autres, à quitter un peu de leur égocentrisme (naturel à cet âge). Même s’il reprend parfois le dessus : une élève sauve l’ours de sa voisine pour… lui prendre et le placer sur son plateau. (Vine https://t.co/7OZng6lScj )
Au travers du jeu, ils s’ouvrent aux autres, ce qui n’est pas rien à cet âge. Je découvre que certains ne connaissent pas les prénoms des autres à cette époque de l’année. La classe surchargée y est peut-être aussi pour quelque chose.
Ils agissent ensemble dans un même but, qui leur parle : il faut absolument sauver ces ours qui pourraient se faire croquer les pattes ou les fesses par on ne sait quel requin ! Ils se remercient et se réjouissent d’une réussite commune.(Vine : https://t.co/6Oa0xoWi48 ). Un joli moment pour apprendre à sympathiser, devenir solidaire (3), bref pour fraterniser.
Christine Lemoine
(1) Cf cet article :
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2014/04/29042014Articl[…]
(2) Ce jeu n’est malheureusement plus commercialisé à ma connaissance, mais facilement réalisable.
(3) Définition de « fraterniser » par l’Intern@ute.
Sur le site du Café
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