Qu'est ce qui motive l'engagement des élèves ? 

Alors que l'élection présidentielle montre un taux d'abstention record chez les plus jeunes, l'Ecole est souvent interpellée pour développer l'engagement de la jeunesse. Deux études publiées dans la revue Tréma (n°56) abordent l'engagement des élus lycéens des CAVL et des nouveaux éco-délégués, créés par JM Blanquer. Toutes deux montrent que l'engagement des élèves va dépendre beaucoup de l'accueil qui y est fait dans les établissements. Comme le disent les auteurs de l'article sur les écodélégués, "le développement de leur engagement et de leur pouvoir d’agir n’est en revanche possible qu’à condition de permettre à l’ensemble des élèves et professionnels de lui accorder du sens : « on ne peut s’épanouir qu’en servant une cause dont le sens dépasse le seul individu ».

 

Des élus au CAVL très dépendants des adultes

 

La France est le pays européen qui accorde le plus de temps à l'éducation civique puisque celle-ci est enseignée pendant pas moins de 12 années. Le système éducatif invite à l'engagement des élèves, l'Ecole étant invitée à remédier au désengagement des jeunes dans la vie civique. Ce désengagement est d'ailleurs relatif puisque des études, comme celle du Cnesco, montrent que la moitié des jeunes lycéens sont bénévoles dans des structures humanitaires et qu'ils participent volontiers à des formes spontanées d'engagement. Pour cela l'Ecole a développé des institutions comme les conseils académiques de la vie lycéenne (CAVL) ou, plus récemment en 2019, les éco délégués. Deux articles de la revue Tréma (n°56) analysent à travers des exemples précis ces deux formes d'engagement.

 

L'article de JL Denny et M Braun (université de Strasbourg) interroge longuement deux jeuens élus au CAVL de Strasbourg. Tous deux bons élèves, un est élève ne lycée professionnel, l'autre en série technologique. Leur engagement s'explique pour tous deux par la demande de leur CPE. Cela confirme la sélection institutionnelle qui est faite des élus au CVL et par suite au CAVL. Sélection qui explique la façon dont le ministère tire profit des CAVL pour soutenir sa politique.

 

Les deux élus au CAVL  souhaitent tous deux s'intégrer au collectif d'adultes qui gère l'établissement. "Le fait « d’être autour de la table » avec d’autres élus et personnels représente « beaucoup pour [Romain] » (R87), l’amenant à se sentir intégré à un collectif avec des adultes, dans lequel « il se sent plus à sa place qu’avec ses pairs » (R41). Ainsi « discuter avec des gens hauts placés » lui donne le sentiment « d’être dans la cour des grands, [...] avec des adultes". Tous deux ont de fortes attentes des adultes pour "encadrer les réunions". "Plus que de développer le sentiment d’appartenance des élèves à leur établissement, les élus souhaitent partager avec les pairs et adultes de l’établissement les valeurs qu’eux-mêmes portent, telles la solidarité, l’entraide et la fraternité, afin d’aboutir à un vivre-ensemble partagé", écrivent les auteurs.

 

Des éco délégués bridés

 

Avec les éco délégués, on touche à une nouvelle responsabilité proposée par l'institution scolaire à partir de 2019. L'étude de E Bois, M Hugon, F Glomeron et M Feinard-Duranceau (université de Nantes), porte sur une vingtaine d'éco délégués issus de trois établissements , un collège, un lycée général et un lycée professionnel.

 

Là l'intervention des adultes est moins prioritaire. "Pour 4 élèves, s’engager est une obligation, impliquant de se soumettre et d’accepter certaines conditions ; pour deux lycéennes de filière professionnelle, il s’agit de « promettre »". Pour les autres l'engagement dans la fonction "correspond à un investissement lié à des valeurs personnelles, une envie d’agir : 8 élèves parlent de « défendre une cause ou une idée » ; 6 élèves considèrent que l’engagement consiste à « agir » et 8 élèves, étant par ailleurs engagés en tant que délégués de classe, insistent sur la nécessité de s’investir et de tenir son engagement".

 

Chez ces élèves on trouve une forte envie d'agir et la majorité dit avoir effectivement réalisé des actions dans leur établissement. "Ces actions relèvent principalement du niveau 1, c’est-à-dire la réalisation de « petits-gestes » individuels (14/22) comme le tri, le recyclage des bouchons, des piles, l’installation de poubelles jaunes. Des actions collectives sont également signalées par 11 élèves interrogés, quel que soit le type d’établissement scolaire, telles que les temps de formation sur deux jours, de réunions pour donner des idées de projets, etc.". Pour aller plus loin il faudrait le soutien de l'établissement qui semble un frein majeur.

 

Ces deux exemples montrent la position ambigue de l'institution vis à vis de l'engagement de ces jeunes. Elle en téléguide une forte partie. Les CPE semblent être des éléments importants dans cette conception d'un engagement lycéen étroitement controlé par les adultes. D'un autre coté il y a une demande institutionnelle pour la transmission de valeurs écologiques et un véritable engagement en ce sens. Or celui ci ne peut pas se faire avec une institution qui freine et encadre. "Si l’institution scolaire souhaite une EDD transformatrice et socioconstructiviste critique, les éco-délégués peuvent être vecteurs dans le champ de l’Éducation au Développement Durable (EDD) en synergie avec l’enseignement de l’EDD en classe. Le développement de leur engagement et de leur pouvoir d’agir n’est en revanche possible qu’à condition de permettre à l’ensemble des élèves et professionnels de lui accorder du sens".

 

François Jarraud

 

Trema n°56

Les CPE et l'engagement des jeunes

Une nouvelle tentative pour relancer l'engagement des jeunes

Engagement lycéen : les premiers de la classe sont les derniers

 

 

Par fjarraud , le vendredi 15 avril 2022.

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