Le CPE et l'engagement des jeunes 

Jamais l'injonction de s'engager n'a autant pesé sur les lycéens et les collégiens. Alors que le ministère passe des Conseils de la vie lycéenne aux conseil de la vie collégienne,  de l'EMC au Parcours citoyen; la 3ème Rencontre nationale des CPE, organisée par le Snes le 24 mai, a invité deux sociologues, Anne Barrère et Valérie Becquet. Une confrontation qui a spontanément créé des échanges, de la réflexion tant la question prend à bras le corps les contradictions de l'Ecole.

 

L'engagement après novembre

 

"Peut-on parler de l'engagement des jeunes de la même manière après novembre ? Certainement pas", explique Valérie Heraut, secrétaire CPE du Snes, en ouvrant les Rencontres. "Maintenant la responsabilité éducative apparait beaucoup plus forte". La mise en route du Parcours citoyen, le développement des CVL et bientôt des Conseils de la Vie Collégienne, l'EMC généralisée, les nouveaux médias lycéens, le déploiement du service civique, tout cela montre que l'institution fait de l'engagement une de ses priorités. "On est sensible à l'engagement et à ses ressorts", poursuit V Héraut. "Mais l'institution a plaqué sur ce mot des dispositifs fragiles et conformistes. Comment leur donner de l'épaisseur ?" Pour répondre à cette question, le Snes a invité deux sociologues qui ont travaillé sur l'engagement des jeunes.

 

L'engagement dans le travail et la mobilisation cognitive

 

Anne Barrère, Université Paris Descartes, a publié "L'éducation buissonnière". Elle analyse l'engagement des élèves dans le  travail scolaire, l'engagement dans les activités électives et ce qu'il apprend sur l'école.

 

Pour A Barrère, "les élèves s'engagent dans le travail scolaire : ils travaillent réellement et savent tous qu'il faut travailler pour réussir". Mais cet engagement dans le travail est dissocié de la mobilisation cognitive. Le sens des études est dissocié des motivations intellectuelles qui, parfois, se retrouvent comme le montre un mémoire de CPE, dans les options.  Cela tient à la puissance des rituels scolaires , qui ont pris le pas sur l'autonomie mais aussi à la massification de l'Ecole. D'o l'obligation que ressentent les professeurs de motiver les élèves.

 

A Barrère montre que si on creuse, il y a "un continent enfoui de micro décrochages et de raccrochages" autour des disciplines scolaires au fil des jours.

 

Activités électives et activités scolaires

 

A l'inverse les activités choisies par les jeunes reposent sur cet engagement intellectuel et elles interfèrent avec les activités scolaires. Pour A Barrère, il ne faut pas les sous estimer. Telle classe apparemment passive et rétive à tout intéret, peut être composée d'élèves très engagés en dehors de l'espace scolaire. Ces engagements peuvent même compenser une carrière scolaire médiocre.

 

Ces activités participent de la construction de l'identité du jeune. Elles permettent de se singulariser dans le groupe de pairs. Elles montrent que les adolescents peuvent s'engager dans la durée et être "à fond" dans quelque chose. "Il y a là des leçons pour l'école" , pense A Barrère.

 

La conclusion, pour A Barrère, c'est que "le déficit d'engagement à l'école est du au déficit de sens de l'école pour la formation de soi. Il faut trouver le moyen de reconnaitre les activités électives des jeunes".

 

L'engagement lié à l'héritage social

 

Valérie Becquet , université de Cergy, a travaillé sur les modes d'engagement des jeunes. Cela va des mouvements sociaux à l'engagement associatif (un quart des moins de 30 ans a des activités bénévoles dans une association) ou beaucoup plus rarement politique.

 

Pour elle "il y a des héritages" dans l'engagement.  "L'engagement est socialement sélectif. Plus on est diplômé, plus on vient d'une catégorie aisée plus on a de chances de s'engager".  Les CPE doivent avoir cette notion en tête quand il s'agit de faire vivre le CVL ou la participation des élèves au CA.

 

L'engagement s'inscrit dans la vie d'un jeune. Il y a des années où l'objectif c'est la réussite scolaire : par exemple en terminale ou la découverte du lycée (en 2de). La bonne année de l'engagement c'est donc la première.

 

L'engagement, un injonction contradictoire

 

L'engagement s'organise. Il a des conditions pratiques. Culturelles (savoir parler en public). Mais aussi institutionnelles. "Qu'est ce qu'un mandat d'élu dans un établissement scolaire ?", interroge V Becquet. "Que se passe-t-il quand on manque un cours pour l'exercer ? Au delà des discours officiels, l'engagement peut ajouter des contraintes".

 

En conclusion, V Becquet souligne les contradictions que révèlent l'engagement dans le système éducatif. "On demande aux élèves de se taire et de travailler durant toute leur scolarité et tout à coup on exige qu'ils prennent la parole. Malheureusement les élèves sont soumis à des injonctions contradictoires. Il faut savoir ce qu'on veut".

 

C'est pour cela qu'elle souhaite finalement "bonne chance" aux CPE pour le parcours citoyen. Tout en soulignant un point positif : "Il y a le mot "parcours". On considère enfin la temporalité des pratiques".

 

François Jarraud

 

A Barrère : L'éducation buissonnière

 

 

 

Par fjarraud , le mercredi 25 mai 2016.

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