Ryem Boudjemaï : Permaculture et grainothèque au lycée 

Comment le potager peut-il devenir une source de motivation chez les lycéens ? Ryem Boudjemaï, enseignant de SVT au lycée Jacques Brel de La Courneuve (93), y développe un projet de jardin pédagogique. Ses élèves sont impliqués pour semer, récolter et conserver les graines des tomates qu’ils replantent l’année suivante. En lien avec le dispositif « Jardins de Créteil », l’enseignant vise aussi à étoffer sa grainothèque et assurer la continuité des espèces anciennes et locales. Pour Ryem Boudjemaï « le travail réalisé à l’échelle du jardin permet ensuite d’extrapoler à l’échelle des biomes et de la biosphère ».

 

Pourquoi ce projet de grainothèque ?

 

Il s’agit d’abord d’un projet de jardin pédagogique, avec notamment un potager. L’idée est de planter des graines une année n, puis de les récupérer dans les fruits, les faire sécher et les stocker pour les replanter ensuite l’année n+1 !

 

En attendant, les graines sont stockées dans une grainothèque située au CDI du lycée. Je mène ce projet dans le cadre de l’enseignement de détermination MPS en 2nde et avec les éco-délégué.e.s du lycée.  C’est seulement la deuxième année pour ma part, et l’année dernière nous n’avons pu obtenir que des tomates en fruits. Alors, on n'a pour l’instant que des graines de tomates en stock … mais en quantité astronomique !

 

Ce projet a une vocation scientifique bien sûr mais surtout citoyenne, puisque les élèves prennent conscience de questions sociétales, relatives entre autres aux écosystèmes et aux interactions entre espèces. Ils se reconnectent aussi à la nature au contact du sol, et nous travaillons le sens de l’observation, le temps qui passe et la transmission de quelque chose entre générations d’élèves.

 

Que font vos élèves au cours des séances ?

 

Ce sont avant tout les activités classiques réalisables dans un potager en permaculture : préparer la lasagne et le paillage en automne, planifier et réaliser les semis en hiver, les repiquer puis les mettre en terre. Surveiller, arroser encore et encore et enfin récolter les fruits quand ils sortent. On peut ensuite récupérer les graines, les faire sécher et enfin les stocker en sachets dans la grainothèque.

 

Vous voyez qu’il s’agit là d’un dur labeur et cela développe le sens de l’effort, en particulier chez certains élèves, qui peuvent être en difficulté dans des activités classiques en classe, et qui se sentent d’un coup très valorisés. Le potager devient alors une source de motivation, par son côté très concret et pratique, puisque l’élève peut constater le fruit de son travail et du temps qu’il a investi : les plantes poussent, on récolte des fruits, etc.

 

Quelles ressources utilisez-vous en classe ?

 

En fait, ce potager est lui-même fournisseur de ressources et de matériel au service de la formation scientifique des élèves. Le travail réalisé à l’échelle du jardin permet ensuite d’extrapoler à l’échelle des biomes et de la biosphère.

 

Mais nous utilisons aussi l’outil Grainocréteil pour constituer des fiches permettant de référencer précisément chaque graine avec de nombreuses informations sur la variété et pour assurer la traçabilité des semences. Il s’agit d’une base de données en ligne permettant le référencement des graines issues des grainothèques de toute l’académie de Créteil !

 

Quels sont les objectifs du groupe de travail sur les potagers et grainothèque dans l'académie de Créteil ?

 

Nous sommes un groupe de huit professeurs de l’académie de Créteil. Je ne les ai rejoints que cette année, mais ça m’a déjà permis d’apprendre énormément. Certains membres du groupe sont de véritables experts qui partagent leur expérience et les échanges sont ainsi très instructifs et dynamiques.

 

Ce groupe anime le dispositif « Jardins de Créteil » qui vise à accompagner depuis 2013 les équipes qui développent des projets de jardins pédagogiques.

 

Plus concrètement, nous cherchons à promouvoir la création et le développement des potagers, grainothèques et coins nature dans l’académie de Créteil. Entre autres, nous organisons un concours de jardins, des forums départementaux pour former les personnels, des formations au PAF (Sous forme d’ANT notamment), nous créons des ressources et nous gérons aussi l’outil Grainocréteil. Mais on se refile surtout des idées ou des conseils en jardinage les un.e.s les autres !  Nous avons aussi une liste de discussion pour les personnes intéressées.

 

Pourquoi cette mise en réseau des grainothèques ?

 

De nombreuses grainothèques existent déjà dans l’académie de Créteil et ailleurs. Si la mienne est encore peu remplie, je sais que certaines sont bien garnies, diversifiées et déjà opérationnelles.

 

Nous espérons justement créer un réseau opérationnel de troc de graines dans l’académie de Créteil, grâce à l’outil Grainocréteil. A terme, ce réseau pourrait inclure tous les niveaux d’enseignement et être au cœur de magnifiques projets de potagers et grainothèques créateurs de lien social et d’échanges très riches. On pourrait par exemple imaginer que chaque établissement ait sa « graine spéciale », une variété locale cultivée anciennement, et en assure la continuité et la promotion.

 

Entretien par Julien Cabioch

 

Dispositif « Jardins de Créteil »

 

Outil Grainocréteil

 

Dans le Café

Ryem Boudjemaï : Des lycéens éco-délégués  

Ryem Boudjemaï : Un rucher sur le toit du lycée

Des lycéens envoient des graines dans l’espace

 

 

 

 

 

 

 

Par fjarraud , le mardi 28 mai 2019.

Commentaires

  • Lovekids, le 26/11/2020 à 13:16
    Euh... la permaculture est beaucoup plus compliquée que ce que vous avez décrit.

    Dans certains contextes, certaines plantes alimentaires comestibles peuvent être aussi compétitives. La laitue Goldfields, naturalisée dans la région de Clunes, est une mauvaise herbe dominante des allées en gravier et des fissures des chemins en béton - vous ne voudriez pas manger celles qui poussent dans une allée, même si vous conduisez une voiture électrique maintenant il y aura des gaz d'échappement d'essence et peut-être même des résidus de plomb dans le sol juste là, mais là où elle pousse dans un meilleur sol, elle est aussi savoureuse que n'importe quelle autre laitue de type feuille de chêne. Dans la banlieue de Melbourne, lorsque j'y vivais, le fenouil était une mauvaise herbe commune des remblais de chemin de fer - et les trains locaux sont électriques, donc si c'est une ligne qui n'a pas de trains diesel longue distance sur elle aussi, et à une certaine distance de la route principale la plus proche, alors c'est un régal aussi.

    La plupart des autres légumes domestiques ne sont pas si compétitifs - nous les sélectionnons pour leur taille et leur goût depuis des milliers d'années, et la compétitivité n'a tout simplement pas été un critère de sélection. Dans la plupart des textes sur la permaculture, vous trouverez une ou plusieurs façons de construire un nouveau potager *sur* une pelouse existante, avec une explication sur la façon dont cette méthode particulière va tuer l'herbe en dessous pour que vos plantes obtiennent tous les nutriments enfermés dans cette herbe.

    Dans une plate-bande, voir plus haut à propos des légumes traditionnels cultivés de manière sélective qui ne sont pas très compétitifs. Tantôt des graines, tantôt des semis, vous pouvez planter de nouvelles plantes à côté de plantes compatibles, semi-cultivées ou matures. Il y en a qui ne sont vraiment pas compatibles, comme les alliums et les pois ou les haricots, où les exsudats antibactériens des racines d'allium vont inhiber les nodules de fixation de l'azote qui devraient se former sur les racines des lentilles, et il est utile de réfléchir à la forme de la plante à la fois au-dessus et au-dessous du sol - les racines superficielles peu profondes comme celles d'une fraise ne vont pas concurrencer les racines profondes comme la plupart des légumes-racines, Les légumes lourds comme le maïs s'associent bien avec les légumes qui se nourrissent d'eux-mêmes comme les haricots grimpants ou les pois, et peuvent être suivis par des légumes moins affamés comme les carottes qui ont tendance à se fendre dans un sol trop bien nourri... il existe toute une forme d'art qui consiste à associer des légumes compatibles dans l'espace et dans le temps. Le mélange de plantes vivaces et d'annuelles fait également passer cet art à un niveau supérieur, des couvre-sols aux vignes grimpantes, en passant par les arbustes et les grands arbres, et nous ajoutons ensuite tout le bétail nécessaire au mélange.

    Le jardinage en permaculture comme le détaille http://www.jardingue.fr
    dispose d'un tas de modèles communs qui peuvent être adaptés à un large éventail de contextes : les arbres fruitiers à la lisière du jardin de légumes pour que vous puissiez vous en occuper pendant que vous jardinez, les étouffoirs en rotation qui nettoient le lit du jardin lorsque cet ensemble de légumes est terminé et, accessoirement, qui nettoient en même temps les fruits tombés et les fruits envahis par les insectes, seront semblables partout. Certaines régions auront des fruits et des légumes tropicaux, d'autres un climat froid, d'autres encore une adaptation semi-aride, une famille rurale avide de viande comme la mienne pourrait choisir une bonne race de chok et faire éclore beaucoup d'œufs pour les oiseaux de table, un végétarien des centres urbains pourrait avoir quelques jolies poules qui sont autant des animaux de compagnie que des poules pondeuses, ou même des oiseaux de compagnie qui ne sont pas des choks, comme les cailles, où les choks sont interdits. 

    La permaculture, en tant que discipline de conception, et la permaculture, en tant qu'éthique de vie, vont beaucoup plus loin que l'aménagement d'un jardin potager, mais sans le jardin, il est difficile de se concentrer sur le reste, c'est donc par là que commence la plupart d'entre nous. Étudier pour comprendre ce que l'on fait en premier est beaucoup plus facile que d'avoir à changer ou à reconstruire ses erreurs par la suite.
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