L'article 1 de la loi Blanquer maintenu  

Réunie pour examiner la loi Blanquer sur l'école de la confiance, la commission de l'éducation de l'Assemblée nationale a maintenu intégralement la rédaction de l'article 1 en ajoutant simplement un rappel de la loi de 1983 sur les droits et obligations des fonctionnaires. Alors que le ministre et la rapporteure avaient déclaré souhaiter une nouvelle rédaction, alors surtout que de nombreux enseignants ont réagi à cet article, le maintien de l'article 1 confirme l'autoritarisme de la majorité envers les enseignants.

 

L'article 1 adopté

 

"Je n'ai aucun problème à faire évoluer l'article 1... Je vais le faire évoluer pour lever le malentendu".  Le 8 janvier sur France Culture le ministre avait redit son intention de réécrire l'article 1 du projet de loi sur l'école de la confiance. La rapporteure du projet, AC Lang, avait annoncé qu'elle proposerait un nouveau texte là aussi pour lever toute ambiguïté.

 

Ce n'est pourtant pas comme cela que cela s'est passé. Le 29 janvier, la commission de la culture et de l'éducation de l'Assemblée a adopté l' amendement 640 (le dernier de la liste) déposé par AC Lang qui se limite à ajouter à l'article à l'alinéa 2 " Dans le respect de la loi n° 83634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires,". A nos yeux ce maintien d'un texte accusé de vouloir empêcher l'expression des enseignants confirme cette analyse et la volonté ministérielle de dresser les enseignants.

 

Les tentatives pour le supprimer

 

Le 29 juillet la commission de l'éducation de l'Assemblée a entamé un marathon législatif pour étudier la loi sur l'école de la confiance déposée par JM Blanquer. Les députés doivent examiner pas moins de 500 amendements. Et l'étude du texte débute avec l'article 1

 

Ou plutot avec trois amendements demandant sa suppression déposés par des élus de gauche. Elsa Faucillon (GDR -PC) voit dans l'article 1 "l'idée d'une reprise en main forte " et "une mesure d'exception pour les fonctionnaires de l'école publique". "On serre la vis" résume-t-elle. Michel Larive (LFI) critique une formulation maladroite et  curieuse. G Pau Langevin (PS) est inquiète à la lecture de l'étude d'impact de la loi. Elle demande la suppression car elle n'est aps sure que la nouvelle formulation permettra de lever ses réserves.

 

C'est bien vu ! Car la rapporteure ne voit dans l'article que le renforcement de la confiance et du respect mutuel entre les acteurs de l'école. JM Blanquer affirme n'avoir "aucune intention de faire évoluer la liberté d'expression" des enseignants, n'est "pa s gêné par une nouvelle rédaction". Mais il s'indigne qu'on puisse demander le retrait de l'obligation d'exemplarité des enseignants. "J'ai toujours été fier d'avoir des droits et des devoirs. Mes devoirs ne me posent pas de problèmes".

 

Les amendements de retrait de l'article sont écartés par la commission (où LREM est majoritaire) et la rapporteure propose son propre amendement 640. Pour elle ajouter la référence à la loi de 1983 "permet le maintien de l'article 1". Son amendement est adopté.

 

Quel danger dans l'article 1 ?

 

En fait la rédaction de l'article 1 semble bien anodine. Il demande d'insérer un article L. 111-3-1 dans le Code de l'éducation ainsi rédigé : " Art. L. 111-3-1 - Par leur engagement et leur exemplarité, les personnels de la communauté éducative contribuent à l’établissement du lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l’éducation. Ce lien implique également le respect des élèves et de leur famille à l’égard de l’institution scolaire et de l’ensemble de ses personnels. " Mais l'étude d'impact de la loi, un document légal réalisé par le ministère pour l'Assemblée, éclaire cet article d'une façon non ambigue, comme nous le signalions le 12 décembre.

 

" Le Gouvernement souhaite inscrire, dans la loi, la nécessaire protection de ce lien de confiance qui doit unir les personnels du service public de l’éducation aux élèves et à leurs familles. Compte tenu de son importance, il serait en effet déraisonnable de s’en tenir à une simple consécration jurisprudentielle", explique l'étude d'impact. "Les dispositions de la présente mesure pourront ainsi être invoquées, comme dans la décision du Conseil d’Etat du 18 juillet 2018 précédemment mentionnée, dans le cadre d’affaires disciplinaires concernant des personnels de l’éducation nationale s’étant rendus coupables de faits portant atteinte à la réputation du service public".

 

L'arrêt en question avait annulé la décision d'une cour administrative d'appel  qui était revenue sur la révocation d'un enseignant condamné avec sursis pour agressions sexuelles sur mineurs de quinze ans. Pour chasser cet enseignant du métier , le Conseil d'Etat a argué de " l’exigence d’exemplarité et d’irréprochabilité qui incombe aux enseignants dans leurs relations avec des mineurs, y compris en dehors du service" et de l’importance de l’atteinte portée " à la réputation du service public de l’éducation nationale ainsi qu’au lien de confiance qui doit unir les enfants et leurs parents aux enseignants du service".

 

La volonté de faire taire les profs sur les réseaux sociaux

 

Le projet de loi Blanquer exploite cet arrêt dans un tout autre domaine. Il ne s'agit plus de délinquant sexuel condamné mais de n'importe quel prof. Il ne s'agit plus de la violation perverse de la relation pédagogique mais du lien d'obéissance au ministre.  En s'appuyant sur cet article le ministre veut pouvoir sanctionner ce qu'il n'arrive pas à punir actuellement.

 

L'étude d'impact le confirme en donnant des exemples très clairs. "Il en ira par exemple ainsi lorsque des personnels de la communauté éducative chercheront à dénigrer auprès du public par des propos gravement mensongers ou diffamatoires leurs collègues et de manière générale l’institution scolaire. Ces dispositions pourront également être utilement invoquées par l’administration dans les cas de violences contre les personnels de la communauté éducative ou d’atteintes au droit au respect de leur vie privée, notamment par le biais de publications sur des réseaux sociaux".

 

Ainsi toute critique portée par un enseignant sur l'institution pourrait avec cet article 1 être légalement sanctionnée par une révocation. Ce que poursuit le ministre c'est la généralisation du devoir de réserve qui concerne aujourd'hui les seuls cadres du système éducatif ou des cas bien particuliers. Les violences tout comme la diffamation sont déjà punis par la loi. Le devoir de réserve peut être invoqué pour des enseignants qui feraient campagne contre l'institution (et non contre un responsable politique). Or la liberté de parole des enseignants est nécessaire à l'exercice du métier. Ils doivent éthiquement privilégier l'intérêt de l'élève avant celui de l'institution. Ils doivent pouvoir exercer librement un droit de critique sur le fonctionnement de l'institution.

 

L'ajout par l'amendement 640 du rappel de la loi de 1983 ne change rien à la portée du texte. Cette loi existait avant la rédaction du projet d e loi. La rappeler ne change pas le nouveau texte.

 

C'est d'ailleurs ce qu'a compris tout de suite Elsa Faucillon. "Celles et ceux qui ont vu (dans l'article 1) une forme d'exception faite pour les enseignants  risquent de ne pas voir en quoi cette redondance modifie ce qu'il y a après".

 

L'adoption de l'article par la commission ne fait que préparer le texte sur lequel les députés vont travailler lors de l'examen de la loi. Le texte va suivre le chemin normal d'une loi avec de nouvelles possibilités de débats et d'amendements. Mais ce qui ressort de la soirée du 29 janvier, c'est que le ministre et la majorité pensent qu'ils peuvent imposer cet article 1 tel quel. L'application de cet article va dépendre de la capacité des enseignants qui s'y opposent à convaincre les députés à faire machine arrière.

 

Offensive conservatrice

 

Les débats sur le projet de loi Blanquer ont continué. Les députés LR ont tenté de faire inscrire dans le texte de nombreux amendements sur des thèmes très conservateurs. L'uniforme obligatoire a été à nouveau proposé par le député Maxime Minot, défendu par P Hetzel et X Breton. La députée B Kuster (LR) a demandé qu'en plus de l'uniforme on chante la Marseillaise à l'école. P Hetzel a défendu à travers de nombreux amendements la thèse de la prééminence des familles sur l'école. Ainsi il a demandé que les programmes d'EMC soient revus pour que la famille garde la main sur l"éducation des enfants. Il a tenté de limiter le contenu du socle. Le summum a été atteint quand le X Breton, combattant l'éducation sexuelle à l'école, a déclaré : "quand il n'y avait pas d'éducation sexuelle il y avait moins d'attaques sexuelles", donnant nettement à pesner que celle ci , "trop physique", incite les enfants à la débauche. P Hetzel réfute le terme de "co éducation". Cela ne l'empêche pas de demander de rendre obligatoire l'éducation à l'entrepreneuriat.

 

Un autre débat a lieu quand G Pau Langevin et M Larive (LFI) demandent à travers deux amendements qu'en échange du financement des écoles maternelles du privé grâce à la loi Blanquer , celles ci soient obligées à davantage de mixité sociale. Ces amendements seront rejetés.

 

La gauche fait passer un amendement sur le droit de tous les enfants à l'école

 

G Pau Langevin aura plus de chance avec un autre amendement. A propos de l'article 2 sur l'obligation d'instruction à partir de 3 ans, elle fait préciser que celle ci concerne les enfants de tous les sexes , français et étrangers. Malgré l'hostilité de la rapporteure, pourtant auteure d'une proposition de loi qui devait garantir la scolarisation de tous les enfants, l'amendement est adopté par la commission. L'article 2 est adopté vers 1 heure du matin.

 

A l'issue de cette première journée d'étude du texte, le ministre a réussi à maintenir l'article le plus controversé de sa loi. Réussira-t-il à faire passer la suppression du Cnesco, la possibilité d'annualiser les services des enseignants, l'ouverture aux expérimentations proches du ministre et une réforme des Espe qui vise à les mettre elles aussi au pas ? L'étude du texte continue le 30 janvier...

 

François Jarraud

 

Le texte de la loi

L'amendement 640

L'amendement Pau Langevin

L'étude d'impact

Notre article du 12 décembre

L aloi en 20 articles

Loi Blanquer : craintes confirmées

La loi Blanquer : Dossier

Non scolarisation : le scandale de Chilly Mazarin

 

 

 

Par fjarraud , le mercredi 30 janvier 2019.

Commentaires

  • komalshah, le 02/10/2019 à 13:25
  • Ashwin, le 26/04/2019 à 09:44
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  • harrygateau, le 22/02/2019 à 10:36
    Bonjour, je suis étudiante en Master Meef  1er degré et cette année, ainsi que l'année dernière, nous avons eu des intervenants venus nous parler du devoirs de réserve de l'enseignant. Ils nous ont bien expliqué que nous n'avions pas le droit face aux parents et aux enfants de critiquer l'institution, ni sur les réseaux sociaux, car nous sommes des représentants de l'Etat. Il y a eu des protestations dans la classe mais ils nous ont dit que c'était la loi, et que si nous n'étiez pas prêt à nous y conformer il ne fallait pas être prof. Je ne comprends donc pas ce que cet article change? (à part si les intervenants nous ont menti sur les implications actuelles du devoirs de réserve...) 


  • chabrun, le 30/01/2019 à 08:38
    Merci pour cet article qui confirme nos inquiétudes.
    Un ministre qui dirige et se défie de tous (élèves et enseignants)
    L'école de la défiance !
  • veronica4, le 30/01/2019 à 07:37
    Triste époque et monarchie
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