France Stratégie appelle à revoir la carte de l'éducation prioritaire 

"Une réflexion sur l’affectation des élèves et des personnels et sur les conditions d’ouverture et de fermeture de classes semble nécessaire, afin de mieux adapter les moyens des collèges aux évolutions démographiques et sociales rencontrées sur le terrain". Dans une nouvelle étude qui pointe les inégalités de moyens entre les collèges, France Stratégie, un service du premier ministre, appelle à revoir la carte de l'éducation prioritaire. Plus précisément, l'étude invite à supprimer les collèges Rep. Cette approche strictement comptable est publiée quelques jours avant la sortie, le 4 octobre, d'un rapport de la Cour des comptes qui pourrait aller très loin dans la demande de réduction des moyens.

 

Une étude opportune

 

L'étude de Clément Dherbécourt et Nicolas Le Ru, deux économistes attachés à France Stratégie, traite des inégalités de postes entre les collèges. Elle utilise la base des emplois, sans d'ailleurs distinguer entre professeurs et non enseignants mais en excluant le personnel départemental. L'étude observe le rapport entre le nombre d'emplois et celui des élèves dans les collèges et analyse les inégalités constatées.

 

Elle distingue essentiellement trois catégories de collège, Rep+, Rep et hors éducation prioritaire. Les Rep+ et Rep sont deux catégories de collèges de l'éducation prioritaire décidées en 2014. Il s'agit donc d'une modification récente de la carte des collèges qui avait déjà fait sortir de nombreux établissements de l'éducation prioritaire.

 

Cette étude sort au moment d'une triple échéance. Au changement politique s'ajoute le fait que le ministère prépare un outil de répartition fin des moyens d'enseignement en fonction de critères sociaux dans le secondaire comme il existe déjà dans le primaire. Ensuite "prévu par la loi de programmation de 2013, le réajustement tous les quatre ans de la carte de l’éducation prioritaire est une opportunité pour adapter régulièrement les moyens des collèges à leurs besoins". C'est cette triple opportunité que France Stratégie souhaite utiliser.

 

Des inégalités dans la répartition des moyens

 

Selon l'étude , en moyenne on compte 10.6 postes pour 100 élèves dans les collèges (dont 7.7 postes d'enseignants). Mais cette moyenne est peu représentative puisque les extrêmes vont de 22.4 à 7. "10 % des établissements de France métropolitaine ont moins de 9 postes pour 100 élèves, tandis que les 10 % des collèges les mieux dotés en ont plus de 13", note l'étude. "Ces écarts de postes par élèves, stables depuis 2012, s’expliquent à près de 40 % par des écarts de taille moyenne de classe. En France métropolitaine, on compte moins de 21 élèves par classe en filière générale dans un collège sur dix, et plus de 27 dans un collège sur dix également".

 

Mais l'étude se focalise sur la répartition des moyens entre collèges de l'éducation prioritaire et les autres. " Le collège médian dispose en REP de 11 postes pour 100 élèves et celui de REP+ de 14 postes, contre 10 postes dans le collège médian hors éducation prioritaire".

 

L'étude avance une estimation chiffrée en euros des écarts. " Le système d’allocation aboutit tout de même à ce que le nombre de postes par élève soit supérieur pour les collégiens issus de milieux défavorisés au niveau national. Ainsi, en 2015, pour 100 enfants défavorisés, on a en moyenne 9,9 postes d’enseignants et de non-enseignants (pour une dépense moyenne de 3 000 euros), contre 9,1 postes et 2 800 euros pour un enfant très favorisé".

 

Un tiers des collèges les mieux dotés ne sont pas en Rep ou Rep+

 

 

 


Mais France Stratégie relève aussi des écarts. " Alors que la grande majorité (85 %) des collèges en REP+ font partie des 20 % des établissements de France métropolitaine les mieux

dotés, ce n’est le cas que de quatre collèges REP sur dix", notent les auteurs.  Ils montrent même qu'un tiers des collèges les mieux dotés n'appartiennent pas à l'éducation prioritaire. Un fait qui ne sera pas exploité dans les conclusions... Même au sein des Rep+ l'étude observe des écarts : " cet écart atteint plus de 6 postes entre collèges situés dans les communes urbaines, et 4 postes entre collèges situés dans l’unité urbaine de Paris".

 

Petits et grands établissements

 

L'étude arrive à la conclusion que les grands établissements  coûtent moins cher. " La taille de l’établissement joue un rôle significatif pour les enseignants, les assistants d’éducation et les personnels non enseignants : par exemple, un établissement de 500 à 600 élèves compte, en moyenne pour 100 élèves, 1,5 enseignant de moins qu’un établissement comparable de 100 à 200 élèves. Cet écart, d’une même ampleur qu’entre un collège REP+ et un collège hors éducation prioritaire, s’explique notamment par le fait que le nombre d’élèves par classe augmente — et donc le besoin de professeurs par élève diminue — avec la taille du collège".

 

Seconde conclusion, l'étude observe qu'un fort effet d'inertie pèse sur la répartition des moyens. Il n'y a pas de lien immédiat entre hausse des effectifs et des postes. Enfin " la sortie d’un dispositif spécifique ne se traduit pas toujours, tout au moins à court terme, par une révision à la baisse des moyens alloués aux établissements : si les moyens des collèges entrant dans le dispositif REP ont bien été sensiblement renforcés, on n’observe pas de diminution symétrique des moyens des établissements ayant quitté le dispositif d’éducation prioritaire". Une "rigidité" que l'étude souligne doublement dans les établissements de petite taille.

 

Supprimer les collèges Rep

 

L'étude fait donc une proposition : " ne retenir que deux catégories de collèges afin de différencier les moyens de manière plus forte au sein des 10 % des établissements les plus en difficulté (contre 20 % des établissements actuellement), tout en assurant une allocation légèrement progressive des moyens au sein des établissements hors éducation prioritaire en fonction des caractéristiques de leurs élèves". Autrement dit supprimer la catégorie Rep.

 

Nos collèges ne coutent pas si cher...

 

 

 


L'étude ne pouvait pas tabler sur le cout exhorbitant des enseignants. Elle n'a pas cherché à comparer sur ce terrain là. Alors le Café le fait pour elle : rappelons que les salaires des enseignants des collèges sont parmi les plus faibles de l'OCDE. Cela tient d'ailleurs en partie au nombre d'élèves par classe.

 

Relancer le débat sur la labellisation ?

 

Cette étude soulève bien des débats. Evidemment d'abord celui sur la labellisation de l'éducation prioritaire qui a largement fait couler l'encre l'année dernière. On voit quand même comment les effets de seuil, en ce qui concerne les moyens, sont peu marqués pour l'éducation prioritaire. L'étude du Cnesco a largement décrit les inégalités entre collèges non prioritaires et prioritaires, montrant à quel point la qualité dans l'enseignement et l'environnement scolaire sont importantes. Des dimensions qui laissent froids les économistes...

 

Des leçons de l'échec de la politique d'affectation des moyens ?

 

L'étude souligne l'arrivée de la réforme de l'allocation des moyens sur critères sociaux et visiblement compte sur elle pour ajuster les moyens pour 90% des collèges. Or l'expérience du primaire est tout sauf concluante comme le Café pédagogique l'a révélé en 2016. Au terme de travaux très longs et minutieux et d'un calcul savant, le ministère est capable d'évaluer commune par commune les moyens dont elle a besoin en tenant compte de sa réalité sociale. Il peut donc affecter des moyens supplémentaires aux recteurs. Et depuis 2016 il flèche ainsi des postes (1600 en 2016). Mais ce n'est pas pour autant que ceci change la donne sur le terrain. Car les recteurs sont sensibles à d'autres arguments comme les rapports de force politiques, leurs priorités pédagogiques par exemple. L'ethnographe Denis Laforgue a montré que d'autres facteurs, bureaucratiques, pèsent sur la répartition des moyens. Tout cela rend difficile la prise en compte de critères "souples" de répartition des moyens, du moins dans un système peu controlé et décentralisé. L'étude parle d'inertie , sous entendant peut-être des "résistances". La réalité est beaucoup plus complexe.

 

Quelle taille est la plus efficace ?

 

Le second débat, celui qui va aussi resurgir à la Cour des comptes, c'est celui du regroupement dans de grands établissements. Il faut savoir qu'en France , la généralisation de l'accès au collège et la croissance démographique s'accompagne d'une relative stabilité du nombre des établissements : 7 378 collèges en 1980, 7 829 en 2000, 7 133 en 2016. Seulement 1% des élèves sont scolarisés dans des collèges de moins de 100 élèves, 15% dans des établissements de moins de 300 élèves.

 

Mais on peut aussi s'interroger sur la question de l'efficacité pédagogique des grandes structures.  En France une étude de C Afsa s'est proposée d'étudier le lien entre taille des collèges et réussite scolaire. Selon elle l'avantage donné aux gros collèges n'est qu'apparent. La meilleure réussite scolaire des élèves des grands collèges résulte aussi d'une composition sociale plus favorisée.  "Les gros collèges réussissent mieux parce qu'ils scolarisent davantage d'enfants de milieux sociaux aisés", écrit-il. "Lorsqu'on place les établissements sur des bases comparables, la relation s'inverse : les petits collèges font mieux que les autres". Les petits collèges conviennent mieux aux élèves de familles socialement défavorisées.

 

Cette étude , qui vient des services du 1er Ministre, prépare le terrain au rapport de la Cour des comptes. Avec elle la question du maintien de l'éducation prioritaire est posée. Déjà ?

 

François Jarraud

 

Le débat sur la labellisation Rep

Notamment cette page et celle ci

Affectation des moyens au primiare

Cout d el'éducation

Et aussi

Quel avantage aux grandes structures ?

Le poids institutionnel

 

 

Par fjarraud , le lundi 02 octobre 2017.

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