Enseignement professionnel : L'oublié de l'Education nationale 

Alors que le Cnesco et le CIEP ouvrent le 19 mai une conférence de comparaisons internationales sur l'enseignement professionnel, on peut dire, pour une fois, que dans l'enseignement professionnel "ça va mieux". Mais on revient de loin. Très longtemps oublié et méprisé par l'Education nationale, l'enseignement professionnel semble redécouvert par le ministère depuis seulement début 2016. Il y a seulement un an il était question de reléguer les bacheliers professionnels dans des diplômes du supérieur spécifiques faute d'imaginer une issue réaliste à l'incroyable succès du bac pro. Si la ministre semble désireuse de réintroduire le lycée professionnel dans les projets gouvernementaux et prend des engagements en ce sens, le temps lui est compté. A droite, certains rêvent déjà de faire à nouveau des économies sur son dos en le bradant aux entreprises...

 

Une filière en expansion rapide

 

Contrairement à une image misérabiliste qui lui est attaché, l'enseignement professionnel est non seulement un succès mais un secteur qui ne cesse de s'affirmer. Aujourd'hui, l'enseignement professionnel de l'éducation nationale c'est 700 000 élèves, 1 700 lycées et un bachelier sur trois. C'est aussi une voie de réussite pour les jeunes qui y accèdent : 80% de taux de réussite au bac, un taux d'insertion équivalent à celui de la filière générale. Cette situation a été perçue par les jeunes bien avant l'éducation nationale. Vincent Troger, dès 2011, montrait qu'un nombre croissant de jeunes utilisent la filière pour accéder à un bac et au supérieur.

 

Car, en quelques années, le bac professionnel a connu une expansion incroyable. Depuis 2010, le nombre de bacheliers professionnels a presque doublé, passant de 110 000 à 190 000. C'est cet essor qui a permis la démocratisation du bac et l'augmentation du taux de bacheliers alors que le nombre de bacheliers généraux a très peu varié.

 

Pour autant, le bac professionnel reste celui des pauvres , ce qui n'est pas pour rien dans le mépris que le système lui porte. Alors que 45% des élèves des lycées généraux viennent d'une famille favorisée et 28% d'une défavorisée, ces taux sont respectivement de 17 et 56% en lycée professionnel.

 

La vache à lait de l'éducation nationale

 

Malgré ce succès, le lycée professionnel a longtemps été la vache à lait de l'éducation nationale. Pour récupérer des postes, en 2008, Xavier Darcos imagine d'en prendre en lycée professionnel en faisant passer le bac professionnel de 4 à 3 ans. Entre 2005 et 2012, le nombre de professeurs PLP passe de 66 000 à 56 000, soit la plus forte baisse chez les enseignants. Depuis 2012 il est remonté à 58 000. Mais l'enseignement professionnel reste la filière où il y a la plus forte proportion de contractuels (10% soit le double de l'Education nationale). C'est aussi le secteur où les enseignants sont les moins bien formés : 40% des PLP sont "dispensés de formation" en Espé et envoyés directement en classe.

 

L'enjeu du supérieur

 

30 ans après la création des bacs professionnels, le ministère de l'éducation nationale découvre enfin que ces bacheliers doivent avoir le droit à une formation supérieure. Aujourd'hui la moitié de ces jeunes envisage des étude supérieures.

 

Or ces jeunes ont des profils particuliers. Ils sont moins mobiles que les bacheliers généraux et privilégient les formations courtes près de chez eux. Ils ont aussi moins d'appétence pour l'enseignement général. Le débouché normal pour eux serait les sections de techniciens supérieurs où ils réussissent correctement : 59% de réussite. Mais en 2014, sur 173 671 bacheliers pros, 69 295 ont demandé une STS et seulement 35 534 l'ont obtenu. Cela alors que 21 000 places étaient vacantes en STS... Le taux d'entrée était plus faible qu'en 2013 alors qu'on comptait davantage de bacheliers professionnels...

 

Un rapport de l'inspection générale publié en novembre 2015 a mis en évidence un véritable contournement des mesures qui devaient permettre leur entrée en STS, les quotas promis par la ministre de l'enseignement supérieur, G Fioraso, n'étant visiblement ni respectés ni même fixés. Il est vrai que la ministre réfléchissait à une autre solution : la création d'un diplôme et d'une filière d'enseignement supérieur réservés aux bacheliers professionnels dans une logique de relégation.

 

Les nouvelles mesures de N Vallaud Belkacem

 

Pour l'enseignement professionnel, l'arrivée de N Vallaud Belkacem au ministère de l'enseignement professionnel a permis d'enterrer ce projet. Mieux : début 2016 la ministre réintroduisait le lycée professionnel dans les projets gouvernementaux jusque là plutôt portés vers l'apprentissage. Des engagements importants ont été pris.

 

D'abord pour le post bac. Le gouvernement s'est engagé à ouvrir 2000 places en STS chaque année durant 5 ans à partir de 2017. Les quotas d'accès des bacheliers professionnels en STS devront être respectés et ils seront publiés. Ces mesures ne règlent pas pour autant les difficultés pédagogiques de ces élèves. Un ajustement des référentiels entre bac pro et STS reste à construire.

 

Pour le lycée professionnel, la ministre a promis 1200 nouveaux emplois à la rentrée 2017. Le ministère devrait aussi changer les règles du mouvement pour pouvoir garder les contractuels qui réussissent le concours. 500 nouvelles filières devraient être crées en LP dans des métiers d'avenir. Ces créations sont ne relation avec la mise en place d'une période d'essai en LP. Dès la rentrée 2016, les élèves de seconde pro pourront demander une autre orientation à la Toussaint, y compris le retour en général. Pour la ministre, il est impossible de revaloriser l'enseignement professionnel s'il est toujours perçu comme une orientation subie.  Le raisonnement se tient. Mais on voit mal comment la promesse de réorientation pourra être tenue en octobre 2016...

 

Est-il trop tard ?

 

Ce regain d'intérêt pour l'enseignement professionnel arrive-t-il trop tard ?  Un projet de loi déposé par le député LR C Estrosi  en février 2016 donne une idée de ce qu'il pourrait devenir en 2017. Le projet confie l'enseignement professionnel aux régions afin de permettre la fusion des lycées professionnels dans les CFA. Cette idée est également présente dans les propositions de A. Juppé.

 

François Jarraud

 

V Troger en 2011

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Par fjarraud , le jeudi 19 mai 2016.

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