L’Inspection avait validé les Emplois Avenir Professeurs 

Mis en extinction en catimini à la rentrée, les Emplois Avenir Professeur (EAP), le seul dispositif de démocratisation des métiers enseignants, avait pourtant été validé par l’Inspection générale dans un rapport daté de mai 2015 rendu public le 23 octobre. L’inspection soulignait l’efficacité des EAP pour motiver les étudiants et permettre à des jeunes de milieu populaire d’accéder à l’enseignement. Depuis la rentrée 2015, les nouvelles inscriptions aux EAP ne sont plus admises.

 

Lancé en décembre 2012 par Vincent Peillon, le dispositif Emplois avenir professeur s’adressait aux étudiants boursiers de l’enseignement supérieur en 2ème année de licence, en 3ème année de licence ou en 1ère année de master. Il permet de financer des études trop longues pour ces jeunes issus des milieux populaires. En cumulant cette aide avec leur bourse, les étudiants peuvent toucher environ 900 euros (de 617 à 1086 euros en fait) mensuellement. En échange ils doivent s'engager à passer les concours de recrutement d'enseignant et ils doivent 12 heures hebdomadaires dans un établissement d''enseignement (école, collège ou lycée).

 

Le rapport rédigé par Annie Galicher, Claude Coquart, Laura Ortusi et Alain Taupin (IGAENR) conclue de façon très positive au développement de ce dispositif. Il n’est nulle part question de son éventuelle suppression qui n’est due qu’aux arbitrages budgétaires qui ont eu lieu à la fin du printemps 2015.

 

« Au cours de ses visites, la mission a rencontré des EAP visiblement enthousiastes quant à l’intérêt des activités qui leur sont confiées »,écrivent ainsi les rapporteurs. « Ils n’hésitent pas à leur attribuer un effet remotivant pour leur parcours universitaire grâce au lien tissé entre la théorie et la pratique. Leur expérience leur rend ainsi plus compréhensibles certaines notions abordées de façon théorique et plus largement les contenus pédagogiques ».

 

Si les intéressés marquent leur enthousiasme c’est aussi le cas des inspecteurs généraux. « À l’issue de ses observations, il a semblé à la mission que les emplois d’avenir professeurs représentaient un dispositif de préprofessionnalisation offrant un grand intérêt et qui gagnerait à être mieux piloté et exploité », concluent-ils.

 

Un intérêt certain pour l’éducation prioritaire

 

A en croire le rapport, les EAP sont particulièrement adaptés à l’éducation prioritaire. « La mission a constaté que l’affectation d’EAP dans des écoles ou des établissements de l’éducation prioritaire ne posait pas de problèmes particuliers dès lors que le terrain d’accueil était choisi avec prudence en tenant compte notamment du climat scolaire », écrivent les rapporteurs. Mais l’inspection générale s emontre encore plus positive. « Elle suscite même un intérêt certain parmi les EAP rencontrés qui apprécient tout particulièrement l’engagement collectif des équipes, la diversité des méthodes et des innovations pédagogiques mises en place ainsi que les pratiques de cointervention qui peuvent y être développées. Loin de dissuader les candidats, l’expérience en éducation prioritaire, semble bien accroître leur motivation.. Dans les zones défavorisées, la présence des EAP apporte un exemple de réussite et peut changer l’image que les élèves peuvent avoir d’euxmêmes. Une EAP en lycée professionnel en zone prioritaire insistait sur le rôle majeur que peuvent apporter les EAP dans la reconquête de la confiance en soi des élèves. En français par exemple, le regard porté sur la culture, les auteurs, la découverte des textes n’est plus porté uniquement par l’enseignant, il se transforme en un regard partagé sur la lecture. La présence des étudiants EAP montre aux élèves que d’autres jeunes plus proches d’eux s’intéressent à la lecture ».

 

Des étudiants victimes des administrations

 

Pourtant les problèmes n’ont pas manqué. Le rapport souligne que les effectifs envisagés n’ont jamais été atteints. A cela plusieurs raisons. La moindre n’ets pas les difficultés de coordination entre les administrations différentes : rectorats, universités, crous, tuteurs etc. Pour les étudiants le problème de la paye a été une constante malgré les interventions de V Peillon. « Il n’est pas rare que les services des CROUS reçoivent très tardivement les listes des bénéficiaires, souvent après la date de début du contrat. Les CROUS sont alors soumis aux relances de bénéficiaires encore inconnus de leurs services. Compte tenu d’un délai de mise en paiement de l’ordre de deux mois, de trop nombreux EAP ne sont pas en mesure de percevoir leur bourse de service public avant le mois de décembre voire de janvier. » Des délais pénalisants pour des étudiants pauvres. Certains ont du retourner chez Mac Do…

 

Autre difficulté : le manque de reconnaissance du coté universitaire. « La mission a pu constater que les universités sont diversement impliquées », écrit le rapport. « Les étudiants en EAP ne bénéficient pas d’aménagements particuliers pour leurs études, ils sont soumis au régime commun. Pour eux, la principale difficulté réside dans la compatibilité entre leur emploi du temps universitaire et leur emploi du temps dans leur lieu d’affectation comme EAP. De plus leurs activités comme EAP ne sont que très peu reconnues dans leur cursus universitaire. »

 

Un accueil positif dans les établissements

 

Par contre le rapport confirme l’accueil positif de ces jeunes dans les établissements. « Dans les établissements du second degré ou les écoles, le dispositif EAP reçoit un accueil très favorable, tant chez les chefs d’établissement, directeurs d’écoles et tuteurs que chez les étudiants bénéficiaires. L’accueil d’un EAP est perçu comme un apport positif pour l’établissement et la classe. Les tuteurs apprécient les échanges avec leur stagiaire EAP et s’investissent dans leur rôle de transmission, même s’ils se sentent encore peu accompagnés pour l’instant. Les étudiants bénéficiaires d’un contrat EAP se déclarent eux aussi satisfaits d’avoir pu accéder à ce dispositif, qui leur fournit une aide financière indispensable et qui les conforte dans leur choix professionnel, tout en leur permettant d’exercer une activité qui leur plaît et qui leur permet une entrée progressive dans le métier d’enseignant. Ce faisant, leur activité salariée donne du sens à leurs études et les motive. »

 

Le rapport concluait en demandant des améliorations sur l’information, la gestion, l’évaluation et le pilotage du dispositif. Alors que 46% des étudiants doivent travailler pour financer leurs études, la décision de supprimer le recrutement des EAP à la rentrée 2015 va éloigner les jeunes de milieu populaire des métiers de l’enseignement. Et ce ne sera pas sans conséquences sur l’enseignement dans l’éducation prioritaire, l’autre victime de la décision ministérielle.

 

François Jarraud

 

Le rapport

Le ministère décrète la fin des EAP

Les hussards noirs n'ont plus la côte rue de Grenelle

Les EAP trois petits tours et puis s'en vont

 

 

 

 

 

 

Par fjarraud , le vendredi 23 octobre 2015.

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