EAP : Les hussards noirs n'ont plus la cote rue de Grenelle 

Mis en extinction de façon très discrète par le ministère, les Emplois Avenir Professeur (EAP) étaient le seul dispositif de pré recrutement à vocation sociale mis en place par l'Education nationale pour tenter d'atteindre les 54 000 nouveaux postes promis par F Hollande. Début 2013, nous avions rencontré un des premiers étudiants à entrer dans le dispositif.  Deux ans plus tard, Jordan Schwab a gardé la vocation enseignante. Il dirige le principal groupe Facebook qui réunit les "EAPotes".

 

"Difficile de dire tout ce que ça m'a apporté", nous dit Jordan Schwab. Comme tout EAP, Jordan doit 12 heures hebdomadaires à l'Education nationale. Depuis 2013, il a travaillé dans deux établissements, un lycée professionnel d'abord et un lycée général. Il est maintenant en fin de parcours pour devenir professeur de lettres, une catégorie d'enseignants en déficit de recrutement.

 

En avril 2013, J. Schwab avait déjà la vocation. Après plusieurs mois de mission en Afrique pour une association humanitaire, il se sentait appelé vers le métier d'enseignant. "Entrer dans le dispositif Emploi Avenir Professeur m'a permis de me conforter dans ma vocation. J'ai eu l'occasion de travailler avec des enseignants, de rentrer dans des équipes pédagogiques, de participer à des projets.

 

Sur ses 3 années d'EAP, Jordan a eu la chance de faire pas mal de choses. Ses tutrices lui ont laissé des responsabilités croissantes d'année en année. Toujours volontaire, Jordan en a bien profité. Il a eu en charge des groupes d'élèves en accompagnement personnalisé ou en PPRE. Il a préparé des séquences complètes. Il a travaillé dans des dispositifs que peu d'enseignants connaissent : un dispositif relais, une Ulis, une classe pour allophones... Il a encadré des sorties scolaires.

 

Aujourd'hui il estime qu'il a bénéficié d'une vraie formation en alternance. "Je me rends compte des avantages quand je compare avec les étudiants classiques des concours. J'ai immédiatement une vision didactique que les autres n'ont pas". Le dispositif lui a aussi appris à gérer une classe.

 

Mais l'autre point fort du dispositif c'est de recruter en amont de futurs enseignants venus de milieu populaire. Les EAP sont choisis parmi les boursiers et les candidats venant de ZUS sont prioritaires. En échange d'un engagement à passer les concours de recrutement de l'enseignement et des 12 heures hebdomadaire de service, ils bénéficient d'une aide financière de l'Etat qui leur permet de financer des études trop longues pour les jeunes issus des milieux populaires. En cumulant cette aide avec leur bourse, les étudiants peuvent toucher environ 900 euros (de 617 à 1086 euros en fait) mensuellement.

 

"Sans cette aide j'aurais du travailler dans un autre secteur que l'enseignement ", nous dit Jordan. "Elle m'a permis de développer mes compétences d'enseignant et non d'en développer d'autres ailleurs aux dépens de mes études".

 

A vrai dire tous n'ont pas eu cette chance. Sur le groupe Facebook on croise aussi des EAP qu'on a laissé sans rien faire. D'autres ont eu à faire face au mépris et même parfois au harcèlement des adultes dans les établissements.

 

Sur son groupe Facebook, en ce moment l'ambiance est particulière. "Je suis admise au CRPE en étant très bien classée et avec un joli 60/60 sur le dossier de mise en situation pour lequel l'expérience EAP m'a apporté beaucoup !", se réjouit une nouvelle enseignante. "J'attaque mes derniers moments EAP.....3 années fantastiques et tellement enrichissantes!", dit une autre. "J'ai eu la chance de rencontrer une équipe , des élèves formidables et de créer un lien très spécial avec ma tutrice. Ce soir j'étais particulièrement émue car c'était le spectacle de fin d'année et la remise des diplômes par "mes" CP aux CM2". En même temps il y a la gêne de bénéficier d'un système que le ministère vient de refuser aux autres.  

 

C'est cet enthousiasme, pas si fréquent chez les enseignants, qui m'avait frappé en 2013 au contact de ces futurs profs. L'éducation nationale a-t-elle tellement de candidats aux concours  ayant cette expérience et cet amour du métier, qu'elle puisse mettre en extinction les EAP ? IL y aussi une autre dimension qui plaide pour leur maintien. Les EAP sont le seul dispositif de recrutement qui fait de l'enseignement un ascenseur social. Créés par Vincent Peillon , les EAP sont les hussards noirs de ce siècle. Doit-on s'en passer ?

 

François Jarraud

 

Pétition pour garder les EAP

EAP : La relève est bien là

Le groupe Facebook EAP

 

 

Par fjarraud , le lundi 29 juin 2015.

Commentaires

Vous devez être authentifié pour publier un commentaire.

Partenaires

Nos annonces