la chance d'avoir côtoyé des enseignants, des chercheurs, des décideurs du monde entier 

Par ces deux rencontres "Innovative Teachers" et "School of the Future", la firme Microsoft a concrétisé son engagement auprès du secteur éducatif. Loin de revendiquer une opération de mécénat, l'entreprise affiche ses ambitions économiques et ses vœux sur la formation des citoyens et consommateurs de demain. Cette approche pourrait se révéler cynique.

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Or, les constats dressés lors des conférences et les échanges informels semblent aller dans le même sens : le monde a changé, les élèves aussi, il faut faire évoluer les pratiques et les valeurs de référence au sein des systèmes existants, en tenant compte des contextes locaux. Point de modèle universel mais des outils, des exemples et des fonds pour susciter une vocation d'innovation chez les enseignants et les décideurs du monde éducatif ; de petits arrangements entre amis en somme plutôt qu'une prise de pouvoir et de contrôle sur les écoles du monde entier. Les initiatives présentées par les enseignants plaident dans ce sens, par leur diversité et par leur inventivité. Elles offrent de surcroît dans la plupart des cas une assise pédagogique plus étoffée, un recours moins systématique aux nouvelles technologies que les principes élaborés par la firme de Bill Gates et représentés par la roue des compétences. L'imagination, remède contre l'uniformisation, du Kazakhstan à l'Afrique du Sud, du Vietnam à l'Irlande, c'est une véritable géographie de la pédagogie innovante qui se dessine.

Doit on pour autant estimer l'incursion de Microsoft inoffensive pour les systèmes éducatifs? La réponse est sans nul doute entre les mains des pouvoirs publics. L'innovation pédagogique, les écoles du futur existent déjà, partout dans le monde, sans avoir besoin du label de Microsoft . Il reste que les moyens de les généraliser, de les faire vivre et s'épanouir manquent souvent. A défaut d'engagement politique fort, l'école du XXIe siècle devra de plus en plus chercher les subsides de son évolution dans les escarcelles privées. Le débat sur les enjeux et les risques d'un tel maillage des financements mérite donc de s'ouvrir clairement.

Au delà des débats et d'un point de vue plus personnel, l'impression de foisonnement, d'échanges d'euphorie même, née de ces rencontres reste la plus prégnante ; une impression favorisée par le choix de la ville : Philadelphie, ville à la fois baignée dans l'histoire et éclairée par ses buildings ; et les hasards de l'actualité : la victoire des démocrates aux élections rendait les rues plutôt joyeuses.

A priori, la méfiance était de mise face à cette initiative de Microsoft : étions nous dans l'antre du grand méchant loup mondialiste, réaction typique d'une européenne sans doute. Certaines interventions, à l'allure de prêches, renforçaient cette méfiance. Mais au vu des regards incrédules voire goguenards dans l'assistance, l'esprit critique était au rendez vous.

Ma deuxième crainte concernait l'emprise du technologique sur le pédagogique, de voir la relation pédagogique, le processus d'apprentissage passés à la moulinette réductrice du tout technologique. Je n'ai pas été convaincue par le " modèle " pédagogique Microsoft, qui semble induire un changement brutal dans les postures et dans les méthodes. En revanche, les applications, les initiatives présentées lors des deux conférences m'ont paru plus convaincantes.

Le chilien Ernesto Laval a recueilli un tonnerre d'applaudissements en insistant sur le facteur humain du changement, et donc, l'aspect aléatoire du modèle et le rôle secondaire des technologies ; sans doute finalement le dénominateur commun pour les représentants des 48 pays présents.

A la clôture de ces journées, je mesurai la chance d'avoir côtoyé des enseignants, des chercheurs, des décideurs du monde entier. Le dialogue était parfois difficile, parler anglais, comprendre tant d'accents différents n'est pas une mince affaire, mais toujours il aboutissait à une découverte d'un système différent.

J'ai aussi appris que le Café Pédagogique avait des cousins, au Canada, aux Etats Unis, un petit frère est annoncé en Norvège. Partout, des initiatives d'échanges, de communautés d'enseignants, de travaux collaboratifs se développent. Et c'est cela, ce foisonnement, cette qualité des rencontre cette créativité, remèdes contre l'uniformisation, qui " donnent la pêche ". Et que ces rencontres soient organisées par Microsoft, n'est pas la moindre des ironies. Laisser ses à priori à la douane fait alors partie du voyage.

Monique Royer

Page publiée le 01-12-2006

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