Formation des enseignants : La masterisation a-t-elle un avenir ? 

Par François Jarraud




Quelques mois après la mise en place de la masterisation, les syndicats n'ont pas de mal à montrer son échec. Ce nouveau dispositif de formation des enseignants est-il amendable ?


Fruit de négociations laborieuses et pas toujours transparentes entre le gouvernement et les syndicats, le nouveau dispositif de formation des enseignants par la masterisation est clairement en échec. Cet échec se lit, comme le démontre l'Unsa éducation, dans les souffrances des enseignants stagiaires , les tensions de toutes sortes générées dans le système éducatif et surtout dans l'effondrement du nombre de candidats. Celui-ci est non seulement massif (en gros baisse de moitié) il est aussi durable comme le montre le nombre d'inscrits en master. En voulant élever la qualification des enseignants, le ministère s'est mis dans la situation de transformer un concours exigeant en un simple examen, le nombre de candidats correspondant à peu près au nombre de postes dans plusieurs disciplines.


L'alternance est-elle une solution ? Face à cette situation, l'institution croit avoir trouvé la solution dans le développement de formations au master par alternance. C'est ce que nous affirmait le recteur de Versailles, Alain Boissinot, le 19 janvier. Pour lui, la solution c’est de négocier avec les universités la construction de vrais parcours de formation conjuguant professionnalisation et enseignement universitaire. « Dans mon académie j’ai installé des groupes de travail avec les universités », expliquait A. Boissinot. « On va proposer de vrais parcours de formation en alternance ». Mais pour l'Unsa, si ce dispositif est effectivement une réponse au problème, ce ne peut être qu'une réponse partielle conduisant à un concours spécifique. L'alternance ou l'apprentissage suppose un contrat de travail et le nombre de contrats d'assistants d'éducation est insuffisant pour répondre aux besoins du système éducatif.


Réformer le master. Pour l'Unsa la masterisation peut être sauvée en réorganisant le parcours universitaire des futurs profs, en organisant l'accessibilité en fin de M1 et l'admission en fin de M2 et en instituant une formation professionnelle tout au long de la formation, de L3 au post-concours. La proposition est intéressante et peut en effet permettre une formation équilibrée des enseignants associant un haut niveau disciplinaire à une bonne préparation à l'enseignement.


La masterisation est-elle viable ? Pourtant elle ne répond pas à la question socio-économique posée par la masterisation. D'une part la masterisation allonge la durée de formation universitaire des enseignants. Elle écarte ainsi du métier une partie des candidats qui n'a pas les moyens financiers de s'offrir des études allongées. Pour les autres, on ne voit pas ce qui pourrait amener de jeunes diplômés d'un master à opter pour l'enseignement. Hisser l'enseignement à ce niveau c'est le mettre en concurrence avec des carrières de cadres nettement plus attractives. Sans une réelle revalorisation salariale des enseignants et sans une politique de soutien financier aux études, le recrutement des enseignants au niveau du master restera très difficile pour ne pas dire impossible. Le ministère a perçu cela en accordant une revalorisation de début de carrière. Mais elle est tout à fait insuffisante pour attirer des candidats issus de familles favorisées et qui peuvent prétendre à d'autres ambitions. Et aujourd'hui l'accès au métier reste barré aux enfants des familles populaires. Si on veut revenir sur l'échec de la masterisation, il ne suffira pas d'améliorer le cursus de formation. Il faudra aussi se décider à donner aux enseignants des salaires et des conditions de travail de cadre.



Les stagiaires sont en difficulté affirme un rapport interne publié par le Café pédagogique


Les stagiaires du second degré sont bien "en difficultés" estime un rapport du ministère. Expert reconnu de la formation des enseignants, Jean-Louis Auduc analyse le rapport sur l'accueil des enseignants stagiaires du second degré. A la différence du premier degré, où les stagiaires ont eu généralement un délai d'adaptation , les enseignants du second degré ont généralement été envoyés directement dans les classes. Et cela génère de nombreuses souffrances.


Une étude réalisée par La Direction Générale des Ressources Humaines (DGRH) du ministère de l’Education Nationale sur les premiers mois d’exercice des professeurs stagiaires 2010-2011 reconnait « des difficultés » principalement centrées sur les stagiaires du second degré. Cette enquête a porté sur toutes les académies à l’exception de la Guadeloupe et de Montpellier.


Pour le ministère, la mise en place du dispositif d’accueil, d’accompagnement et de formation est « globalement positif » pour le premier degré. On y apprend cependant que « 11% des tuteurs ont 3,4 à 5 stagiaires à encadrer/ ex. à Versailles : 48 tuteurs encadrent 4 stagiaires et 45 tuteurs, 5 stagiaires. » Quand on se rappelle des discours du ministre sur l’accompagnement personnalisé par le tuteur, on ne peut qu’être surpris….


Concernant le second degré, au-delà des formules diplomatiques, ce sont des difficultés et la souffrance des stagiaires qui transparait : « Il ressort que ceux-ci commencent à connaître en octobre un état de fatigue. Il leur semble difficile de concilier dans l’urgence l’organisation de leurs classes ( préparation des cours, gestion de la classe) et leur formation. Les stagiaires estiment manquer de méthodes et du recul nécessaire pour effectuer leur travail et l’apprentissage de leur futur métier. Concernant leurs relations avec le tuteur, certains stagiaires regrettent sa nomination tardive et les difficultés pour le voir (incompatibilité des emplois du temps).


L’étude reconnaît également de très grandes disparités de traitement des stagiaires selon les académies, et le fait que fin octobre 65 stagiaires du second degré avaient démissionné, soit 32% de plus que l’année d’avant, où ils avaient été 48 à le faire. On y découvre que certains établissements ont jusqu’à 5 stagiaires et que 394 stagiaires sont affectés sur plusieurs établissements « (2 à 3 au maximum) ». Le ministère reconnaît qu’à la date de l’enquête « 139 stagiaires n’avaient pas encore de tuteurs(…) Poitiers 47 tuteurs manquants, Rennes 56 tuteurs manquants et Créteil 18 tuteurs manquants. » On peut également lire dans l’étude que « la désignation des tuteurs ne s’est pas réalisée sans difficulté… Certaines académies ont un tuteur pour plusieurs stagiaires. Une grande majorité d’entre eux n’encadrent pas plus de 3 stagiaires……23% des tuteurs ne sont pas dans l’établissement de leur stagiaire et dans certaines académies ce pourcentage dépasse 30%.... »


Une telle étude montre la nocivité du dispositif instauré pour les nouveaux recrutés dans le métier enseignant. Les difficultés, les souffrances décrites ici contribuent à dissuader des jeunes de se diriger vers le métier enseignant, comme l’ont montré le grand nombre d’étudiants inscrits en juin au concours qui ne sont pas venus composer aux épreuves écrites d’admissibilité de l’automne. Il est donc plus que jamais urgent de rétablir une véritable année de formation pour ceux qui sont reçus en juillet 2011 aux concours de recrutement enseignant.


Jean-Louis Auduc


Le rapport sur les stagiaires

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/men-s[...]

Le dossier formation des enseignants

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/Reforme[...]

Stagiaires se lancer

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2010/re[...]

Paroles de stagiaires

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/11/P[...]

Paroles de stagiaires : "me rendre utile"

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/11/0[...]

Stagiaire impossible

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/11/St[...]



Formation des enseignants : Aujourd'hui un champ de ruines et demain ?

Par Jean-Louis Auduc


"Il y a tous les ingrédients d’une crise majeure d’accès au métier enseignant", affirme Jean-Louis Auduc, directeur-adjoint d'IUFM. Mais des solutions existent. Pour lui elles passent par la reconnaissance du fait qu'enseigner est un métier. Il propose "une entrée en « biseau »" dans le métier enseignant associant stages, enseignement et formation au delà de l'entrée dans le métier.


Quelques mois après la mise en œuvre de ce que le gouvernement Fillon a appelé la « mastérisation », tous les observateurs constatent les lourds dégâts occasionnés par cette politique. :

- Le moment où est situé le concours durant la deuxième année de master place les étudiants devant une concurrence absurde entre la nécessité de réussir le master et celle de réussir le concours pour être recrutés. Cet écartèlement entre différents objectifs est incompréhensible pour nombre d’étudiants et de fait ne permet pas de les mobiliser sur l’une ou l’autre des finalités présentées.

- Les reçus aux concours de recrutement enseignants 2010 se retrouvent sur le terrain sans aucune formation. L’absence de cadrage national et de moyens dévolus à cette fin dans les dotations ministérielles aux académies placent ces dernières dans la situation scandaleuse face aux souffrances ressenties par les enseignants débutants et reconnus début janvier 2011 par un rapport officiel du ministère de l’éducation nationale, de devoir choisir entre une formation minimale des enseignants débutants et l’abandon des élèves pendant cette formation faute de moyens de remplacement. Au final, il n’y aura sans doute dans la quasi-totalité des académies aucune formation pour les enseignants de collège et de lycée et une entrée dans le métier qui sera vécue comme un abandon de son institution aux dures réalités du terrain.


Le bilan de tels dégâts, c’est aussi alors qu’on va voir arriver à l’âge de la retraite aux différents niveaux du système scolaire dans les 7 années qui viennent, plus de 55% des enseignants actuellement en poste, une énorme crise de recrutement.


Il faut prendre conscience de la réalité du début de l’année 2011 :

- Il y a eu moins d’inscrits en juin 2010 aux concours de recrutement 2011 ( une chute en moyenne de 20%) du sans nul doute à la complexité de la mise en œuvre du processus de mastérisation et à l’augmentation du niveau de recrutement .

- Mais, il y a eu surtout, à l’automne 2010 lors du déroulement des épreuves écrites du concours 2011, un effondrement du nombre de présents aux épreuves ( entre 50% à 70% ! suivant les niveaux et les disciplines). Entre l’inscription en septembre et les épreuves d’octobre et novembre, il y a avait eu les multiples témoignages des souffrances des enseignants reçus aux concours 2010 et laissés seuls devant leurs difficultés.

- Les inscriptions en septembre en première année de master pour préparer le concours 2012 marquent un recul tous degrés confondus de plus de 55% !!!!


Entre les démissions des reçus 2010 ( en novembre 2010, 33% de plus que l’année précédente), le faible nombre de candidats aux concours 2011, et l’absence d’étudiants pour préparer les concours 2012, il y a tous les ingrédients d’une crise majeure d’accès au métier enseignant !


Même le président de la république s’en est ému lors de ses vœux le 19 janvier 2011 en appelant « à la réouverture du chantier de la formation des enseignants. »


Il faut dire que ce chantier conçu exclusivement par une approche des coûts financiers et non par des approches centrées par rapport aux besoins des élèves manifeste crûment le grand écart entre le « dire » du discours officiel et le « faire » des réalités et des décisions.



Un seul exemple : l’enseignement des langues vivantes à l’école élémentaire.


Le ministre de l’éducation nationale multiplie les interventions pour dire l’importance de l’enseignement d’une langue vivante à l’école élémentaire qu’il veut même démarrer au début de l’école maternelle… Qu’est devenue la place des langues à l’occasion de la mastérisation dans le concours de recrutement des professeurs des écoles ?


Pour faire des économies, on a supprimé l’épreuve orale de langue vivante qui existait auparavant dans le concours de recrutement. Pour la remplacer, on a prévu l’obligation d’une certification universitaire pour se présenter au concours, mais comme les universités ont annoncé ne pas avoir les moyens de la financer, celle-ci a été annulée pour le concours 2011 qui verra les nouveaux professeurs des écoles ne pas avoir eu la moindre vérification de leur niveau en langue vivante étrangère qu’ils sont censés enseigner !



Quelles solutions ?


Il ne s’agit pas de se lamenter sur le système antérieur, mais de voir que les IUFM ne méritent ni l’excès d’honneur que leur attribue certains, ni l’indignité dont on les affuble souvent. Il faut se rappeler que c’est dès leur création que les IUFM avaient été vilipendés et en juillet 1993, on avait pu entendre François Fillon, alors ministre de l’enseignement supérieur, déclarer lors de la remise du Rapport Kaspi : « Pour l’année de stage, plutôt que d’insister sur connaissances psychopédagogiques, il vaudrait mieux renforcer la formation disciplinaire ».


Il faut dépasser ce vieux débat français qui refuse de conjuguer ensemble savoir et conditions de la transmission des savoirs. Il faut sortir de ce faux débat. Comme le dit Alain Beitone dans un texte circulant sur le net (1) : « Conteste-t-on les injonctions à la transversalité , aux compétences et à la pédagogie inductive de certains responsables de l’éducation et l’on est aussitôt étiqueté comme réactionnaire, élitiste et nostalgique du cours magistral. Critique-t-on l’illusion passéiste et l’élitisme de certains « républicains » et l’on est aussitôt qualifié de pédagogiste, de démagogue laxiste et de partisan de l’ignorance. Dans tout cela on passe à côté de l’essentiel : comment assurer la démocratisation de l’accès au savoir ? Comment favoriser l’enrichissement croisé des recherches en éducation et des pratiques des enseignants ? Comment refonder la confiance dans l’école et dans le caractère émancipateur de l’accès au savoir ? Comment résister aux logiques ségrégatives et concurrentielles qui sapent progressivement le service public d’éducation ? »


Il est indispensable qu’existe un espace « sas » entre le métier rêvé et l’exercice réel de ce métier qui se situe dans une perspective de ne pas séparer comme hier et aujourd’hui les savoirs que les élèves doivent s’approprier et la question de l’exercice au quotidien du métier enseignant.


Souvent, on décrit le métier enseignant comme « faire cours » alors que tout démontre qu’enseigner, c’est « faire classe ».

Faire cours, c’est donner à penser qu’enseigner un savoir, ne nécessite pas de réfléchir sur ceux à qui on l’enseigne.

Faire classe, c’est considérer que le cœur du métier d’enseignant, c’est transmettre des savoirs et mettre en apprentissage des élèves en faisant dans la classe des choix raisonnés face à des situations complexes en se dotant de repères conceptuels, méthodologiques et éthiques permettant de viser la réussite de tous et de chacun.



Quelles pistes de travail ?


Dans l’urgence rétablir une formation digne de ce nom au sortir des concours de recrutement 2011 pour ne plus revoir la situation actuelle, ce qui passe par des décharges de service significatives (40,50% du service) pour les enseignants stagiaires.


Pour la suite :

Revoir les concours de recrutement enseignant qui doivent mieux s'articuler au métier choisi par les étudiants. Les concours de recrutement aujourd’hui encore plus qu’avant pour tous les degrés d’enseignement, continuent pour leurs épreuves écrites, à être exclusivement tournés vers l’amont, la formation universitaire reçue, et à ne pas comprendre des épreuves tournées vers l’aval, c’est-à-dire, vers le métier que leurs candidats souhaitent exercer.

Reconnaissance réelle du fait qu’ « enseigner, c’est un métier », ce qui passe par la mise en place de véritables écoles professionnelles pour ce métier à l’image de ce qui existe par exemple, pour les magistrats, la police, les conservateurs du patrimoine, etc. Ces écoles conventionnées avec l’Université auraient le pilotage de la formation initiale et continue sur la base de cahiers des charges nationaux.

Mise en place et résultats des épreuves écrites du concours de recrutement à la fin de la première année du master pour permettre une vision claire aux étudiants et leur donner d’éventuelles possibilités de reconversion.

Faire de la deuxième année de master, un moment de mise en œuvre de la diversité d’exercice du métier enseignant :

- Pourquoi ne pas proposer pour les admissibles des concours de recrutement du second degré des dominantes liées au niveau d’exercice : collège ou lycée, ce qui impliquerait pour maintenir l’unité du corps de prévoir un droit à deux semaines de formation continue pour tout changement de niveau d’enseignement dans le second degré ?

- Mise en place durant cette seconde année d’une formation en alternance avec statut rémunéré d’apprentis pour ceux qui la suivraient, en commençant par ceux qui préparent le concours professeur des écoles, documentalistes ou conseiller principal d’éducation.


Concevoir une entrée en « biseau » dans le métier enseignant :

- 1 Le M1 (première année de master), découverte du métier, approches des savoirs à enseigner et des enjeux de la transmission de ces savoirs. Les épreuves écrites du concours ont lieu en fin de première année du concours.

- 2) Des stages obligatoires pendant l’année de M2 (deuxième année de master) et donnant lieu à une validation nécessaire à l’admission au concours

- 3) Une année de stage avec une formation cadrée nationalement, une décharge d’au moins 40% de service pour les enseignants

- 4) Un accompagnement à la prise de fonction sur le poste de titulaire qui ne devra pas être inférieur à dix jours de formation sur l’année permettant de travailler avec le nouveau nommé les spécificités des classes, de l’établissement et de son environnement.

- 5) Prévoir l’obligation pour les personnels de suivre au moins une fois tous les 6 ans une semaine de formation d’actualisation qui abordera notamment les réflexions et avancées concernant la ou les disciplines enseignées, les avancées de la recherche en éducation et les mutations intervenues dans le système éducatif, notamment dans les niveaux où n’enseignent pas les personnels suivant la formation.


Jean-Louis Auduc

Notes :

(1) Céderons-nous aux vents mauvais, Alain Beitone, janvier 2011


Liens :

Les stagiaires sont en difficultés

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2[...]

Formation une réforme irresponsable (JL Auduc)

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/05/Formati[...]

Deux années pour en arriver là ! (JL Auduc)

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/01/Auduc_Deuxan[...]

Dossier Formation des enseignants

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/ReformeFormation.aspx



Former des enseignants : Une approche comparatiste


De nombreux travaux ont mis en évidence "l'effet enseignant" , par exemple récemment ceux de D. Wiliam et de Barber et Moushad au Royaume-Uni. Voilà une bonne raison d'observer la façon dont les enseignants sont formés dans le monde. Une autre est évidemment en rapport avec la crise de leur formation en France. Alain Boissinot, qui coordonne ce numéro de la Revue internationale d'éducation de Sèvres, l'atteste : "au moment où la France entreprend un réagencement en profondeur de son système de formation des maîtres, il paraît opportun d'élargir le champ du débat et d'étudier la façon dont des pays de tradition différente s'organisent en ce domaine". Si critique il y a sur le modèle français il faudra donc aller le lire entre les lignes au gré des articles consacrés chacun à un pays différent : Québec, Etats-Unis, Argentine, Royaume-Uni, Suède, Grèce, Corée du Sud.


Partout la formation associe formation universitaire et acquisition de compétences professionnelles définies dans un cahier des charges. Ainsi le Québec est passé d'une formation disciplinaire à une formation professionnelle, comme le montre Yves Lenoir. Aux ETats-Unis, on ne conçoit de formation des futurs enseignants que "pratique". A New York, d'après A Lin Goodwin, la certification initiale nécessite un master, trois ans d'enseignement; elle est suivie de 175 h de formation tous les 5 ans sur les objectifs du district scolaire. En Angleterre aussi on assiste à un renouveau de la professionnalisation, selon O Mc Namara. En France, comme le montre E Fraisse, la mise à mort des IUFM a amené une certification à double détente : la délivrance d'un grade universitaire et un concours établi par l'employeur. Mais comme le souligne E Fraisse, "le nouvel équilibre entre l'Etat employeur et les universités est loin d'être établi". E Fraisse termine sur une note d'espoir : les universités devraient devenir capables de sensibiliser les étudiants aux approches didactiques. Le récent glissement de l'épreuve "agir en fonctionnaire" vers des déclinaisons disciplinaires est à ce titre inquiétant ou positif ?


Finalement de cette comparaison internationale se dégagent trois forces qui viennent moduler un modèle de formation qui semble s'universaliser. La première c'est la privatisation de la formation des maîtres que l'on voit en oeuvre dans plusieurs pays. La seconde c'est le poids de l'économie de l'Ecole. Dans de nombreux cas les districts scolaires ont du mal à recruter du fait de l'écart entre qualification et salaire. On le voit en Suède où certaines années le nombre de candidats est à peu près équivalent à celui des reçus, une évolution qu'on voit se profiler en France. A cela s'ajoute la montée des inégalités et les difficultés pour trouver des enseignants pour les ghettos urbains dans certains pays. On le voit aux Etats-Unis où sont mis des dispositifs dérogatoires pour former en quelques semaines des étudiants pour aller enseigner dans les quartiers sensibles. En Angleterre, la question est abordée avec des "menottes d'or" pour attirer les étudiants vers les quartiers. Le risque est réel d'une sous qualification des enseignants là où la formation devrait être la meilleure. Sur ce plan , la France aborde cette question avec peut-être une large hypocrisie.


Enfin la troisième force ce sont les TICE. L'article le plus décalé de ce numéro c'est celui sur la formation des enseignants en Corée du Sud. Voilà un pays où on reconnait "l'importance des TICE comme modèle fondamental pour définir les contours de l'éducation de demain". Non seulement la formation ds enseignants et des cadres est massive mais elel évolue rapidement en réagissant aux évolutions des TICE. "la formation a du répondre aux changements rapides qui sont intervenus dans l'environnement éducatif pour suivre le mouvement de l'époque", écrivent K Kim, J Park et C Song."Le projet web 2.0 qui incarne l'esprit de particpation , de partage et d'ouverture a entrainé des changements radicaux dans la société et il a nécessairement conduit à mettre en place des réformes innovantes du modèle de l'enseignement". On a là un modèle qui ne cherche pas à remplir son cahier des charges de la formation à la lueur de la tradition mais à celle des pratiques culturelles de la société d'aujourd'hui et de demain. Puisque la formation des enseignants est devenue un investissement vital pour nos sociétés, c'est peut-être aussi à cela qu'est du le basculement du monde ?

Dossier Former des enseignants, Revue internationale d'éducation de Sèvres, n°55, décembre 2010.

Le sommaire de ce numéro

http://www.ciep.fr/ries/ries55.php

Formation des enseignants : « La professionnalisation, c’est ambigu »


Peut-on dégager des évolutions universelles dans la formation des enseignants ? Quelle place doit y prendre la formation professionnalisante ?Comment préparer les professeurs à l’enseignement en zone prioritaire ? Ces questions, et quelques autres, étaient posées le 19 janvier, à l’occasion de la publication, par le CIEP, du numéro 55 de la Revue internationale d’éducation de Sèvres. Il revenait à Alain Boissinot, coordonateur du numéro, d’y répondre.


De ce numéro 55 de la Revue internationale d’éducation de Sèvres, où il pense, à juste titre, avoir « pris de la hauteur » avec les débats strictement français, Alain Boissinot pense pouvoir dégager quelques traits communs universels à la formation des enseignants. « Partout on assiste à l’allongement de la formation », un glissement vers le haut qui, en France, s’est traduit par la masterisation. « Partout, la formation des enseignants devient un enjeu universitaire », même dans les pays, comme en France, où on avait une tradition de formation spécifique. Partout aussi, on assiste à un débat sur la professionnalisation. Nulle part la question est arrivée à une stabilité. Les questions l’emportent sur les réponses. « Ce qui se passe en France, s’inscrit de façon cohérente dans des problématiques qu’on retrouve ailleurs et dont l’évolution n’est pas arrêtée ».


« La notion de professionnalisation est ambigüe », ajoute Alain Boissinot. Partout on se rend compte qu’il faut compléter la formation disciplinaire d’une formation professionnelle. Mais , pour A Boissinot, dans les pays qui ont défini des compétences à acquérir par les futurs enseignants, on en connaît les dangers. « Il y a un risque que les compétences soient intégrées non plus comme un moyen mais comme un contenu de formation, qu’elle se fasse aux dépens de la formation disciplinaire ». Evidemment on en est loin en France…Mais pour A Boissinot, la notion de professionnalisation est compliquée. « Il s’agit par exemple d’amener le professeur à réfléchir à ce que c’est que d’enseigner les sciences à un enfant de 6ème. Faut-il enseigner une discipline ou inscrire la discipline dans un champ plus large ? ». On sait que c’est ce que recommande l’académie des sciences avec l’enseignement intégré des sciences et de la technologie au collège.


« Comment le ministère peut-il sortir des difficultés qu’a mises en évidence le dernier rapport interne sur la formation des enseignants ? » « On sait tous que cette année est une année de transition entre deux systèmes », explique A Boissinot. « Dans le futur ce sera différent. Quand ils arriveront en classe, les nouveaux enseignants auront acquis une formation professionnelle ». Pour A Boissinot, la solution c’est de négocier avec les universités la construction de vrais parcours de formation conjuguant professionnalisation et enseignement universitaire. « Dans mon académie j’ai installé des groupes de travail avec les universités », explique A Boissinot. « On va proposer de vrais parcours de formation en alternance ». A Boissinot a rappelé qu’à la fin du XIXème siécle les universitaires (Vidal, Lavisse etc.) étaient beaucoup plus impliqués dans la formation des enseignants et les programmes. Autre évolution à venir : « il va falloir clarifier le calendrier de la formation entre concours et master. Il faudra relativiser le poids du concours ».


L’éducation prioritaire est-elle, comme l’affirment des chercheurs canadiens, en train de se séparer du système éducatif ? Ils mettent en évidence l’augmentation des personnels peu formés dans ces établissements, leur sortie du cadre commun. « Ce serait dramatique », pense A Boissinot, « car l’Ecole est un outil de lien social ». Il y a un risque que l’allongement de la formation creuse l’écart avec les besoins des élèves des quartiers défavorisés. Mais, pour A Boissinot, il doit plutôt servir à réfléchir à ce qui doit être enseigné, ce qui fait le cœur des disciplines. Là aussi il attend un effort des universités. Comment l’impulser sachant que chaque université est autonome ?


A l’autre bout du paysage éducatif, quelle place donner à l’avenir à l’agrégation ? Avec la masterisation, A Boissinot reconnaît que la question se pose. Il la lie avec la tendance à la reconstruction qui émerge dans notre système éducatif. Le triptyque école – collège – lycée, pourrait céder la place à un diptyque école du socle (associant école et collège) et lycée – premier cycle du supérieur. Dans cette optique, l’agrégation pourrait être une formation ouvrant la possibilité à enseigner dans ce cycle lycée – supérieur. « Aujourd’hui ça se fait mais ça ne se dit pas ». Mais là on avait quitté l’horizon universel qui fait la richesse de ce numéro de la Revue internationale d’éducation de Sèvres, pour retourner aux débats franco-français.



Former des enseignants, Revue internationale d'éducation de Sèvres, n°55, décembre 2010.

Le sommaire de ce numéro

http://www.ciep.fr/ries/ries55.php

Sur ce numéro voir la lecture du Café :

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/01/170[...]

Etude canadienne sur l’éducation prioritaire

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/11/12[...]



Des jeux sérieux pour apprendre le métier d'enseignant


Selon Education Week, plusieurs écoles de formation d'enseignants américaines utilisent des jeux sérieux pour former les futurs profs.


"Ca permet aux enseignants de se tromper en toute sécurité" annonce une professeure en sciences de l'éducation de l'university of Central Florida. Deux jeux sérieux sont utilisés dans la formation des enseignants : SimSchool et TeachME.


Tous deux sont conçus comme les jeux de simulation utilisés dans la formation professionnelle. L'enseignant fait face à 18 élèves virtuels qui vont interagir avec le comportement et les consignes de l'enseignant. Les logiciels permettent de programmer des caractères chez les élèves et donc de préparer l'enseignnat à des publics différents. Le programme calcule l'efficacité du cours, l'implication des élèves.


Un nouvel usage de ces logiciels vient d'être découvert. Il sont été, selon Education Week, utilisés par des collégiens qui ont ainsi découvert à quel point il est difficile d'être enseignant. "Je ne serai plus jamais aussi mesquin avec mon prof" aurait dit un des collégiens.

Article Education Week

http://www.edweek.org/ew/articles/2011/01/05/15simulate_ep.h30.html

Les serious games vont-ils révolutionner la formation ?

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/05/0509s[...]

Simschool

http://www.simschool.org/

TeachME

http://news.ucf.edu/UCFnews/index?page=article&id=00240041[...]




Sur le site du Café

Par fjarraud , le mardi 30 août 2011.

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