Prophéties autoréalisatrices... 




Le rôle des attentes dans la construction de l'image de soi Jean Bernardin
Comment comprendre comment se construit un image de soi positive, et quelle est  la part du maître dans la réussite de l'élève ? C'est le tour de force des praticiens du GFEN de réussir, en tant que formateurs, à faire redécouvrir aux participants des ateliers quelques concepts clés de la pédagogie : nous sommes là pour nous interroger, se poser les bonnes questions, redécouvrir le feu, se ré-approprier la recherche cognitive. Au programme, l'effet Pygmalion ou le phénomène des prophéties autoréalisatrices.
Les participants de l'atelier sont répartis en sous-groupe, chacun d'eux réfléchit sur une situation. Les premières illustrent le phénomène de « prophétie auto-réalisatrice » dans le champ économique : la faillite d'une banque, la pénurie de sucre pendant les mouvements sociaux... Des sujets sont distribués, à chaque groupe d'imaginer ce qui va se passer avec les données proposées. Et l'on reconstruit des règles, des lois. Et l'on comprend aussi que pour qui maîtrise le « mécanisme » il est facile d'organiser ce genre de « prophétie » pour écouler des stocks surnuméraires par exemple...
Transposons dans un autre domaine : la relation particulière du patient et du médecin, dans la confiance que le premier a dans le second est contenue une bonne part de ce qui fera la guérison, quelle efficacité des médicaments, l'effet placebo... Encore ce phénomène de « prophétie auto-réalisatrice » à l'œuvre.
Enfin quelques groupes planchent sur des situations proches propre à la relation pédagogique : ils sont mis dans la situation dans laquelle Rosenthal avait mis ses propres étudiants. Ils doivent imaginer une situation pour des souris de laboratoires dont on leur dit à l'avance qu'elles ont été testées, selon les groupes ces souris sont plus ou moins performantes. Chaque groupe s'est attaché à inventer un dispositif prenant en compte le potentiel supposé vrai de ces souris, sans penser d'ailleurs à le remettre en cause. Selon ce que l'on croit savoir de nos souris, nous leur prévoyons des dispositifs plus ou moins complexes. Il s'avère que les souris supposées « intelligentes » réussiraient effectivement des procédures complexes, alors que celles supposées « débiles » ne seraient pas capables de réussir. Tout cela avec des souris en réalité choisies au hasard. Avec ses assistants Rosenthal a lui-même constaté que ceux-ci amélioraient leur dispositifs pédagogiques, s'amélioraient eux-mêmes dans leur acte d'enseigner selon ce qu'ils pensaient de leur lot de souris.

Par d'autres expériences cela s'est vérifié également avec des enseignants face à des élèves : selon ce qu'on lui annonce du QI des élèves en face de lui, l'enseignant change de posture et propose des situations plus ou moins complexes, plus ou moins intéressantes, plus ou moins porteuses de sens. 

Ces constats  interrogent sur le quotidien de la classe, ou comment l'aide que l'on apporte parfois aux enfants en difficulté, loin de les rassurer et les aider, conforte les élèves dans l'intime conviction que sans l'enseignant ils ne peuvent y arriver seul. "Tout est affaire de savant dosage, si l'enseignant a confiance en moi quand il me donne des tâches complexes c'est que je suis capable d'y arriver, si l'enseignant m'accompagne voire segmente ces tâches complexes pour m'aider c'est parce que le savoir en jeu est trop inaccessible pour moi..."

Un atelier à rapprocher des propos de Michel Duyme, éclairant du côté de la neurobiologie comment les apprentissages transforment biologiquement le cerveau...

a lire aussi : des comptes-rendus de « démarches » similaires menées en 2008 :
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/gfenAideAteliers.aspx
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/gfenattentes.aspx



Modalités de transmission, qu'est ce qui se transmet au-delà des contenus? - Jeanne Dion

Qu'est-ce qui se joue derrière les pratiques pédagogiques mises en œuvre dans toute situation d'enseignement ; par-delà l'acte d'enseigner, d'instruire, comment se façonne l'éducation ?


Jeanne Dion est pétillante et on sent en elle l'habitude à cerner très vite des profils d'élèves : en quelques minutes elle repère parmi les participants de son atelier ceux et celles qui vont entrer avec plaisir dans la situation de jeu qu'elle propose, et ceux qui vont certes s'y prêter de bonne volonté parce qu'ils sont de bonne composition, mais pour lesquels déjà les choses sont moins évidentes... Nous ne déflorerons pas ici les ressorts de cet atelier des « allumettes », pour ne pas vous priver du plaisir d'y participer si vous en avez l'occasion. Mené par la main de maître de Jeanne Dion, il déjoue magnifiquement ce qui peut se jouer dans une classe, la frustration, la recherche, l'aide encore, le travail de groupe... Une nouvelle façon d'illustrer l'un des préceptes du GFEN « c'est à plusieurs qu'on apprend tout seul ». On apprend à plusieurs oui, mais à la condition d'avoir d'abord cherché tout seul ; il convient donc dans nos situations pédagogiques de faire en sorte que les élèves aient tour à tour des moments de recherche personnelle avant de les confronter à la coopération du groupe où les stratégies personnelles pourront effectivement se discuter avant de dégager collectivement des règles. Construire du savoir à plusieurs ce n'est pas mettre tout le monde dans la même marmite et laisser bouillir, mais donner à chacun le temps de se familiariser avec les ingrédients avant de cuisiner ensemble.
Un atelier à rapprocher de celui de la construction de texte vécu lors des rencontres de la maternelle de 2009 :
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2009/GFEN_MAT_vocab.aspx



Croiser des regards, des pratiques, d'autres champs professionnels où il est toujours question d'éducation
Jean-Yves Serre (sauvegarde de l'enfance, ADESEA 28) ; Alain Robin (PJJ 94)

Il s'agit d'un atelier de témoignages de pratiques, mais comme souvent du particulier émerge de l'universel, de l'expérience singulière se dégagent des pistes pour tout un chacun dans son champ d'exercice. Un atelier au plus près de la motivation à organiser ces deux jours de réflexion : regarder à la loupe les enfants et le jeunes les moins en connivence avec les institutions, changer notre regard pour transformer nos pratiques.

Avec modestie, Jean-Yves Serre relate un projet mené en tant qu'éducateur de rue dans un quartier périphérique de la banlieue de Chartres. Un projet qui a consisté à tisser des liens entre les enfants et la génération des « pères » quelques peu oubliés des dispositifs institutionnels.
Tout a commencé par un « prétexte »... l'aide aux devoirs !
Pour cette mission, un local est ouvert dans ce quartier isolé, « une impasse dans laquelle on ne se rend que si on y habite ou que l'on se trompe de route », le local est investi par les enfants qui ont une forte demande pour une « boulimie d'activités ».
En saisissant l'opportunité d'une thématique portée par la municipalité sur la commune « hier, aujourd'hui, demain », et partant du postulat que c'est en se ré-appropriant son lieu de vie qu'on peut mieux vivre dans son milieu les éducateurs installent dans ce local un studio photo : qui veut peut venir s'y faire tirer le portrait.
Ainsi d'autres habitants que les enfants finissent par pousser la porte du local ouvert initialement pour l'aide aux devoirs. Durant l'aide aux devoirs, les éducateurs constatent la soif de savoir des enfants, leur appétence à dessiner des drapeaux, leurs recherches sur leurs pays d'origine. De leur côté les pères eux devisent entre eux de la politique française en Afrique, maîtrisent finement les enjeux, mais ne transmettent pas leur histoire...

Le quartier doit prochainement être démoli, pour garder la trace de ce lieu qui est un réseau de solidarités (les enfants de tous sont gardés par tout le monde...) afin de rebondir, d'envisager le départ de ce quartier de façon positive comme un tremplin vers quelque chose qui démarre, un projet théâtre voit le jour. Il s'agit de recueillir auprès des pères l'histoire de leur parcours, que les enfants joueront pour le faire connaître à l'ensemble de la population.
Un texte exigeant est proposé aux comédiens en herbe (une troupe de 27 enfants de 3 à 15 ans), le vocabulaire est complexe, seulement 2 semaines pour travailler avec un metteur en scène 6 jours sur 7.
Et l'on en revient à la thématique du colloque du GFEN, c'est en attendant le meilleur, en étant exigeant avec ces jeunes enfants qu'on obtient un résultat satisfaisant. C'est également en étant confiants sur le potentiel de ressources des familles, en leur faisant confiance qu'un tel travail est possible. Et la qualité est au rendez-vous, le public aussi qui d'ailleurs entend et comprend parfaitement le texte. Ce dernier sera rejoué dans le cadre d'un festival des cultures africaines et obtiendra un label européen de spectacle reconnu dans sa qualité à promouvoir les « droits de l'homme ».


Le service de la PJJ ou reprendre l'état d'esprit de l'Ordonnance de 1945, faire le pari de l'éducabilité :
Tout jeune est susceptible de recevoir une éducation, il peut s'amender et revenir pleinement à la citoyenneté.

Les deux invités débattent autour de questions sensibles telles que «l'automaticité de la peine » dite « peine-plancher » qui occulte pour des faits en apparences similaires, des contextes, des circonstances qui diffèrent évidemment.
Les jeunes que doit prendre en charge la PJJ ce sont les « patates chaudes » que toutes les institutions se sont « refilées » jusque là. Ceux pour lesquels des étiquettes stigmatisantes sont déjà bien posées. Comment alors repartir à zéro? Comment amener les gens à changer de posture, croyant fermement qu' »un gamin qui fait un délit, c'est un gamin en danger ». Là se juxtaposent deux logiques de temps : éviter la réaction immédiate tout en posant simultanément la Loi. A un délit doit systématiquement s'opposer une réponse juridique la plus rapide possible, celle-ci pouvant être la punition. Parallèlement et au-delà on nécessite d'un autre temps, dont on est d'ailleurs de plus en plus privé, pour construire. Pour le professionnel il s'agit d'apprendre à ne pas « saucissonner » les jeunes, à dissocier la personne de son acte, d'être en mesure de l'accueillir, lui renvoyer du positif...
Et l'on recoupe la thématique des attentes, du pari qu'on se risque à prendre. Concilier pour ces jeunes l'envie de savoir sans avoir envie d'apprendre et se poser la question de construire des situations d'apprentissages sans rapports pollués aux savoirs. Tout un programme !
Sur le site du Café
Sur le Web
Par MBrun , le mercredi 07 avril 2010.

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