Attentes, estime de soi, signification des contenus... 

Par Françoise Solliec

Comment faire comprendre rapidement à des participants très divers ce qui dans une démarche pédagogique favorise ou défavorise l’acquisition de connaissances et de compétences chez des élèves ? C’est par le biais de recherche de formulation d’hypothèses, d’explicitations de situation ou de jeu de rôles que les participants aux ateliers des rencontres nationales sur l’accompagnement des 5 et 6 avril à Saint-Denis y étaient invités.


Le rôle des attentes dans la construction de l’image de soi
C’est l’effet du regard positif de l’autre sur soi, « l’effet Pygmalion », que l’animateur propose d’expérimenter ici, en faisant cheminer les participants au travers de plusieurs types de situations qu’il leur demande d’analyser, pour éventuellement en prédire l’issue.

Les deux premières situations (retrait des fonds d’une banque par un important actionnaire et annonce d’une mauvaise récolte de betterave sucrière laissant envisager une augmentation des coûts et une production annuelle moins importante), entraînent des réactions individuelles de protection qui se traduisent par un mouvement de défiance collective, dans les deux cas injustifiée a priori, mais donnant par là même une concrétisation à des difficultés qui initialement n’étaient qu’imaginaires.
C’est en effet à cause d’un mouvement de panique collective injustifié qui pousse les clients de la banque à en retirer tous leurs fonds le plus rapidement possible que la banque se retrouve en situation, cette fois bien réelle, de cessation de paiement. C’est aussi parce que les individus veulent se prémunir contre une situation de pénurie, en accumulant des stocks déraisonnables dans un temps très bref, que la situation de pénurie s’installe effectivement dans les magasins. A partir d’une représentation imaginaire de défiance, catastrophiste, on crée cette même catastrophe qui, objectivement, n’avait aucune raison de se produire avec cette ampleur.



Les exemples suivants, mettent en évidence l’effet placebo et l’importance de la confiance que le patient accorde à son interlocuteur. Ainsi, davantage de patients ressentent des effets secondaires en prenant un placebo, mais en croyant prendre un médicament, lorsqu’on les a prévenus d’un tel risque que ceux qui prennent le médicament en question et auxquels on n’a pas mentionné de possibilité d’effets secondaires. Là encore, c’est en partie la représentation que se fait l’individu d’une situation, au travers de l’affirmation d’un interlocuteur « crédible », qui oriente les événements et crée la situation : le message reçu débouche sur un comportement qui engendre la réalité prédite dans le message.


Dans l’exemple proposé de dressage de souris identiques, certains dresseurs sont informés que leurs souris ont eu de très bons résultats à des tests d’intelligence tandis qu’à d’autres on laisse croire que leurs souris ont eu de très mauvais résultats. A l’issue de la période de dressage les « bonnes » souris sont effectivement capables de très bonnes performances, tandis que les « médiocres » ne réalisent que de mauvaises performances. De là à dire, comme Pavlov, que si on ne doit attendre aucune amélioration de la capacité d’apprentissage des souris, la capacité d’enseignement des dresseurs peut être grandement améliorée, il n’y a qu’un pas que le groupe franchit allègrement, en recensant ce qui fait les bons dresseurs : exigences supérieures à celles des autres, non sanction des erreurs et faibles récompenses encourageant la souris chaque fois qu’elle progresse, avec une récompense importante lors de l’atteinte de l’objectif final.


On peut maintenant conclure avec l’étude de Rosenthal, décrite dans Pygmalion à l’école (1968), sur une école des quartiers défavorisés de San Francisco. Deux élèves, à QI très moyen selon une série de tests, ont en fait été indiqués à leurs enseignants comme des élèves à QI élevés. Un an après, leurs résultats à une seconde série de tests indiquent un QI conforme à la fausse information et leurs enseignants donnent de ces élèves une image très positive de curiosité et d’originalité. Ce regard, fondé sur une information initiale erronée, a déclenché chez l’élève le désir de répondre à cette attente positive et d’être à la hauteur. Une spirale de réussite s’est instaurée, en grande partie liée à la modification de la relation maître-élève, mais aussi à la remise en cause par le maître de pratiques pédagogiques qui n’entraînaient pas chez ces élèves les résultats attendus.



Bordeaux : du tutorat collégiens lycéens à un plan de formation
salleComment faire intervenir un Centre Social de quartier dans la réussite scolaire ? Quel type de projet imaginer qui puisse répondre à un besoin réel, faire travailler ensemble des animateurs, des enseignants et d’autres personnels, en fédérant des énergies diverses et en recueillant l’assentiment d’un conseil d’administration dont les membres ont des personnalités et des positions bien différentes ? Le jeu de rôles proposé aux participants a permis de mieux comprendre la démarche entreprise par le Centre.

Pour le principal de ce collège de la banlieue de Bordeaux, le problème prioritaire était celui de la réussite au brevet de ses élèves. Mais comment pouvait-on s’appuyer sur les structures locales d’accompagnement sans déposséder les enseignants d’une partie de leur travail ? C’est après beaucoup de réflexions et de discussions  que l’idée a été retenue d’impliquer des lycéens et de les faire travailler avec des collégiens pour leur livrer les clés de leur succès et les aider à se préparer efficacement au brevet.


Il a fallu régler de nombreux problèmes pratiques : quels collégiens en bénéficieraient, comment solliciter les lycéens, comment seraient-ils rétribués, où et quand se déroulerait l’action, quelle forme prendrait le tutorat, etc.


Pour la première année, il a été décidé que l’action se déroulerait au collège, sur les 5 matinées d’une des semaines de vacances de printemps. Les lycéens ont été informés par le proviseur et conviés à une réunion de présentation du projet, en présence des collégiens (désignés par leurs enseignants sur leur niveau faible ou très moyen) et des familles de ceux-ci. Les lycéens étaient libres de décider de leur offre (2 collégiens en maths par exemple) et pouvaient éventuellement travailler à 2. Ils ont reçu en fin d’action un chèque culture de 50 € et une lettre d’attestation de services par les animateurs du GFEN. Le travail commençait chaque matin après un petit-déjeuner pris en commun, servi par l’équipe de cuisine du collège et se concluait sur une période de discussion et d’évaluation de son déroulement. Non seulement les collégiens ont été présents et actifs sur toute la durée de la semaine, mais ils ont ensuite parfaitement répondu aux attentes et ont, à de rares exceptions près, obtenu leur brevet.

Le principal, ravi, envisageait déjà de recommencer l’année prochaine cette préparation sur chacune des périodes de vacances scolaires. Les autres acteurs s’y sont fermement opposés, mais, aux vacances d’hiver, une période de formation commune aux lycéens et aux collégiens a été mise en place, en préparation de la semaine de travail et de «bachotage » d’avril. Il s’agissait ainsi de faire découvrir aux participants des éléments de stratégie pédagogique pour  donner du sens aux consignes des enseignants et des lycéens et favoriser la réussite dans les différentes épreuves écrites du brevet.
Ce travail mérite certainement y revienne plus en détail. Les rédacteurs du Café pédagogique se promettent de le faire bientôt....




Saisir la signification des contenus à transmettre
Au travers des différents exercices proposés aux participants de l’atelier, il s’agissait de mettre en relation les erreurs de l’élève et le type d’enseignement reçu. Trop souvent, selon l’animatrice, l’enseignant est dans un cadre strictement opératoire : apprendre par cœur les différentes conjugaisons, ne pas confondre les différents types de quadrilatères, bien distinguer la partie entière et la partie décimale d’un nombre … Autant de principes qui correspondent bien à une réalité mais qui, si on ne les accompagne pas d’une recherche de signification, conduiront à des recettes non pertinentes et à des erreurs grossières. Et ce n’est pas parce qu’on abordera les opérations à effectuer de manière ludique que cela leur donnera plus de signification.

Il faut accepter que toute avancée se fasse au prix d’une rupture avec la position atteinte, que tout approfondissement d’une notion nouvelle passe par une déconstruction de l’approche antérieure. On fait souvent commettre aux enfants des erreurs de concept en voulant leur simplifier la vie, et on en fait des procéduriers qui ne savent pas réexploiter leurs connaissances dans d’autres situations.


Pour certains participants à l’atelier, membres bénévoles d’associations impliquées dans l’accompagnement scolaire, un tel discours peut être profondément déstabilisant. Ils pensaient qu’on leur demandait d’obtenir de meilleurs résultats avec les élèves en difficulté qui leur sont confiés et voilà qu’on se focalise non plus sur les résultats mais sur la façon de les obtenir et de faire sortir l’élève du cadre de l’exercice. On ne doit plus, comme l’a dit Jean-Yves Rochex un peu plus tôt, se situer dans une perspective de remédiation immédiate, mais dans une acculturation, un élargissement du domaine d’utilisation de la compétence travaillée.

« Si on est là », remarque cependant un participant, « c’est qu’on accepte de se remettre en cause. C’est difficile, surtout pour les bénévoles, mais c’est très utile dans notre fonction d’accompagnateur ». « On a tous envie d’aider les enfants » renchérit un autre, « mais cela ne suffit pas ». Et tous les participants se retrouvent d’accord lorsque l’on explique que les erreurs de représentation des élèves ont de multiples causes et qu’il faut essayer sans cesse décider de comprendre l’autre et d’imaginer des exemples qui font sens pour lui. « On apprend beaucoup des erreurs des enfants » conclut l’animatrice, « il est important de ne pas se situer comme celui qui sait tout, mais de se baser sur  un princie d'entraide et de leur faire expliciter leur démarche sans a priori...
http://www.gfen.asso.fr/incontournable/accompagnement_2008.htm

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Par ppicard3 , le mercredi 09 avril 2008.

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