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Inégalités sans frontières

«Les inégalités taraudent le système scolaire partout dans le monde »  énonce Pierre-Louis Gauthier, l’animateur de l’atelier du matin qui traite « des inégalités dans l’éducation : réponses globales, réponses loclaes ». Comment se traduisent ces inégalités dans les systèmes français, chinois, uruguayen, espagnol et allemand ? Existe-t-il un dénominateur commun, des convergences, des divergences dans ces inégalités et les politiques mises en œuvre pour les amoindrir ? Pour paraphraser les offices de tourisme, le Monde de l’Education, se pose comme une terre de contrastes, de l’Europe entre union et décentralisation, à la Chine, vaste pays émergent, en passant par l’Uruguay, en proie aux fortes disparités. Pourtant, à travers les exposés de l’atelier, des dénominateurs communs s’imposent, un refrain se compose agrémenté de couplets aux accents locaux. Je vous invite à mon tour à les découvrir.

 

France : le poids des origines

Marie Duru-Bellat, sociologue de l’IREDU, s’interroge : « l’éducation nationale : l’illusion égalitiare ? »Car, malgré la scolarisation obligatoire et gratuite, les tests effectués lors des journées de préparation à la défense constatent que 10% des jeunes évalués sont des lecteurs médiocres et 12% son en grande difficulté de lecture. Les évaluations effectuée en CE2 montrent que les inégalités qui se mettent en place très tôt. Elles s’observent même dès l’entrée à l’école sus la forte influence de l’origine sociale. L’école maternelle ne parvient pas à réduire les écarts. L’école primaire se montre impuissante et on constate plutôt un léger accroissement des inégalités. Au niveau du collège, les écarts vont s’accélérer. A partir de l’enseignement secondaire, les parents font des choix, de langue, d’établissement qui ne sont jamais étrangers à l’origine sociale. C’est vrai aussi au moment de l’orientation en fin de troisième dans le choix des filières avec un phénomène d’auto-sélection, d’auto exclusion des filières les plus prestigieuses pour les familles plus modestes. L’expansion très forte de l’accès au baccalauréat s’est accompagnée d’une diversification des filières. Les inégalités sociales vont s’infiltrer dans cette diversification avec une répartition entre les filières de plus en plus typée On le voit avec le bac Pro où on oriente les élèves les plus faibles. L’accès et la réussite en enseignement supérieur est difficile. L’expansion y est moindre ; il accueille plus d’enfants de cadres, dans des proportions de plus en plus fortes selon le prestige de la filière.

L’école est interpellée sur cette inaptitude à gommer les inégalités. Mais, le contexte scolaire lui même, la classe, l’établissement, présente des qualités inégales avec des processus de ségrégations. C’est dans les établissements populaires que les progressions sont les moins bonnes. Le corps enseignant y est moins qualifié, plus jeune, plus mobile. Les attentes développées vis-à-vis des élèves sont moins ambitieuses. La gestion du temps scolaire est différente; le temps des apprentissages est rogné par des temps consacré à la socialisation, à la discipline. Autant de facteurs qui loin de combler les inégalités, les aggravent.

 

Allemagne : l’effet Pisa

 

Les enquêtes Pisa et Pirls permettent de voir ce qui se passe dans nombre de pays en matière d’inégalités scolaires .Le coefficient de Geni, en mesurant les écarts entre les revenus permet de compléter les observations. Lorsqu’il tend vers un, l’écart est fort, vers 0 il est inexistant  Il est de 0,36 en France, 0,44 en Chine, 0,45 en Uruguay, 0,32 en Espagne et 0,28 en Allemagne.

En Allemagne, nous rappelle Marieke Tarazona, les résultats de Pisa ont agi comme un électrochoc. Ils ont démenti la perception d’une école allemande performante. Ils ont souligné le lien important entre inégalités sociales et inégalités scolaires et mis en relief la réalité des inégalités entre les élèves d’origine allemande et ceux d’origine étrangère.

Le système des trois filières, Hauptschule, Realschule et Gymnasium avec une orientation précoce à l’âge de dix ans, ne parait plus alors comme un modèle de réussite scolaire. Selon Pisa, les résultats sont dans la moyenne en primaire mais beaucoup moins bons en secondaires. Les inégalités d’accès selon l’origine sociale sont indéniables. Pour un bon élève issu de la classe modeste, la probabilité pour qu’il rentre au gymnasium, seule filière amenant au bac allemand l’Abitur, est de 62% et de 85% pour un élève issu de la classe supérieure.

Cette politique de filières varie selon les Länder, les régions allemandes C’est en Bavière, par exemple, que l’on trouve le moins de diplômés de l’Abitur. Or, cette région est particulièrement dynamique et on constate une augmentation du nombre de diplômés de l’enseignement supérieur. Le choix politique de privilégier l’accès aux diplômes professionnels est compensé par une importation de diplômés provenant d’autres länder, principalement des cinq nouveaux Länder de l’ex Allemagne de l’Est. Les inégalités territoriales entre l’est et l’ouest se traduisent par un exode des plus qualifiés et amoindrissent les chances de réussite économique pour des régions privées des compétences dont elles ont financées la formation.

L’enquête PISA a souligné ces mêmes disparités régionales en Espagne. Les bons résultats se concentrent dans certaines régions du Nord tandis qu’au Sud, principalement en Andalousie, les résultats sont plus mauvais. Pour Juan Carlos Gonzalez Caraco, les limites de la décentralisation se font sentir avec une hétérogénéité de la dépense par élève selon la région. On assiste à l’émergence d’une fracture Nord/Sud.

 

Espagne : l’empreinte de l’histoire

Il existe en Espagne aussi un lien entre le niveau économique et la réussite scolaire. Les réformes successives, liées au processus de démocratisation, se sont attachées à réduire les inégalités en puisant tantôt dans le modèle scandinave, tantôt dans le modèle français, en pondérant parfois cette aspiration égalitaire par des exigences de qualité. Tandis qu’en 1990, l’école devient l’instrument de l’égalité des chances en s’appuyant sur l’innovation pédagogique et un renforcement du processus démocratique au sein des établissements, les conservateurs arrivant ensuite au pouvoir, brandissent les résultats de Pisa pour mettre en place une évaluation du système, principalement du secondaire, et revenir vers un modèle plus classique. Car, c’est dans le secondaire obligatoire, pour la tranche d’âge des 12-16 ans, que se concentrent les problèmes. 31% des 18-24 n’ont pas obtenu le titre de l’enseignement secondaire obligatoire, le double du seuil européen.

L’évolution du système éducatif espagnol est aussi fortement liée à l’emprise de l’église catholique sur le pays. Cette emprise, en forte diminution, a généré un tissu étoffé d’établissements privés. 25% des élèves espagnols sont aujourd’hui scolarisés dans le privé conventionné. L’enseignement secondaire public n’a pas toujours une bonne image et cette présence forte du privé, sélectif selon les revenus, constitue une autre forme d’inégalités. L’enseignement privé est de moins en moins sous le giron de l’Eglise. La proportion public/privé se maintient toutefois avec des glissements internes de population. On constate une concentration des classes supérieures et de plus en plus des clases moyennes dans le secteur privé. Or, en Espagne, comme dans beaucoup d’autres pays, la réussite dépend beaucoup de l’origine sociale. L’école publique risque t’-elle de devenir l’école des exclus ?

L’accroissement du taux d’immigration, le plus fort au monde, amène un risque supplémentaire de renforcement des inégalités. La plupart des élèves étrangers vont à l’école publique. 11% arrivent en éducation post obligatoire Le phénomène est rapide et récent. Des stratégies sont mises en œuvre pour l’amoindrir comme des programmes d’accueil ou d’immersion linguistique pour les non hispanophones. Dans certains quartiers de Barcelone, on observe la naissance d’une nouvelle ségrégation scolaire avec une concentration des enfants d’immigrés dans certains établissements et de grandes différences entre élèves catalans et enfants d’immigrés.

 

Chine : les effets du territoire

En chine, les constats sont à la (dé)mesure du pays. XING Kechao indique que les efforts produits depuis 2006 en matière d’équité scolaire commencent à produire des effets encourageants. L’exonération des frais et des manuels dans les régions rurales a provoqué le retour de 200 000 élèves dans la région Ouest  par exemple. On constate une augmentation du nombre de bourses en enseignement supérieur de 3 à 20 %, et dans l’enseignement supérieur secondaire de 90%, avec en parallèle une augmentation du montant de ces bourses. Le nombre d’étudiants d’origine rurale tend  à s’accroître.

Mais, pour XING Kechao, il faut rester vigilant. Le coefficient de Gini pour la Chine est évalué à 0,44% soit légèrement au dessus du seuil d’alerte de 0,4%. Outre cette augmentation du niveau d’inégalité des revenus, les disparités géographiques entre l’est et l’ouest, les villes et les campagnes s’élèvent aussi. La région est qui comprend des villes comme Pekin ou Shanghai, des zones côtières riches, concentre 60% du PNB avec 15% du territoire et 40% de la population, alors que la région Ouest atteint 15% du PNB. Ces inégalités semblent s’accroître sous l’effet de l’économie de marché. Elles se traduisent aussi dans le domaine éducatif. A l’Ouest, on évalue à 40% 75 % des 400 000 enseignants auxiliaires travaillent dans l’Ouest avec bien souvent une qualification insuffisante et un traitement inférieur aux enseignants titulaires.

Pour améliorer la qualité des locaux des écoles rurales, garantir leur sécurité, il faudrait multiplier leur budget par 10 ou 20. 72, 32% des accidents ont lieu dans les zones rurales. L’étendue de la Chine amène un autre facteur d’inégalité : celui de la langue. Les Hans sont majoritaires parmi les 55 ethnies présentes sur le territoire où on pratique 80 langues et 30 écritures différentes. 10 000 écoles bilingues existent mais fonctionnent difficilement avec en particulier la difficulté de trouver des manuels scolaires adaptés.

Un phénomène nouveau d’inégalité tend à se développer dans la sphère éducative. Il touche des enfants de paysans travaillant en ville. Les migrations internes, notamment l’exode rural, sont très importantes en Chine. On estime le nombre d’enfants migrants à 19,4 millions dont la moitié est d’origine rurale. A Pékin, 250 000 enfants sont dans ce dernier cas. Ils fréquentent, pour la moitié, des écoles privés créés pour eux, ce qui les marginalisent encore un peu plus. Ces écoles proposent des conditions de scolarité très insuffisantes. Le nombre d’élèves par classe est de 47 élèves en moyenne contre 34 dans le public, le niveau de qualification des enseignants est plus faible et les parents s’impliquent peu voire pas du tout dans la scolarité. Ces enfants sont encore une fois pénalisés pour l’accès au secondaire non obligatoire qui dépend d’un concours d’entrée à passer dans sa province d’origine. Or ni de la ville, ni de la campagne, la plupart ne passera pas le concours et entrera sur le marché sans qualification.

 

Uruguay : la nécessité d’inclure

 

Patricia ROCHE, d’Uruguay, dresse d’emblée le tableau des inégalités en Amérique du Sud en désignant ce continent comme le plus inégalitaire du monde avec 10% de la population qui détiennent 65% des richesses. A cela s’ajoutent les déséquilibres territoriaux avec des mégalopoles avoisinant les 16 millions d’habitants. L’énorme croissance, le contexte politique ont encouragé le fractionnement social puis la crise à augmenter le taux de pauvreté, un phénomène structurel dont l’effet visible est le nombre toujours croissant d’enfants vivant dans la rue.

L’école ne peut pas lutter seule contre les exclusions et malgré les progrès effectués dans l’accès à l’éducation, il subsiste des difficultés pour garantir un accès équitable à une éducation de qualité. Elle peut construire une société plus juste, en s’attachant à l’apprentissage de la citoyenneté, en veillant à l’acquisition des compétences essentielles pour vivre la mondialisation, des codes, des références nécessaires. Le savoir devient de plus en plus stratégique dans une perspective d’éducation et de formation tout au long de la vie. La construction du capital social du pays nécessite un développement social et économique.

Les principales difficultés d’accès à l’école proviennent du contexte de l’élève, du niveau de revenus et de culture de ses parents. Pour réussir son inclusion, il faudrait tenir compte de la réalité économique et sociale de l’élève. Or, les programmes font souvent référence à un élève moyen, élève moyen qui n’existe pas.

Le problème est particulièrement criant pour les enfants des rues touchés par le décrochage scolaire. L’accès à l’école permet de sortir du cercle de la pauvreté, d’accéder à d’autres valeurs mail il sous entend une séparation des références familiales, une rupture avec le cercle familial qui peut provoquer le décrochage scolaire. Connaitre les valeurs d’origine du groupe, en tenir compte est sans doute une des clés de la réussite.

Deux expériences dans ce sens sont développées en Uruguay.  « L’école à temps complet » propose une approche globale du problème. Elle associe tous les acteurs de l’école et considère tous les temps scolaires comme pédagogiques, y compris les temps de récréation qui favorisent la socialisation, l’estime de soi. Les questions d’alimentation, de choix et d’aménagement des locaux sont également intégrées. Les enseignants suivent une formation spécifique avec 150 heures de cours complétées par des ateliers et des travaux. L’objectif est d’adapter les programmes en fonction des profils des élèves et de transformer les connaissances acquises en dehors de l’école, les savoirs informels , en savoirs scolaires. Les résultats obtenus sont positifs, ils permettent de montrer qu’une telle expérience casse la reproduction de l’accès à la pauvreté et améliore les résultats scolaires.

La deuxième expérience s’intéresse aux élèves en grande difficulté scolaire, repérés par des critères d’âge ou d’absentéisme. Un enseignant, choisi par l’établissement est chargé d’accompagner l’élève Là aussi, les parents sont associés. L’enseignant sort de l’école et va visiter la famille, vient dans le foyer pour travailler avec l’élève. Cette expérience a des effets positifs sur les résultats scolaires et l’intégration des parents. Elle permet aussi de rapprocher l’institution de son quartier.

 

Alors, après ce voyage dans les systèmes éducatifs et les inégalités scolaires, peut-on décréter la naissance d’une école unique pour un monde uni ? La question est superflue tant les exposés nous ont montré une certaine harmonie des constats sur la fragmentation sociale et territoriale, mais aussi l’importance de la prise en compte du contexte, de la réalité locale pour amoindrir les inégalités. Et c’est sans doute dans cette oscillation entre local et système global que réside un danger d’accroissement des inégalités. Le rôle de l’Etat, des instances gouvernementales apparaît primordial pour veiller sur les risques d’accroissement des inégalités et réguler les disparités afin d’amoindrir les effets de fractionnement.

Monique Royer

Commentaires

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