Affaire Averroès : Xavier Bertrand se considère comme « un lanceur d’alerte »
Lors de son audition devant l’assemblée mardi 6 mai 2025, Xavier Bertrand s’est présenté comme un lanceur d’alerte. Il a rappelé avoir adressé des courriers au ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer dès 2017. Dans l’attente des résultats des enquêtes, le président de la Région des Hauts de France a décidé de suspendre les versements du forfait d’externat en attendant une décision définitive, suite à un rapport de la chambre régionale des comptes et des révélations de journalistes G. Malbrunot et C. Chesnnot en 2020 sur les financements étrangers. Le président du conseil régional s’appuie sur des éléments du rapport de la chambre régionale des comptes sur le financement et les 1,9 million d’euros de l’étranger via des collectes dans des mosquées en Allemagne et aux Pays-Bas, Koweit et Arabie Saoudite et le contenu des cours dispensés par le lycée, qu’il juge contraires aux valeurs de la République.
Xavier Bertrand a assumé son rôle central dans cette affaire. Pourtant, à la question du rapporteur Paul Vannier (LFI), « lui (au préfet) avez-vous demandé la rupture du contrat du lycée Averroès ? », comme le cadre de la loi le permet, Xavier Bertrand, sous serment, ne répond pas vraiment, renvoyant à une audition précédente : « Je crois que le préfet a répondu ».
Le co-rapporteur Paul Vannier interroge Xavier Bertrand sur sa place lors de la commission de concertation et au vote qui a conduit à la rupture du contrat. Sa présence n’était pas obligatoire, trois conseillers régionaux y participant déjà comme le stipule le Code de l’Éducation. Le président de la région précise avoir quitté la salle lors du vote.
« Plus nous tardons à rendre publics ces documents, plus nous alimentons la boîte à fantasmes ouverte par X. Bertrand »
« Plus nous tardons à rendre publics ces documents, plus nous alimentons la boîte à fantasmes ouverte par X. Bertrand. Il faudrait éviter que ce dossier devienne un enjeu dans la campagne des régionales » analyse une note du cabinet de M. Jean-Michel Blanquer adressée au ministre le 22 décembre 2020 qui est lue lors de l’audition. Cette note rappelle au ministre que Xavier Bertrand, comme le RN, demande les rapports non publics DGFIP et IGESR sur le lycée Averroès.
Les conclusions du rapport de l’IGSR en juin 2020 dément un des points dénoncés par Xavier Bertrand sur les valeurs de la République : « Rien dans les constats faits par la mission […] ne permet de penser que les pratiques enseignants divergent des objectifs et principes fixés et ne respectent pas les valeurs de la République ». Pour le président de la Région, le rapport de l’IGESR est insuffisant. Il a souligné que la chambre régionale des comptes avait vu des problèmes que l’IGESR n’avait pas détectés. Les rapporteurs précisent que l’évaluation du pédagogique est l’affaire de l’IGESR, et non de la chambre régionale. Le président de la Région des Hauts de France conclut agacé : « l’Éducation nationale dit en clair, circulez il n’y a rien à voir, payez et fermez la ».
10 millions d’euros de subventions facultatives versées aux établissements privés au nom de la liberté de choix
Un protocole d’accord incluant 10 millions d’euros pour des travaux, achat d’équipement et le numérique a été signé. C’est la région et ses services qui hiérarchise les dossiers. Le rectorat n’est pas partie prenante dans la hiérarchisation des projets, précise Xavier Bertrand lors de l’audition après avoir été interrogé par la co-rapporteure Violette Spillebout (EPR). Le rectorat est informé. Le président de la Région a exprimé sa volonté d’« accompagner le choix des parents [pour le privé] de manière volontariste ».
Il souligne que les conventions pluriannuelles font l’objet de contrôles sur pièces systématiques de la collectivité et de contrôles sur place possibles. Les subventions versées concernent principalement des aspects techniques, d’accueil et des travaux, et non des questions pédagogiques ou de vie scolaire. Pourtant les critiques contre le lycée Averroès sont aussi d’ordre pédagogique, relève le député Paul Vannier lors de l’audition.
Aucun contrôle dans les établissements privés catholiques
Lors de l’audition, la députée Sarah Legrain (LFI) a exprimé la politique du « deux poids deux mesures », soulignant que « jamais n’a été demandée la moindre inspection sur un établissement catholique dans l’ensemble de la région ». A Compiègne, le proviseur du lycée Jean-Paul II catholique sous contrat qui a obtenu un demi-million d’euros d’aide de la Région, a refusé que les élèves voient un film sur Simone Veil et un film sur une histoire d’amour homosexuelle. Des professeurs ont dénoncé l’obscurantisme et l’homophobie ambiante. Une enquête du rectorat a été diligentée et rendue en juin 2023, pointant des manquements notamment sur la mise en œuvre du programme EVARS.
Le 23 avril, le Tribunal Administratif de Lille a rétabli le contrat d’association du lycée avec l’État, annulant la résiliation unilatérale du Préfet du Nord. Cependant, la ministre de l’Éducation Nationale, Elisabeth Borne, a annoncé mardi faire appel de cette décision et relancé ainsi la bataille judiciaire.
Djéhanne Gani
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