À la suite du suicide d’un professeur en décembre 2023, visé par neuf plaintes dont une pour viol, d’anciens élèves du lycée Pierre-Bayen (Marne) accusent l’Éducation nationale d’inaction. L’IGESR auditionnée par la commission d’enquête parlementaire admettait des défaillances et des failles de l’Education nationale. Retour sur cette affaire, révélatrice d’une défaillance structurelle.
Malgré des alertes lancées dès l’été 2021 par le collectif « Balance ton cirque », et des signalements en 2016 l’enseignant de français et d’arts du cirque Pascal Vey avait poursuivi ses fonctions jusqu’en septembre 2023. Accusé de viols, d’agressions sexuelles et de harcèlement moral et sexuel, il s’est suicidé avant la fin de l’enquête le mettant en cause. En 2021, une collègue, Marie-Pierre Jacquard, alerte officiellement sa hiérarchie. Face à l’indifférence de sa direction et victime de pressions internes, elle finit par quitter son poste.
La commission d’enquête parlementaire sur les violences en milieu scolaire s’est rendue au lycée Bayen, à Châlons-en-Champagne, dans le cadre de ses travaux sur la prévention fin avril. Les députés Violette Spillebout (Ensemble pour la République) et Paul Vannier (La France insoumise) ont échangé avec la lanceuse d’alerte à l’origine des signalements, ainsi qu’avec des représentants de la FCPE. Des anciens élèves s’apprêteraient à porter plainte contre l’État, selon les informations de Radio France dévoilées le 11 avril. Les témoignages des élèves décrivent le comportement d’un prédateur, et évoquent des violences morales, physiques et sexuelles.
Le rapport accablant de l’IGÉSR
Les auditions de la commission d’enquête parlementaire ont mis en lumière des failles dans la transmission des informations, des carences de formations. Elles ont jeté une lumière crue sur la gestion défaillante des violences signalées au lycée Pierre Bayen de Châlons-en-Champagne. Le cas de Bayen y a été mentionné comme exemplaire des défaillances structurelles. Dominique Marchand a déclaré : « Le rapport met en évidence des défaillances structurelles à plusieurs niveaux de la chaîne hiérarchique, à la fois au sein de l’établissement mais également à la direction des services départementaux de l’éducation nationale (DSDEN) et au rectorat ». Elle souligne également le besoin de formation pour une meilleure compréhension de « la distinction entre enquête administrative, procédure disciplinaire et procédure judiciaire ». Elle précise qu’il « s’agit d’un enjeu structurel dans la culture administrative de nos institutions » au-delà du cas du lycée Bayen.
Dans son rapport remis en février 2025, l’Inspection Générale de l’Éducation, du Sport et de la Recherche (IGÉSR) conclut à une défaillance manifeste de la chaîne hiérarchique. Le rapport souligne que le rectorat de Reims avait été informé de faits graves dès 2021, mais n’a pas appliqué le principe de précaution. Il pointe également un manque de coordination entre les services, une formation insuffisante des personnels face aux violences sexuelles. L’enquête administrative relative au traitement par l’administration des informations concernant un professeur du lycée Pierre Bayen de Châlons-en-Champagne préconise en juin 2024 la mise en place « vis-à vis-des cadres supérieurs de l’académie » d’une « sensibilisation/formation sur les modalités d’exercice de l’article 40 du code de procédure pénale […] dispensée au niveau de la direction de l’encadrement et/ou de l’académie ».
Un système à réformer
Ces éléments viennent conforter la thèse d’une défaillance systémique. L’affaire du lycée Bayen n’est pas un cas isolé. Selon la FCPE et plusieurs syndicats, cette gestion s’inscrit dans une culture institutionnelle de l’omerta, où les victimes peinent à se faire entendre et où les établissements manquent d’outils pour protéger efficacement les élèves.
L’affaire Bayen souligne la nécessaire refonte des protocoles de signalement, une meilleure formation pour les personnels d’encadrement et la définition claire d’une responsabilité à chaque échelon de l’institution. Plus qu’un dysfonctionnement ponctuel, l’affaire Bayen révèle une crise structurelle dans la manière dont l’Éducation nationale répond aux violences en milieu scolaire.
Djéhanne Gani
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