À Stanislas, des violences sexistes et homophobes ont été constatées sans entraîner de rupture de contrat après une enquête administrative, dont les conclusions auraient été falsifiées. En moyenne, les établissements privés sous contrat, majoritairement catholiques, ne font l’objet que d’un contrôle tous les 1 500 ans. En revanche, Averroès a subi 14 contrôles ces dernières années, conduisant à une rupture immédiate du contrat d’association, sans mise en demeure préalable comme le préconise le ministère de l’Éducation nationale. Le rapport de l’IGESR pour Averroès était positif, tandis que celui pour Stanislas était à charge, mais aurait été falsifié pour blanchir l’établissement. La question de l’égalité de traitement se pose donc dans la gestion politique des contrats d’association entre établissements catholiques et musulmans, dans une République censée garantir l’égalité.
Stanislas : Homophobie et racisme invisibilisés dans le rapport IGESR
« Il règne bien à Stanislas un climat homophobe, sexiste et autoritaire » sont des mots disparus de la conclusion du rapport des inspecteurs. Or, les violences racistes et homophobes ne sont ni mentionnées ni caractérisées comme systémiques dans le rapport de l’enquête administrative au Collège Stanislas de juillet 2024, malgré les signalements et la conclusion rédigée par les inspecteurs. Concernant l’homophobie, celle-ci n’a pas été caractérisée comme systémique, malgré les témoignages recueillis des procès-verbaux des auditions menées. La seule occurrence du mot « homophobie » dans le rapport est un témoignage qui « blanchit » l’établissement : « Je n’ai pas eu connaissance d’homophobie… Je connais des gens homosexuels dans ma promo, ils ne sont pas embêtés. »
Absence totale du mot « racisme » dans le rapport
La commission d’enquête a pointé l’absence totale du mot « racisme » dans le rapport de l’IGESR. Or, les procès-verbaux d’auditions d’élèves et de familles témoignent de racisme, comme celui d’un élève : « Le préfet m’interpelle sur l’origine de ma famille et de mon patronyme. Lorsque je lui explique que mon père était français et ma mère marocaine, il me dit : “Ah, finalement vous êtes un peu chez vous aussi ». Un élève rapporte également ces propose : « Le seul élève racisé de la classe a reçu des remarques d’un professeur telles que : « Alors, tu as traversé la Méditerranée ? « »
A la question du rapporteur Paul Vannier (LFI) « Pourquoi le mot racisme ne figure-t-il pas dans le rapport ? », la réponse de Dominique Marchand, la responsable de l’IGESR devant la commission a été un simple : « Je ne sais pas répondre à cette question ». De même les violences homophobes décrites par des élèves et des familles sont présentes. La présidente de la commission Fatiha Keloua Hachi souligne avec agacement que ni la nouvelle ni l’ancienne responsable de l’IGESR, Caroline Pascal, aujourd’hui DGESCO, ne peuvent fournir d’explications sur ces omissions du rapport, renvoyant la responsabilité aux inspecteurs généraux en charge du rapport. Ces derniers seront d’ailleurs finalement auditionnés après qu’une des inspectrices du rapport ait confirmé la falsification de la conclusion du rapport.
Averroès : rapport de l’IGESR favorable, rupture de contrat de la préfecture annulée par le tribunal administratif, appel du ministère en cours
« Averroès œuvre au quotidien, par ses pratiques pédagogiques et éducatives d’excellence, aux réussites scolaires, personnelles et professionnelles des élèves et à l’émergence de citoyens responsables, autonomes et épanouis » décrit le rapport de l’IGESR du lycée Averroès, en juin 2020 transmis au ministre. Trois ans plus tard, en 2023, le contrat d’association est rompu. Contrairement au rapport de Stanislas, toujours sous contrat d’association les conclusions du rapport Averroès étaient positives. Mercredi 23 avril 2025, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision de la préfecture privant le lycée musulman de son contrat. La ministre a annoncé mardi 29 avril faire appel de cette décision.
Transmission du rapport du lycée Averroès à des élus RN et LR par le cabinet du MEN ?
Les enquêtes administratives de l’IGESR ont un caractère confidentiel et ne sont diffusées que de manière très restreinte, au commanditaire, aux autorités d’emploi et aux autorités hiérarchiques concernées. Or, une note du cabinet du 20 décembre 2020 du ministre Jean-Michel Blanquer fait état d’une possible transmission expurgée du rapport sur le contrôle du lycée Averroès. Le cabinet du ministre Jean-Michel Blanquer aurait envisagé de transmettre une version allégée du rapport au président du groupe RN du Conseil régional des Hauts-de-France, et au président du Conseil régional Xavier Bertrand (LR), à leur demande. Cependant, lors des auditions, les responsables de l’IGESR ont déclaré « ne pas avoir connaissance » de cette action en 2020, précisant qu’elles étaient « incapables de répondre » car elles n’étaient pas en poste à ce moment-là.
Des contrôles d’une intensité inégale : une méthode à géométrie variable
Parmi les 7 500 établissements sous contrat, 11 sont musulmans, dont deux ont vu leur contrat rompu ces trois dernières années, contre seulement un cas en 65 ans d’existence de la Loi Debré. Selon les mots-mêmes du secrétaire général de l’enseignement catholique, Philippe Delorme, les établissements privés catholiques ne sont pas contrôlés. L’audition de deux préfets a mis en lumière un usage différencié des moyens de contrôle entre établissements scolaires privés sous contrat. Pour le rapporteur Paul Vannier, Averroès subit un « criblage exceptionnel du contrôle » avec 19 contrôles, contre seulement 2 dans le reste de l’enseignement privé sous contrat entre 2017 et 2023. Makhlouf Mamèche, président de la Fédération nationale de l’enseignement privé musulman dénonce « un acharnement politique qui s’abat sur le réseau privé musulman ».
Une gestion préfectorale aux pouvoirs élargis, mais à géométrie sélective
Les préfets disposent de leviers d’action puissants, mobilisables avec les recteurs. Pourtant, l’action des préfets semble prioritairement orientée vers certains établissements, notamment musulmans. Georges-François Leclerc, préfet des Hauts-de-France et du département du Nord a reconnu avoir saisi personnellement l’administration pour la rupture du contrat d’Averroès. Or, une note de la DAF datée d’octobre 2023 pointait les « fragilités juridiques » que présenterait la procédure de désassociation considérant « difficile de déterminer si les manquements relevés par le préfet sont suffisants ». Cette note s’appuie sur l’analyse de la DAJ selon laquelle les « difficultés financières [de l’établissement] sont insuffisantes pour fonder une résiliation du contrat » et pour qui le « contenu du cours d’éthique musulmane » invoqué pour justifier la rupture du contrat est un « motif de facto très fragile ». La DAJ conclut d’ailleurs « en l’état des informations transmises […] une résiliation du contrat […] est jugée fragile et risque de créer un précédent défavorable ».
Des liens avec le politique
Le préfet des Hauts de France précise que « le ministre de l’Éducation nationale a été loyalement informé, à la fois par la rectrice et par moi-même, notamment lors des funérailles à Arras du professeur assassiné. À cette occasion, il m’a confirmé son souhait que l’opération soit conduite ».
Le rapport de la commission de concertation mentionne la liste des participants, attestant de la présence du président du conseil régional à la réunion, bien que les textes réglementaires ne prévoient pas qu’il soit membre de droit de cette commission. Il a, en outre, pris la parole à plusieurs reprises pour exprimer la position du conseil régional des Hauts-de-France. A noter que la décision de la rupture du contrat d’Averroès est une décision qui s’appuie sur la décision du préfet, pas sur le rapport de l’IGESR.
Il faut aussi noter qu’un rapport issu de l’IGESR se fait toujours sur une commande politique et demande explicite d’un ministre de tutelle.
Dès lors, les priorités de contrôle des établissements, leurs modalités, le maintien ou non de contrat, relèvent bien de décisions et de choix politiques. Le traitement des lycées Averroès et Stanislas montre des affinités politiques électives. De droite, discriminante et à géométrie variable.
Djéhanne Gani
Dans le Café pédagogique :
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