Macron : Une lettre qui nourrit la méfiance 

" Le ministre entamera prochainement les concertations avec les organisations syndicales afin de poursuivre la revalorisation générale de la rémunération des enseignants initiée il y a deux ans... Le salaire des enseignants aura ainsi augmenté d’environ 10%". S'exprimant en lieu et place d'un ministre marginalisé, Emmanuel Macron, dans une lettre envoyée  aux enseignants le 16 septembre, ne fait qu'amplifier le doute et la méfiance. La revalorisation de10% promise pendant la campagne est redéfinie et semble comprendre toutes les mesures prises depuis 2 ans. Le président de la République est beaucoup plus clair quand il évoque la déréglementation qu'il veut installer dans les établissements. Bien loin de calmer la mauvaise impression laisse par ses interventions devant les recteurs ou aux Sables d'Olonne, les propos présidentiels sèment le doute et la révolte. Les syndicats les accueillent négativement.

 

La revalorisation à nouveau mise en doute

 

" Le ministre entamera prochainement les concertations avec les organisations syndicales afin de poursuivre la revalorisation générale de la rémunération des enseignants initiée il y a deux ans... Le salaire des enseignants aura ainsi augmenté d’environ 10% et aucun professeur ne débutera sa carrière à moins de 2 000 euros nets à compter de la rentrée 2023. À cette revalorisation générale et inconditionnelle sont susceptibles de s'ajouter des augmentations plus importantes encore dans le cadre du pacte que nous vous proposons. Tous les enseignants qui le souhaitent pourront en effet s'engager dans des missions supplémentaires, par exemple du remplacement, du suivi individualisé, de l’accompagnement à l’orientation ou à l’insertion professionnelle ou des tâches de coordination. Ce travail, que beaucoup d’entre vous accomplissent déjà, sera désormais reconnu et rémunéré. L’augmentation du salaire des enseignants qui accepteront ce pacte pourra ainsi aller jusqu’à 20%".

 

Durant la campagne électorale, le principe d'une revalorisation de 10% pour tous les enseignants semblait acquis. Le 12 septembre, Pap Ndiaye explique que celle-ci ne concernera que les débuts de carrière, laissant entendre qu'il pourrait s'agir que des 10 premières années. Le 16 septembre, E Macron présente cette revalorisation comme la continuité des mesures Blanquer, celles ci étant comprises dans les 10%. Ce que retiennent les enseignants c'est que de discours en discours, la promesse présidentielle s'effiloche et perd sa trame. Venant après toutes les promesses renouvelées depuis 2010 (déjà la promesse des 2000€ !), généreusement distribuées encore pendant le 1er quinquennat d'E Macron, les propos d'Emmanuel Macron ne font que renforcer la méfiance et la colère.

 

Ainsi Stéphane Crochet, secrétaire général du Se Unsa, un syndicat qui se présente comme "réformiste" exprime une grosse fatigue : "S'il (le président) veut se donner les moyens d'une réconciliation, c'est raté. S'il veut encadrer voire enfermer les discussions à venir sur les rémunération, c'est très regrettable". "En vrai le paragraphe sur la revalorisation des enseignants (et seulement eux ?) remet une pièce dans la machine de la confusion", explique Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes Fsu. "Le président Macron nous annonce qu'on aurait déjà été revalorisés d'environ 10%", dit Guislaine Davide, co secrétaire générale du Snuipp Fsu. "Perso, j'ai perçu 12€ par mois de prime informatique. Pourle Snuipp Fsu c'est 300€ nets par mois tout de suite". "Tel que c'est écrit je comprends que le calcul est fait en faisant la somme de ces deux premières tranches (2020-2021 et 2021-2022), qui ont été faibles ou nulles pour la plupart des collègues, en ajoutant la tranche à venir et en bidouillant une moyenne. On est très loin de ce que tout le monde avait compris à savoir 10% de plus pour tous les enseignants à la rentrée 2023", écrit Jean-Rémi Girard, président du Snalc.

 

Concrètement, en une semaine, les enseignants ont vu exploser en vol les promesses présidentielles. Les déclarations de l'exécutif ont réduit la revalorisation dans son étendue en la réservant à une minorité des enseignants (jusqu'à 10 ans d'ancienneté) puis dans son montant , en annonçant un calcul reprenant les mesures du 1er quinquennat. Après ces propos quelle crédibilité peut encore avoir Emmanuel Macron dans la profession ? Quant à son ministre de l'Education nationale, le président de la République ne cesse de montrer qu'il faut en faire peu de cas. Aux Sables d'Olonne, le ministre est resté totalement muet. Le président préfère s'adresser directement aux enseignants, qui constitutionnellement ne relèvent pas de ses fonctions, plutôt que laisser agir son ministre.

 

La déréglementation en marche

 

Comment alors croire ce qui relève du nouveau pacte ? E Macron annonce qu'il va rémunérer "(le) remplacement, (le) suivi individualisé, l’accompagnement à l’orientation ou à l’insertion professionnelle ou des tâches de coordination", travaux "que beaucoup d'entre vous accomplissent déjà". Remarquons que ces missions concernent surtout le second degré. Comment croire que le gouvernement paiera pour des missions déjà exercées ? On voit bien ce que l'orientation veut dire en collège par exemple :l'organisation et la réalisation d'une demi journée de travail supplémentaire avec les "journées Avenir" pour lesquelles il n'y a actuellement pas de personnel. Idem pour le remplacement :payer un forfait est beaucoup plus intéressant pour l'Etat que rémunérer des professeurs remplaçants.

 

Emmanuel Macron est nettement plus clair quand il dessine une éducation nationale décentralisée et contractuelle. " Pour transformer l'école en profondeur, nous devons également revoir toute son organisation", dit E Macron. " Il revient bien sûr à l’échelon national de fixer les objectifs des programmes, c’est-à-dire les savoirs à transmettre et leurs finalités, mais il appartiendra désormais au niveau local de choisir les moyens de cette transmission, à travers des méthodes et des projets idoines". Et cette redéfinition des tâches ne sera pas faite par les équipes pédagogiques locales mais sous la pression des parents, des "partenaires associatifs et économiques" et des élus locaux.

 

Le projet est clair : c'est la mise sous contrat local des écoles et établissements d'enseignement. C'est la fin des grilles horaires pour les disciplines et par suite la renégociation générale des moyens attribués aux écoles et établissements. Tout cela affectera aussi les diplômes quine pourront plus rester nationaux. E Macron parle d'une "révolution copernicienne". C'en est bien une ! E Macron réalise ce que JM Blanquer avait dessiné dans ses premiers ouvrages, très inspirés par l'Institut Montaigne : la privatisation de l'éducation nationale par un système de contrat allant encore plus loin que ceux qui lient les établissements privés actuellement.

 

Que cette déréglementation ait totalement échoué partout où elle a été appliquée, en Suède comme aux Etats Unis, ne semble pas de nature à freiner l'action d'un président qui se présente comme le vrai ministre de l'éducation nationale.

 

François Jarraud

 

La lettre d'E Macron

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Par fjarraud , le lundi 19 septembre 2022.

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