Cnesco : Gouverner les réformes, les mains dans le cambouis 

Pour cette seconde journée de la conférence de comparaisons internationales du Cnesco, le 16 novembre, ce sont 4 exemples concrets de mise en oeuvre de réforme éducative qui sont exposés, toujours par des experts, parfois associés de près aux politiques. Avec une question centrale : comment associer les enseignants à des réformes qui, toutes, ont un impact sur leur métier. Et, disons le dès maintenant, un impensé : réformer ce peut être aussi pour rendre la réforme acceptable...

 

Un exemple tchèque

 

Après une première journée qui a posé les bases de la question de la légitimation des réformes éducatives, nous voilà face à des cas concrets. D'abord celui de la réforme tchèque de l'inclusion scolaire. Stanislav Stech, chercheur (université de Prague) a aussi été en charge de la réforme comme ministre. La réforme partait d'une vision humaniste de l'éducation et était appuyée sur une réglementation européenne imposant l'inclusion des Roms dans le système éducatif ordinaire tchèque. Un système où les écoles jouissent d'une très grande autonomie, qui est ségrégationniste et où les enseignants sont très mal payés. Rapidement le débat sur l'école inclusive a quitté la négociation avec les syndicats enseignants pour gagner les réseaux sociaux sur le thème de l'impossibilité d'éduquer les Roms et d'une idée étrangère imposée aux Tchèques.  S Stech s'est senti laché par les chercheurs qui ont validé la réforme puis ne se sont pas imposé dans un débat dominé par de pseudo experts. Pour lui pour réussir une réforme il faudrait des organismes intermédiaires entre la recherche et le public capables de populariser la réforme.

 

Réformer en Belgique

 

Marc Romainville (université de Namur) a été associé à la réforme du Pacte pour un enseignement d'excellence. Il s'agit d'une réforme de tout l'enseignement obligatoire (6 à 18 ans) pour allonger le tronc commun et le rendre moins inégalitaire tout en revalorisant les filières professionnelles. Le gouvernement a rencontre deux difficultés. La première c'est que faire passer une réforme systémique multiplie les réformes et sature les établissements. La seconde c'est que là aussi les représentants des acteurs ont été contestés et le débat a débouché sur les réseaux sociaux avec des positions caricaturales. La réforme pose donc la question de la participation des acteurs qui serait souhaitable mais nécessiterait des moyens financiers (décharger les professeurs de cours pour étudier les documents de la réforme par exemple). Finalement le covid a gelé la réforme et on ne sait pas trop si elle va revivre.

 

Pression citoyenne en Suisse

 

Georges Felouzis et Barbara Fouquet Chauprade présentent un cas très original celui de la réforme engagée en 2022 en Suisse pour changer les cycles d'orientation. Une première loi a été adoptée par référendum (votation) en 2010 mais a échoué pédagogiquement. Le second texte voudrait éviter la votation. Finalement sur un projet éducatif controversé l'exemple suisse introduit la menace de la légitimité par le vote des citoyens. Pour les chercheurs, la consultation directe du peuple donne une très forte légitimité démocratique à la réforme. Mais en 2010 la votation a échoué pédagogiquement. La participation citoyenne peut etre une forme de régulation de l'activité professionnelle sion arrive à créer un consensus.

 

Pilotage par la preuve en Australie

 

Le quatrième exemple, porté par Jenny Donovan portait sur une structure australienne AERO qui porte des projets éducatifs légitimés par les données. C'est le pilotage par les preuves mis au service des systèmes éducatifs. Cette vision a l'originalité de gommer tous les aspects sociaux dans la construction des réformes. La structure offre la meilleure réponse possible garantie par des preuves scientifiques. Cette vision idéale et hors sol cherche la légitimation des réformes par la recherche. Encore faudrait elle qu'elle parle d'une seule voix et que l'école ne soit pas aussi un champ de conflits d'intéret.

 

Réformer et négocier

 

Finalement tous ces exemples tournent autour de la légitimation des réformes par les citoyens mais aussi par les enseignants. S Stech invite à se méfier de leurs représentants qui peuvent être débordés par exemple sur les réseaux sociaux. Il le dit en terme de crise de la représentation. C'est un peu aussi ce qu'on retrouve dans l'exemple belge. Mais la dimension a t-elle été totalement explorée ? Ces réformes touchent forcément des intérêts au delà des professionnels mais aussi ceux des professionnels. S'agit il de crise de la réprésentation ou de crise de la négociation ? Dans quelle mesure l'affaiblissement de la représentation résulte-elle aussi des réformes menées ? L'exemple de la réforme des rythmes scolaires (un échec) ou de l'école inclusive en France (un semi échec pédagogique) montrent aussi qu'il y a de la marge de négociation inutilisée. L'exemple de la réforme de la fonction publique montre la volonté d'affaiblir les représentants professionnels. Avec le New Public Management, finalement réformer c'est préparer ses échecs ou savoir négocier ?

 

François Jarraud

 

La conférence

L apremière journée

 

 

Par fjarraud , le mercredi 17 novembre 2021.

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