Le Conseil constitutionnel censure l'accès des établissements scolaires aux données vaccinales des élèves 

Adopté après deux lectures par l'Assemblée et le Sénat, la loi vigilance sanitaire vient d'être Les écoles et établissements scolaires n'auront pas accès au statut vaccinal, au statut virologique et aux contacts des élèves. Le Conseil constitutionnel a décidé le 9 novembre d'annuler l'article 9 de la loi parce que " ces dispositions portent une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée." Cet article avait été poussé par le gouvernement jusqu'au bout pour faciliter l'application du protocole sanitaire qui autorise, dans le second degré, les élèves vaccinés à rester en classe malgré la découverte de cas de covid.

 

La loi adoptée

 

La loi avait été adoptée le 5 novembre. Son article 4ter (devenu article 9) établissait que " par dérogation à l’article L. 11104 du code de la santé publique, aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid19, pour la durée strictement nécessaire à cet objectif et jusqu’à la fin de l’année scolaire 20212022 au plus tard, les directeurs des établissements d’enseignement scolaire des premier et second degrés et les personnes qu’ils habilitent spécialement à cet effet peuvent avoir accès aux informations relatives au statut virologique des élèves, à l’existence de contacts avec des personnes contaminées et à leur statut vaccinal. Ils ne peuvent procéder au traitement de ces données qu’aux seules fins de faciliter l’organisation de campagnes de dépistage et de vaccination et d’organiser des conditions d’enseignement permettant de prévenir les risques de propagation du virus".

 

La décision du Conseil

 

Dans sa décision du 9 novembre, le Conseil constitutionnel justifie sa décision. Il estime que " les dispositions contestées permettent d’accéder non seulement au statut virologique et vaccinal des élèves, mais également à l’existence de contacts avec des personnes contaminées, ainsi que de procéder au traitement de ces données, sans que soit préalablement recueilli le consentement des élèves intéressés ou, s’ils sont mineurs, de leurs représentants légaux... Ces dispositions autorisent l’accès à ces données et leur traitement tant par les directeurs des établissements d’enseignement scolaire des premier et second degrés que par « les personnes qu’ils habilitent spécialement à cet effet ». Les informations médicales en cause sont donc susceptibles d’être communiquées à un grand nombre de personnes, dont l’habilitation n’est subordonnée à aucun critère ni assortie d’aucune garantie relative à la protection du secret médical. En dernier lieu, en se bornant à prévoir que le traitement de ces données permet d’organiser les conditions d’enseignement pour prévenir les risques de propagation du virus, le législateur n’a pas défini avec une précision suffisante les finalités poursuivies par ces dispositions". Sans regarder les autres demandes des parlementaires, le Conseil constitutionnel a estimé que pour ces seules raisons "ces dispositions portent une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée".

 

D'autres motifs d'annulation

 

Le Conseil constitutionnel a été saisi  à la fois par des députés LR, des députés de l'opposition de gauche (PS PC et LFI), par des sénateurs LR et par des sénateurs PS et PC.

 

Les députés LR avaient aussi demandé l'annulation en raison du procédé utilisé par le gouvernement pour intégrer, par amendement , cette disposition dans la loi. Ils estimaient aussi que la loi entrainerait " une rupture d’égalité entre les élèves dans l’accès à l’instruction". Tous les députés et sénateurs justifiaient le recours par la violation du secret médical. C'est finalement ce motif qui a entrainé l'annulation de l'article , sans que les autres soient examinés.

 

Un texte qui n'avait pas été souhaité par le monde scolaire

 

Dans sa défense de la loi devant l'Assemblée, Olivier Véran a mis en avant une large consultation menée dans l'éducation nationale , sous entendant un accord des syndicats sur ce texte. En réalité, les syndicats de personnels de direction ne sont pas demandeurs. " Cet amendement apparait inopportun car il ne correspond pas au moment. C'est déconnecté de notre quotidien", nous disait le Snpden Unsa. L'accueil est plus froid encore au Snupden Fsu, le syndicat Fsu des personnels de direction. Il s'inquiète du secret professionnel et considère que cela ne va pas encourager les familles à recourir au vaccin.

 

Saphia Guereschi, pour le syndicat des infirmières Snics Fsu, jugeait très grave la violation du secret médical. "On est répréhensibles sur le plan pénal. Quelle garantie va t-on nous donner sur la levée du secret médical ?" Elle craignait que cette exception ouvre la voie à d'autres. Pour elle cette levée du secret va susciter des tensions entre les élèves. D'autant que les infirmières ne sont pas assez nombreuses pour vérifier les dossiers médicaux des élèves. "Qui va le faire ? Des secrétaires et des assistants d'éducation. Il y aura des dérapages graves", prévenait-elle. La Cgt Education s'inquiétait des véritables objectifs gouvernementaux. "Il ne faudrait pas que ce soit le marchepied d'un passe-sanitaire pour accéder à la scolarisation".

 

Quelle issue pour le gouvernement ?

 

Le Conseil constitutionnel a validé l'essentiel de la loi mais a aussi écarté d'autres points. Pour les établissements secondaires, l'application du protocole sanitaire continuera à se faire en fonction des attestations des parents et des vérifications, hypothétiques, des autorités médicales.

 

On peut le regretter dans un souci d'efficacité immédiate, même si celle-ci est relative puisque la vaccination n'empêche pas de transmettre la maladie. Mais le maintien du secret médical est aussi celui du lien de confiance entre l'Ecole et les parents. Et on peut estimer que la loi vigilance sanitaire aurait eu des effets en retour beaucoup plus graves et durables. Le gouvernement a d'autres moyens pour atteindre les objectifs de protection des élèves. Donner des moyens de ventilation et controle de l'air dans les classes, rendre le vaccin obligatoire par exemple.

 

François Jarraud

 

La décision du Conseil constitutionnel

La loi adoptée définitivement

 

 

 

Par fjarraud , le mercredi 10 novembre 2021.

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