Valérie Piau : Le protocole sanitaire de rentrée est-il illégal ? 

Avocate spécialisée dans les affaires scolaires, Valérie Piau est l'autrice du Guide Piau, le guide des droits des élèves et des parents d'élèves. Elle répond à nos questions sur la légalité du protocole sanitaire de rentrée. Est ce légal d'évincer 7 jours les élèves non vaccinés lorsqu’un cas de Covid-19 sera détecté dans la classe ? Est-ce discriminatoire d’opérer une distinction entre élèves vaccinés et non vaccinés ? Quels recours pour les parents en cas d'éviction de leur enfant non vacciné ? Le secret médical est- il respecté en cas d'attestation de vaccination réclamée aux parents?

 

La légalité du protocole sanitaire se pose pour les élèves de 12-17 ans, au collège et au lycée. En effet, seuls les élèves non vaccinés seront évincés lorsqu’un cas de Covid-19 sera détecté dans la classe. Une distinction sera opérée entre les élèves vaccinés, qui continueront d'aller en cours et les élèves non vaccinés, qui se verront alors confinés pour 7 jours. Le droit à l’éducation des élèves non vaccinés évincés est-il respecté ?

 

Il y a un doute sérieux sur la légalité d'une telle éviction des élèves non vaccinés qui est susceptible de porter atteinte au droit à l'éducation de l'enfant. Le droit à l'éducation est une liberté fondamentale reconnue par le code de l’éducation, la Convention européenne des droits de l’homme et la Convention des droits de l’enfant. L’intérêt supérieur de l’enfant doit être respecté en toutes circonstances.

 

L’instruction est obligatoire pour les enfants de 3 à 16 ans. Aucune garantie n'a été apportée aux parents et aux élèves sur la façon dont sera assurée la continuité pédagogique pour les élèves confinés puisque les professeurs continueront à faire cours à leurs camarades en présentiel.

 

Le service public doit veiller à l’inclusion de tous les enfants sans aucune distinction article L 111–1 du code de l’éducation. Le défenseur des droits rappelle le droit fondamental à l’éducation garantissant une école pour tous et vise notamment à la mise en oeuvre effective sur la base du principe de non-discrimination contenu dans la Convention internationale des droits de l’enfant.

 

J'y vois une violation des articles L 111-1 et suivants du code de l’éducation. Il dit que " Le service public de l'éducation... veille à la scolarisation inclusive de tous les enfants, sans aucune distinction... Le droit à l'éducation est garanti à chacun". Le titulaire du droit l’éducation est d’abord l’enfant qui « a droit à une formation scolaire qui, complétant l’action de sa famille » concourt à son éducation » selon l’article L 111–2 du code de l’éducation.

 

Il y a t-il violation de la convention européenne des droits de l’homme ? La convention européenne des droits de l’homme stipule que : « nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction ». La cour européenne des droits de l’homme considère le droit à l’instruction comme un droit fondamental auquel un État ne peut se soustraire.

 

Il y a t-il violation de la convention européenne des Convention des droits de l’enfant ? Elle reconnaît « le droit de l’enfant à l’éducation » qui a pour objectif de l’épanouissement de sa personnalité et du développement de ses aptitudes. Ce texte considère l’enfant comme une personne ayant des droits propres opposables notamment à ses parents.

 

D'autre part, l’instruction des enfants de 3 à 16 ans est obligatoire et l'absentéisme scolaire est puni par la loi .L'obligation scolaire impose aux parents. De son côté, l'Education Nationale a l'obligation d'assurer le droit à l'éducation de tous les enfants soumis à l'obligation scolaire. Sept jours de scolarité en moins pourraient être considérés comme une violation du droit à l’éducation. Rappelons que les personnes responsables d’un élève risquent une mise en demeure du rectorat dès quatre demi-journées d’absence non justifiée de l’enfant dans le mois.

 

Quid des attestations demandées aux parents vis-à-vis du secret médical et du RGPD ?

 

Le Ministre de l'Education Nationale Jean-Michel Blanquer a précisé que les élèves vaccinés pourront continuer à se rendre à l’école sur la base d’une attestation des parents. Ces attestations seront-elles enregistrées dans un listing répertoriant le statut vaccinal des élèves dans les établissements scolaires ? Si tel était le cas, se poserait le problème de la légalité de la collecte des données personnelles de santé qui doit respecter des règles très strictes, comme le rappelle la CNIL. Et surtout se pose le problème du secret médical. Or le secret médical ne concerne pas que les professeurs mais également les élèves.

 

Que risqueraient des parents fournissant une attestation alors que leur enfant n’est pas vacciné ? D’une façon générale, fournir un faux document à une administration est considéré comme une infraction pénale, avec un risque d’amende.

 

Quels recours pour les parents ?

 

Les parents dont les enfants non vaccinés seraient évincés de leur établissement scolaire sont susceptibles d'engager des recours. Le juge tranchera alors la légalité d'une telle situation par rapport au droit à l'éducation de l'enfant. Le juge compétent pour contester les décisions portantes atteintes un service public de l’éducation est le juge administratif pour les écoles publiques. Les parents pourront agir avec une procédure d’urgence en référé en cas de doute sérieux sur la légalité ou d’atteinte à une liberté fondamentale et ceux afin de demander la réintégration de l’élève évincé de façon discriminatoire en raison de son statut vaccinal. Le conseil d’État juge que « l’intérêt de l’enfant (reconnu par la Convention des droits de l’enfant) doit être une considération primordiale » dans toutes les décisions les concernant qu’elle ait pour objet de régler sa situation personnelle ou de l’affecter de manière suffisamment directe et certaine.

 

Le recours des parents, pour atteinte au droit d’éducation se fondera notamment sur l’éventuelle discrimination à l'égard des enfants non vaccinés contre la Covid-19, " évincés", privés de leur droit à l'éducation.

 

Rappelons que 11 vaccins sont aujourd'hui obligatoires pour qu'un enfant puisse entrer en collectivité. En revanche, légalement la vaccination des enfants contre la Covid-19 reste facultative à ce jour.

 

Une telle éviction des seuls élèves non vaccinés alors que la vaccination est facultative et dépend des convictions de chaque parent, ou de l’état de santé particulier de l’enfant ou de son âge, au détriment de leur scolarité pourrait être considérée comme contraire à la Convention des droits de l’enfant, selon laquelle l’intérêt supérieur de l’enfant doit prévaloir en toutes circonstances. La jurisprudence considère que l’intérêt supérieur de l’enfant reconnu par la Convention des droits de l’enfant peut être invoqué à l’appui des recours.

 

Par ailleurs, la jurisprudence condamne l’État en cas de non remplacement des professeurs absents ou de fermeture pour un temps trop important pour organiser les examens ou en cas de travaux. La médiatrice de l’Education Nationale a déjà rappelé par le passé que le principe de continuité éducative est l’essence même du service public. Les élèves et parents ont droit à un fonctionnement régulier et non interrompu de ce service public. En matière de professeurs non remplacés ou de fermeture d’un établissement pour travaux ou pendant une durée excessive pour la préparation des examens, le conseil d’État a jugé que le manquement à cette obligation légale qui a pour effet de priver pendant une durée appréciable un élève d’ heures d’enseignement dont il aurait dû bénéficier est constitutif d’une faute de nature engager la responsabilité de l’État en raison de la violation du droit à l’éducation, de la continuité du service public et l’égalité devant ce service. Sans compter les recours mettant en cause la violation du secret médical et la collecte de données personnelles au regard du RGPD en raison du recueil des attestations et/ou des listings établis entre les vaccinés et les non vaccinés. Aucune jurisprudence n’a été rendue à ce jour dans un tel cas qui ne s’est encore jamais présenté. C’est donc le juge administratif qui se prononcera sur la légalité de l’éviction des élèves non vaccinés.

 

Quid de la légalité du droit personnel des mineurs de plus de 16 ans de décider seuls de leur vaccination et de la vaccination de l’enfant de plus de 12 ans par décision d’un seul des deux parents ?

 

L’article 1er de la loi du 5 aout 2021 prévoit que lorsque le Premier ministre prend les mesures précitées, seule l’autorisation de l’un ou l’autre des titulaires de l’autorité parentale est requise pour la réalisation d’un dépistage ou l’injection du vaccin contre la covid-19, sans préjudice de l’appréciation des éventuelles contre-indications médicales. La légalité de ce texte pose question par rapport au principe de l’autorité parentale et risque de donner lieu à des recours devant le juge aux affaires familiales en cas de désaccord d’un des parents Le droit personnel à la vaccination du mineur de 16 ans.

 

Le même article 1er de la loi du 5 août 2021 prévoit que par dérogation à l’article 371-1 du code civil, la vaccination contre la covid-19 peut être pratiquée, à sa demande, sur le mineur de plus de seize ans. Ainsi, un mineur de plus de 16 ans ne peut décider seul d’un piercing ou d’un tatouage mais pourra se faire vacciner sans autorisation de ses parents. Et cela alors même que le consentement parental est exigé pour toutes les vaccinations obligatoires ou non à l’exception du COVID.

 

Propos recueillis par François Jarraud

 

Sur le Guide Piau

Cabinet Piau

 

 

 

Par fjarraud , le jeudi 02 septembre 2021.

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