Un Guide pour les droits des élèves  

Les profs vont-ils détester ce livre ? Le petit livre vert de l'avocate Valérie Piau fait connaitre les droits des élèves. Pire il invite très concrètement les parents à les défendre et les aide de façon très concrète à le faire. Tout ce qui se passe dans l'établissement et dans la classe est éclairé au regard du droit et le Guide distribue généreusement les modèles de courrier à envoyer à l'enseignant, au chef d'établissement  voire au recteur.  Rendre ainsi l'action des parents redoutablement plus efficace est-ce aller contre l'intérêt des enseignants et de l'Ecole ? Valérie Piau s'en défend.

 

 Il va falloir vous y faire. Ce petit livre vert, ses modèles de courrier , vous allez forcément les croiser. En 300 pages, le Guide Piau Les droits des élèves et des parents d'élèves fait le tour des malheurs de l'école, de la maternelle au lycée. Que faire en cas de refus de scolarisation ou de sanction en maternelle  ? Que faire face aux devoirs à la maison à l'école élémentaire ? Comment agir si votre enfant est victime de harcèlement ou de cyber harcèlement ? Quelles démarches faire pour que l'état des toilettes scolaires s'améliore ? Comment obtenir le remplacement d'un enseignant ? Comment contester une décision d'orientation ? Que faire quand le portable d'un élève est confisqué ? Tout y passe. Sur chaque point, et il y ne a encore des dizaines, le guide rappelle le droit et conseille les démarches à faire. Elles sont graduées de 1 à 3, de l'intervention simple auprès de l'enseignant à la mise en demeure auprès du recteur.

 

Spécialisée dans le droit des familles, Valérie Piau connait la réglementation de l'éducation nationale sur le bout des doigts. Mieux elle sait la rendre lisible par tous.  Son expertise éclaire les problèmes du quotidien et débrouille les affaires difficiles. Si son livre est utile aux parents, il apprendra aussi beaucoup aux enseignants en leur rappelant les règles du droit. Et en anticipant sur les démarches éventuelles des parents. Sa lecture est vivement conseillée.

 

Valérie Piau, Le guide Piau. Les droits des élèves et des parents d'élèves. L'étudiant. ISBN 978-2-8176-0437-4

 

 

Valérie Piau : " Je ne travaille pas contre l'Education nationale. Bien au contraire"

 

Pourquoi cette nouvelle édition quatre ans après un premier livre ? La situation des droits des élèves s'est dégradée ?

 

 Non globalement il y a une certaine stabilité. Mais c'est vraiment un champ d'activité très motivant pour une avocate. Je dénoue beaucoup de conflits. J'ai beaucoup de retours de parents et ça me fait chaud au coeur. Cela veut dire que ce livre est utile à des parents qui sont souvent en grand déficit d'information. L'expérience de la première édition a permis de faire un Guide plus pratique avec un plan par niveau, de l'école au lycée. Cela aide les familles à s'y retrouver.

 

J'interviens fréquemment dans des cas de harcèlement d'élève. Mais aussi dans des cas de dysfonctionnement grave de l’Éducation nationale. Je pense à des cas où il y a un fort risque de décrochage par exemple après une exclusion par un conseil de discipline ou une orientation sanction. Je vois par exemple des orientations en lycée professionnel à l'issue d'une seconde générale et technologique, ce qui est interdit sans l'accord des parents. Dans ces cas-là, il y a un fort risque de déscolarisation, ne serait-ce que parce que les places en lycée professionnel sont rares. Souvent on dit aux parents que passé 16 ans il n'y a plus d'obligation scolaire et que trouver une place n'est plus le problème de l'éducation nationale. Ce n'est pas vrai. Je vois aussi des cas d'exclusion disciplinaire sans proposition de rescolarisation. Voilà des cas où les interventions présentées dans le livre sont utiles.

 

L'ouvrage traite des vrais problèmes de l'école : les remplacements non faits, l'orientation, les toilettes en triste état. Avez-vous une idée des sujets les plus fréquents ?

 

J'ai construit le livre par rapport aux questions que me posent les parents. Les quatre sujets qui reviennent le plus fréquemment c'est l'orientation, les sanctions disciplinaires, la scolarisation des enfants handicapés et les cas de harcèlement non traités.

 

Les cas de harcèlement sont significatifs. Souvent les parents prennent rendez-vous avec l'établissement et il ne se passe rien. L'école dira que ça ne la concerne pas, par exemple en cas de cyberharcèlement parce que cela se passe en dehors de l'établissement Mais les instructions officielles disent le contraire. Il y a aussi des cas de brimades, d'humiliations par des personnels de l’Éducation nationale.

 

La plupart des familles ignore qu'il y a un code de l'éducation. Ce qui est terrible c'est que beaucoup craignent des représailles de l'éducation nationale sur leur enfant. Or dans la plupart des cas, une simple lettre, sur les modèles donnés par le Guide, suffit à régler une situation difficile. Le passage par l'écrit reste quand même souvent nécessaire.

 

La question des toilettes par exemple est récurrente à l'éducation nationale. Une intervention juridique peut-elle changer les choses ?

 

C'est très exaspérant ce qu'on voit. Des toilettes sans papier, sans savon. Cela a des conséquences sur la santé des enfants comme le montrent plusieurs études. On arrive à débloquer cette situation en mettant l’Éducation nationale devant ses responsabilités avec la menace d'un contentieux s'il n'y a pas de changement. Il faut écrire au conseil d'administration de l'établissement.

 

Un autre sujet important dans l'éducation nationale ce sont les remplacements d'enseignants non faits. Cela concerne des volumes très importants d'heures non faites parce qu'il n'y a pas assez de remplaçants . Comment la voie juridique peut-elle changer cette réalité ?

 

C'est un cas assez facile car l’État est systématiquement condamné en cas de remplacement non effectué. Souvent les parents discutent avec le chef d'établissement, se plaignent et rien ne se passe. Une lettre au recteur, sur le modèle là aussi donné par le livre, le met devant ses obligations. Comme il connait la jurisprudence, il va s'arranger et déplacer un enseignant pour trouver une solution. Ce sont des cas où souvent le chef d'établissement me remercie d'avoir obtenu ce que lui n'a pas réussi à avoir. Ce genre d'action conforte l'action du chef d'établissement.

 

De nombreux enseignants pensent que ce genre de livre et les actions juridiques dans les établissements se font contre eux. Que leur répondez-vous ?

 

C'est l'inverse. Je suis persuadée que le fait que les gens aient connaissance de leurs droits renforce la position des enseignants. Car le fait de suivre les règles renforce l'autorité. Cela donne du crédit aux enseignants et au chef d'établissement. Eric Debarbieux explique très bien dans un de ses rapports que le fait que l'établissement n'applique pas la loi développe le sentiment d'injustice et dégrade le climat scolaire avec les conséquences que l'on connait.

 

Je ne travaille pas contre l’Éducation nationale. Bien au contraire elle a intérêt à ce que les parents soient mieux informés. Plus les gens sont défendus, plus on met fin à des pratiques illégales avec des conséquences graves. Plus on moralise les pratiques de l'éducation nationale. Mieux c'est pour elle. Il est bon que les élèves voient que l'institution scolaire respecte ses lois comme eux doivent respecter le règlement intérieur. Dans le cas contraire cela va être difficile d'être crédible pour obtenir d'eux le respect du règlement. Quand vous êtes carré, les parents peuvent toujours parler ils n'auront pas raison.

 

Je vais prendre l'exemple des conseils de disciplines. Je ne suis pas pour l'enfant roi. Le livre souligne d'ailleurs aussi les obligations des élèves. Mais je suis souvent choquée de la façon dont on traite les parents. Il y a eu un empilement de circulaires ces dernières années sur les sanctions disciplinaires. Elles redisent régulièrement la même chose sans que beaucoup de choses ne changent. Dans les conseils de discipline on est souvent face à la préhistoire du droit. Quand la famille prend un avocat ça oblige l'établissement à entrer dans le droit. En veillant à l'application de la loi, ce qui est mon métier, cela renforce en fait la décision du conseil de discipline. Dans ce cas le droit est un outil de pacification.

 

Propos recueillis par François Jarraud

 

Première édition

 

Par fjarraud , le mardi 31 mars 2015.

Commentaires

  • amalric, le 31/03/2015 à 08:15
    Je suis enseignant et j'approuve ce genre de bouquin qui donne les grandes lignes et le cadre de la loi pour tous : professionnels et usagers de l'éducation nationale.
     Dans mon bahut, les toilettes sont souvent fermées en raison de fréquentes dégradations et les gamins sont bien évidemment pénalisés par cette absence de confort évident nuisible à l'attention. Si un ^parent pouvait utiliser ce livre pour débloquer les choses (sic).

    Sans compter que l'administration est toujours très habile pour enfumer les professeurs pour les priver de leurs droits : une collègue a reçu un coup de pied au visage et on a du batailler pour obtenir un conseil de discipline alors que le droit stipule qu''il est obligatoire en cas de violence physique. Un peu de droit et de rappel à la loi va obliger des professionnels à se bouger le popotin au lieu de fermer les yeux au nom du sacrosaint pas de vague/je pense à ma carrière voyez-vous...

     Quant à moi, lorsqu'un élève dépasse les bornes, je demande à ma hiérarchie d'agir (quand elle daigne lire les messages et réagir rapidement) et je contacte l'autonome. Je me défends aussi en tant que citoyen sans tout attendre de mes "supérieurs". Lorsque j'ai déposé une main courante au commissariat contre un élève qui menaçait de s'en prendre aux miens, une heure plus tard le principal convoquait un conseil de discipline alors qu'il jouait la montre (la CPE m'avait affirmé que ces menaces étaient de l'humour....que je n'avais pas compris bien évidemment). Faut secouer le cocotier pour que ça tombe...
    • Viviane Micaud, le 31/03/2015 à 08:44
      Vous avez parfaitement situé le problème. Soit le chef d'établissement souhaite un bon climat scolaire, et travaille avec l'équipe pédagogique et surtout les enseignants qui sont en première ligne, pour traiter de manière adaptée les incivilités et les autres entorses aux règlements. Soit le chef d'établissement est engagé dans une politique "pas de vagues" pour complaire à sa hiérarchie, et les problèmes sont niés et le climat se détériore.

      J'ai vu des cas où les parents sont venus avec un avocat en conseil de discipline devant une équipe pédagogique complètement démunie. Je m'étais dit que la judiciarisation allait trop loin. Cependant vous avez raison, il faut clarifier le Droit pour tous, le faire évoluer pour une efficacité globale : permettre à tous de vivre dans un bon climat scolaire. En donnant les outils aux parents pour "piéger le système", on oblige le système à arrêter de faire l'autruche et à se poser les bonnes questions avec pragmatisme.

      Cela demande du pragmatisme pour donner les moyens à l'enseignant de gérer sa classe. L'interdiction des punitions collectives pendant un temps avait été délétère pour les enfants eux-même. Tout comme les injonctions pour garder les perturbateurs dans les classes quelles que soient leurs transgressions.
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