Enseignants : La précarité progresse en Europe 

La crise du recrutement des enseignants n'est pas une spécialité française. Une récente publication de la Commission européenne montre que 35 systèmes éducatifs européens sont en manque d'enseignants. Cette situation n'explique pourtant qu'en partie les progrès de la précarisation du métier enseignant sur le continent. Il en va aussi des choix politiques.

 

Fonctionnaires ou pas ?

 

 "Teachers in Europe", une publication de la Commission européenne, fait un point régulier sur la profession enseignante en Europe. Il faut d'abord dire que les enseignants ont des statuts très différents en Europe. Dans 16 pays les professeurs sont des fonctionnaires. C'ets le cas par exemple en France, en Allemagne, en Finlande ou en Espagne. Dans un nombre équivalent ce sont des salariés sous contrat privé. C'est le cas au Royaume Uni, en Suède ou aux Pays Bas. Dans les autres pays ce sont des employés publics non fonctionnaires comme en Italie , en Pologne ou en Autriche. La privatisation du métier est donc déjà bien avancée. Mais elle ne s'accompagne pas forcément, on va le voir, de la précarisation.

 

Un manque général d'enseignants

 

Car si les systèmes éducatifs européens sont fort divers (rappelons que certains pays en comptent 3 ou 4), presque tous sont marqués par la montée de la précarité chez les enseignants et par un manque criant de professeurs.

 

Ainsi seulement trois pays (Turquie, Angleterre et Chypre) ont un excédent d'enseignants. Pour l'Angleterre cet excédent ne résout pas tous les problèmes. L'Angleterre connait aussi un taux de départ des enseignants énorme (près de 10% par an dans le second degré) qui met sous tension le système éducatif et gaspille des ressources en formation. L'Angleterre a donc pris des mesures pour retenir ses enseignants, en augmentant les salaires mais aussi en diminuant les charges administratives des enseignants.

 

Dans 35 pays les enseignants manquent. Pour la Commission européenne, cette situation est à rapprocher de la profonde insatisfaction des enseignants envers leur salaire ainsi qu'à la difficulté du métier :la moitié des enseignants européens souffrent de stress. Les enseignants français sont dans la moyenne.

 

Dans 19 pays le problème commence dès la filière de formation : les étudiants sont trop peu nombreux pour alimenter les postes proposés. C'est le cas aussi en France dans certaines disciplines comme les lettres classiques.

 

Un enseignant sur cinq a un statut précaire

 

Le résultat se lit dans la précarisation du métier enseignant. En Europe un enseignant du niveau collège sur cinq est un contractuel et près de 14% ne disposent que de contrats d'une année. Une situation qui est meilleure en France ou les contractuels représentent 7% de ces enseignants. Ainsi l'Espagne compte 34% d'enseignants contractuels dont 27% avec un contrat d'un an. En Italie c'est 25% (tous d'une année), au Portugal et en Belgique francophone 27%, en Autriche et Norvège 25%.

 

On aurait pourtant tort de croire que ces taux élevés ne relèvent que d'une malédiction pesant sur le métier ou de la nécessité d'avoir un volant de contractuels pour adapter le métier aux évolutions des programmes.

 

Un choix politique récurrent en cas de crise

 

Le développement des contractuels résulte aussi, selon la Commission européenne, de choix politiques. Ainsi en Espagne seulement 10% des postes des enseignants partant en retraite ont été proposés. Du coup il a fallu recruter des contractuels. En Italie c'est là aussi les restrictions budgétaires qui a conduit à recruter des contractuels. Au Portugal la crise économique a aussi été payée par des réductions de postes d'enseignants.

 

C'est justement le contexte actuel qui invite à rappeler cela. La crise actuelle n'est pas que sanitaire. Elle a des conséquences économiques lourdes avec un effondrement sans précédent du PIB. Il est actuellement couvert par un endettement massif. Mais déjà l'OCDE met en garde contre la perspective de faire payer à l'éducation le coût de la crise. Déjà on entend en France l'appel au redressement des dépenses publiques sans augmentation de la pression fiscale, et donc en diminuant les dépenses. C'est la philosophie du plan de relance gouvernemental. Les choix politiques de gestion de la fonction publique vont peser lourd dans les mois à venir .

 

François Jarraud

 

Teachers in Europe

Le plan de relance

L'OCDE inquiète pour les budgets éducation

Recrutement : la crise touche aussi le 1er degré

Capes : Recrutement en baisse en 2021

 

 

Par fjarraud , le vendredi 21 mai 2021.

Commentaires

  • Yann G, le 21/05/2021 à 22:52
    "Si vous trouvez que l'éducation coûte cher, essayez l'ignorance"

    Peu importe qui est à l'origine de cette citation, c'est tellement vrai. Il faudra un jour payer le coût économique, social, culturel et finalement politique de ces choix.
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