Le gouvernement ne confine pas les écoles 

Peut-on réussir le confinement en gardant les écoles ouvertes ? Le gouvernement prend le pari en confinant 16 département sans fermer les structures scolaires. C'est un déni de la situation sanitaire dans les établissements. Mais c'est surtout le refus de prendre en compte les particularités des nouveaux variants qui se transmettent aussi bien aux jeunes qu'aux adultes. enfants. Le gouvernement prend le risque d'un nouvel échec. La situation fait réagir les syndicats pour la protection des personnels et des élèves.

 

Confinement sauf pour l'Ecole

 

"Nous devons désormais aller plus loin". J Castex a présenté le 18 mars le plan gouvernemental de reconfinement dans 16 départements où le taux d'incidence est particulièrement élevé : Ile de France, Hauts de France, Eure, Seine Maritime et Alpes Maritimes. Ces mesures sont prises pour un mois, c'est à dire jusqu'aux vacances de printemps dans les 16 départements.

 

Dans ces 16 départements les commerces autres que de première nécessité sont fermés avec les librairies et les disquaires. Les déplacements interrégionaux sont interdits. Les sorties quotidiennes en journées seront sans limitation de durée dans un rayon de 10 km autour du domicile avec attestation. Dans ces 16 départements comme dans les autres, le couvre feu passera à 19 heures dès le 20 mars.

 

Mais, à la différence du confinement de mars 2020, les écoles, collèges et lycées restent ouverts. Dans ces 16 départements, "les écoles maternelles, les écoles élémentaires, les collèges fonctionneront donc normalement", a dit J Castex. "Pour les lycées qui sont déjà pour plus des deux tiers en demi-jauge, ils basculeront en totalité dans ce fonctionnement". La formule devrait s'appliquer aux établissements sous contrat, aujourd'hui souvent en 100% présentiel. Mais il reste à définir précisément comment se calcule la "demi jauge".

 

Des précisions attendues

 

"L'EPS , sur le temps scolaire, pourra reprendre normalement", a ajouté J Castex, "et les activités sportives extra scolaires en plein air des mineurs seront maintenues". Là aussi il faudra voir ce que veut dire "normalement" : cela inclut-il les activités en intérieur ? C'est peu probable.

 

Dans un tweet, JM Blanquer publié peu de temps après l'intervention de J Castex, a modifié la formule gouvernementale : "les lycées des départements concernés par les nouvelles mesures sanitaires passeront en hybride", dit-il. On sait que le ministre tient à ce que les terminales soient en 100% présentiel. Est ce que signifie ce passage de "demi-jauge" à "hybride" ? Des précisions sont attendues.

 

Une situation alarmante du fait des nouveaux variants

 

Si la décision n'est pas une surprise au vu de la situation sanitaire, on s'attendait à ce que des décisions soient prises en faveur de la protection des élèves et des personnels des écoles et établissements.

 

En effet, le variant britannique domine largement les deux régions confinées, à hauteur de près de 80% pour l'Ile de France. Or ce variant se transmet aux enfants autant qu'aux adultes, il est beaucoup plus contagieux, plus dangereux et plus létal. Il y a 3 mois J Castex disait que la course était engagée entre la vaccination et ces variants et qu'il la gagnerait. A l'évidence elle est perdue. Et ça se voit dans les statistiques.

 

Le taux d'incidence des 0-9 ans en Ile de France augmente beaucoup plus rapidement que celui de la population totale. Il est de 6 pour 100 000 en IDF soit le double de la moyenne nationale et très au dessus du niveau de novembre. Il monte quasi verticalement. Celui des 10-19 ans est de 14, plus du double de la moyenne nationale. Il atteint le niveau de novembre et monte très rapidement. Il est déjà supérieur au taux moyen d'incidence tous âges confondus. La relative immunité du premier covid pour les scolaires n'existe plus. Mais le gouvernement ne veut pas le voir. Il suit les conclusions du rapport ComCor qui dit lui-même qu'il ne prend pas en compte les variants et que ceux ci peuvent changer la donne.

 

Peut-on confiner sans les écoles ?

 

Avec le nouveau variant, on se retrouve dans le cas classique des épidémies de grippe telles qu'elles sont décrites dans le rapport du Haut Conseil de la Santé publique rédigé en 2012. "Les enfants jouent un rôle particulièrement important dans la transmission de la grippe ; ils sont plus réceptifs à l’infection que les adultes, sont responsables de plus de cas secondaires dans les foyers que les adultes, ont un portage viral plus important et prolongé, « maîtrisent » beaucoup moins leurs sécrétions respiratoires, et sont en contact étroit avec les autres enfants à l’école, favorisant ainsi les transmission", écrit le HCSP. "L’école constitue une zone d’amplification de la grippe".

 

Pour le HCSP la fermeture des écoles s'impose si l'on veut maitriser l'épidémie mais elle n'est efficace qu'au début de l'épidémie. "Les stratégies reposant sur des mesures (de fermeture) autour des cas identifiées sont intéressantes en début de pandémie pour retarder la diffusion du virus sur le territoire mais deviennent insuffisantes quand cette circulation est avérée", écrit le HCSP. Ce que montre l'étude du HCSP c'est que "l’impact de la fermeture des écoles ne concerne pas que les enfants d’âge scolaire : 66 % des cas évités sont hors du groupe d’âge scolaire (qui représente 20 % de la population)". Fermer les écoles c'est diminuer le risque de propagation dans l'ensemble de la population. Du moins si cette fermeture est bien menée. Et si elles est faite assez tôt, ce qui est peut-être encore le cas pour les nouveaux variants.

 

Immobilisme

 

Or depuis des mois c'est le même discours ministériel sur le maintien des écoles ouvertes. Un discours qui cache l'immobilisme sur le terrain, voire le relâchement. Car rien n'a été fait pour prendre les variants en compte. La vaccination des enseignants est au point mort alors que face aux nouveaux variants des pays ont massivement vacciné les leurs comme les Etats-Unis ou l'Angleterre. Les enseignants sont prioritaires dans d'autres pays (Espagne, Italie..).

 

Rien n'est fait aussi pour l'aération des salles de classe si ce n'est de recommander de garder les fenêtres ouvertes là où c'est possible. Des indicateurs simples comme les controleurs de Co2, pourtant recommandés par l'Education nationale, sont toujours absents. La distanciation sociale n'est plus qu'un souvenir lointain. La limitation du brassage est rendue impossible par les usages de l'Ecole. Dans les lycées les élèves des différentes classes sont mélangés lors des spécialités (la moitié du temps). Dans les écoles les élèves des enseignants absents sont répartis dans les classes des collègues. Partout il reste des moments de brassage sur des temps de récréation, d'accueil ou de départ. Dans les cantines les classes continuent à se mélanger.

 

On pouvait s'attendre à ce que le maintien des structures scolaires ouvertes s'accompagne de mesures pour la vaccination des enseignants, qui vont devenir la profession la plus à même de véhiculer la maladie, la généralisation des demi groupes et la fermeture ou des restrictions pour les cantines, premier foyer d'infection dans les établissements. On pouvait attendre au minimum des campagnes massives de tests. Il n'en est rien. L'éducation nationale reste dans le déni avec la bénédiction gouvernementale.

 

Déni des risques dans les écoles pour la Fsu

 

"Il n'y a pas un mot sur les cantines, c'est hallucinant", nous a dit Benoît Teste, secrétaire général de la FSU. "Lors des repas il y a brassage des élèves et transmission du virus. On a toujours demandé des dispositions pour la cantine". Pour la Fsu le silence du premier ministre sur ce point "est un problème".

 

"On frise le ridicule quand on annonce que la jauge des lycées sera à 50%. C'est à peu près la situation actuelle", poursuit-il."Ce n'est pas une annonce. Et il n'y aura pas égalité entre les lycées car la  mesure ne concerne que 16 départements".

 

"On a le sentiment que l'ecole ne fait pas l'objet de mesures de protection particulières. Le ministre se targue de donner la priorité à l'école mais c'est à peu de frais", estime B Teste. "On va continuer avec un contexte épidémique dangereux et laisser les personnels se débrouiller".

 

Pour B Teste, l'impact du variant britannique "devrait susciter une accélération de la vaccination en général, notamment des personnels des services restés ouverts. Dans les départements confinés, après les soignants, ceux qui sont en face du public devraient être vaccinés".

 

"Il y a un déni des risques pris par les élèves et les professeurs. "La France a maintenu les écoles ouvertes sans véritable protection . Du coup on est un des pays où la reprise de l'épidémie est la plus forte". La FSU rappellera ses droits aux personnels et fera remonter les problèmes de terrain. "On intervient sur le jour de carence prélevé sur les gens qui ont des effets secondaires de la vaccination. Pour rendre le vaccin acceptable c'est hallucinant de faire cela".

 

Priorité à la vaccination pour le Snalc

 

Le Snalc salue la généralisation des demi-effectifs en lycée. " Si le SNALC salue donc que l’on prenne, pour une fois, une décision cohérente, homogène et qui préserve un équilibre entre l'impératif pédagogique et l'impératif sanitaire (en évitant la fermeture complète, mais en arrêtant de faire comme si le virus s'arrêtait à la porte des établissements scolaires), il en note les très grandes insuffisances. Certes, on revient à la raison en EPS mais la situation n'évolue pas d'un iota dans les écoles primaires, ni dans les collèges. Enfin, le SNALC rappelle qu'il demande une priorité de vaccination pour les personnels de l'Éducation nationale volontaires et en contact régulier avec du public (notamment professeurs, CPE, assistants d'éducation, assistants d'élèves en situation de handicap…), comme c'est le cas dans de nombreux autres pays. Il demande que le ministère mette en œuvre une réelle démarche d'anticipation sur l'ensemble du pays et réunisse au plus vite les organisations syndicales représentatives".

 

François Jarraud

 

Rapport du HCSP

Covid :ne pas oublier l'Ecole

Peut on confiner sans les écoles ?

 

 

 

Par fjarraud , le vendredi 19 mars 2021.

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