Rémi Brissiaud : Les performances en calcul hier, aujourd’hui et demain 

 

"L’enseignement renforcé du comptage-numérotage, alors que Jean-Michel Blanquer est aujourd’hui ministre, aura vraisemblablement le même effet que le basculement de 1986 et ses prescriptions de la période 2009-2012 : une future baisse importante des performances en calcul". Rémi Brissiaud revient sur l'étude de la Depp sur les 30 années d'évolution du niveau en maths des élèves de CM2. Il pointe les effets négatifs de l'enseignement du comptage - numérotage, décidé en 1986 puis des conceptions  de S Dehaene et de JM Blanquer pour la période 2007-2017. Il explique ces évolutions dans cet article particulièrement documenté.

 

Depuis 1987 et à intervalles réguliers (tous les 10 ans environ), la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) se livre à une évaluation des performances en calcul des écoliers de fin CM2. Les résultats de la dernière étude, 2017, viennent d’être publiés (1) : après un effondrement initial des performances (1987-1999), puis leur stabilisation (1999-2007), elles sont fortement reparties à la baisse (2007-2017). Nous allons voir qu’il fallait s’y attendre. L’avenir, lui, est plus incertain parce que les enseignants reçoivent aujourd’hui des préconisations contradictoires concernant l’enseignement du comptage-numérotage alors que l’effet délétère de cet enseignement se confirme étude après étude.

 

Avant 1987, la culture pédagogique « classique » de l’école française

 

Commençons par présenter la culture pédagogique « classique » de l’école française concernant l’enseignement du calcul, celle d’avant 1987, date à laquelle les performances des écoliers de fin de CM2 ont commencé à se dégrader.

 

Cette culture s’est trouvée définie dès les années 1880 par Ferdinand Buisson, le Directeur des Écoles du ministre Jules Ferry. Il écrit que comprendre un nombre c’est « pouvoir le comparer avec d’autres, le suivre dans ses transformations, le saisir et le mesurer, le composer et le décomposer à volonté ».

 

Cet éloge de la comparaison et du calcul s’est par la suite accompagné d’un rejet de l’enseignement du comptage-numérotage. En effet les élèves en difficulté avec les nombres sont enfermés dans l’usage de cette forme de comptage : pour eux, une quantité de 8 unités c’est 12345678, 8 (le premier 8 est un numéro, le second désigne la quantité) et ce n’est rien d’autre. Ils ne savent pas que 8 c’est aussi 7+1, 5+3, 4+4, 10–2… (décompositions). Face à une collection de 7 jetons, par exemple, ils ne savent pas qu’il suffit d’en ajouter 1 pour former une collection de 8, ils sont obligés de recompter 12345678, 8.

 

En 1968, les époux Fareng s’expriment ainsi « [le comptage-numérotage] fait acquérir à force de répétitions la liaison entre le nom des nombres, l’écriture du chiffre, la position de ce nombre dans la suite des autres, mais il gêne la représentation du nombre, l’opération mentale, en un mot, il empêche l’enfant de penser, de calculer ». Cette citation est remarquable parce qu’elle souligne que l’enseignement du comptage-numérotage est susceptible de leurrer les enseignants : ils perçoivent une amélioration de certaines compétences, certes, mais celles-ci résultent de l’apprentissage de mécanismes et elles ne conduiront pas nécessairement au calcul.

 

Or, enseigner le comptage de cette manière n’est pas la seule possibilité et divers pédagogues, dont René Brandicourt (1962), préconisaient de l’enseigner en explicitant d’emblée le calcul « +1 répété » qui lui est sous-jacent : « 1 ; plus un, 2 ; plus un, 3 ; plus un, 4 ; plus un, 5… ». Alors que dans un comptage-numérotage chacun des mots prononcés a le statut de numéro (excepté celui qui est répété à la fin), dans cette autre forme de comptage chaque mot prononcé désigne une quantité, celle résultant de l’ajout d’une nouvelle unité. Dans ce cas, on pourrait parler de comptage « cardinal » mais il est préférable de parler de « comptage-dénombrement » parce que comprendre le calcul « +1 répété », c’est comprendre l’« itération de l’unité », la propriété qui fonde le nombre.

 

La psychologie cognitive d’aujourd’hui considère que l’un des principaux symptômes de difficultés graves en mathématiques est l’impossibilité de mémoriser un grand nombre des résultats élémentaires d’additions, jusqu’à 9+9 (De Chambrier, 2018). Or, chez les pédagogues des années 50-60-70, l’enseignement précoce du comptage-numérotage était clairement associé à ce phénomène. C’est ce que souligne Henri Canac (1955), sous-directeur de l’École Normale Supérieur de Saint-Cloud : « Dans de nombreux cours élémentaires, ou même cours moyens, on trouve souvent de grands benêts qui comptent sur leurs doigts (en cachette lorsque M. l'Inspecteur est là) ou qui, sommés de résoudre une simple opération, comme 8 + 5, se récitent intérieurement à eux-mêmes : 8, 9, 10, 11, 12, 13 en évoquant des doigts imaginaires ». Et il qualifie ces élèves de « mal débutés », regrettant qu’on ne leur ait pas appris d’emblée à trouver le résultat de ces additions à l’aide de stratégies de décomposition-recomposition (8+5=8+2+3=10+3, par exemple).

 

Vers 1970, la réforme dite des « mathématiques modernes », influencée par les travaux de Jean Piaget, reste en cohérence avec ce cadre général : certes, tout apprentissage des nombres est banni de l’école maternelle mais, à l’école élémentaire, l’enfant découvre les nombres sous leur forme cardinale et directement à travers leurs décompositions, sans aucun détour par le comptage-numérotage. Cette réforme a un côté radical (apprentissage du calcul très tardif, vers décembre au CP) mais, avec elle, l’école française cessera totalement d’enseigner le comptage-numérotage pendant une quinzaine d’années. Et il est important de remarquer que les écoliers de fin CM2 qui calculaient encore bien en 1987 avaient fréquentée cette école là. C’est une école sous l’influence des travaux de Jean Piaget qui avait permis à ces élèves de devenir performants en calcul.

 

L’effondrement des performances en calcul : 1987-1999

 

Le mot « effondrement » n’est pas trop fort parce que, entre ces deux dates, les performances en calcul des écoliers de fin de CM2 baissent de 66% de l’écart-type initial. Or, dans des enquêtes sociologiques analogues, une année d’apprentissage se traduit par une différence d’environ 50% de l’écart-type initial. Voici une autre référence, permettant une comparaison : le dédoublement des classes de CP s’est traduit par une différence de 18% de cet écart-type. Rappelons qu’en 1987, les élèves de CM2 avaient commencé leurs apprentissages très tardivement, vers décembre au CP. Or, ils avaient plus d’un an d’avance sur ceux de 1999 et, comme nous le verrons, plus d’avance encore sur ceux d’aujourd’hui. Le phénomène est loin d’être banal : un temps d’apprentissage scolaire beaucoup plus court (mais commençant plus tardivement) se traduit par des performances bien supérieures !

 

Certaines causes peuvent être écartées. La période pendant laquelle les performances se dégradent (87-99) n’est pas de celles qui voient les moyens accordés à l’école s’amenuiser : il n’y a pas de fermetures de classes, pas de diminution du nombre de jours de travail par semaine ; la formation initiale et continue est alors la plus longue que l’école française ait jamais connue, etc. On pourrait penser à évoquer le phénomène de ghettoïsation des banlieues : la condition sociale de certains enfants se dégradant pendant cette période, leurs performances en calcul auraient fait de même. Mais la même étude montre que les performances en calcul des enfants de cadres se sont dégradées dans les mêmes proportions que celles des enfants d’ouvriers ou d’employés. On pourrait penser à évoquer des phénomènes généraux tels que le temps de sommeil, le temps passé devant les écrans, etc. Mais la même étude montre encore que les performances en lecture ne se dégradent pas entre 1987 et 1997 (Rocher, 2008)et on comprendrait mal que ces facteurs généraux n’aient dégradé que les performances en calcul et pas les autres. Aucun de ces facteurs n’explique donc l’effondrement.

 

Reste un facteur d’ordre pédagogique : la baisse constatée suit très exactement le moment (Ministère de l’Éducation Nationale, 1986) où le ministère se met à recommander l’enseignement du comptage-numérotage, à rebours de ce que tous les pédagogues français préconisaient auparavant. Il est essentiel de remarquer que les pédagogues qui sont à l’origine du basculement de 1986 s’appuyaient sur des travaux de psychologie cognitive, ceux de Rochel Gelman (Gelman & Gallistel, 1978). Pour un pays, rompre avec sa culture pédagogique peut se révéler avoir des conséquences délétères, même lorsque cela se fait au nom de « la science ».

 

Que se passe-t-il après la baisse brutale entre 1987 et 1999 ? La même étude de la DEPP montre que la tendance à la baisse persiste entre 1999 et 2007, mais celle-ci est moindre, non significative d’un point de vue statistique. Cela va se gâter dans la décennie qui suit parce que les recommandations ministérielles vont devenir plus prescriptives tout en restant prisonnières de la fausse évidence d’un enseignement nécessaire du comptage-numérotage.

 

2009-2012 : l’enseignement du comptage-numérotage est renforcé

 

Cette période est celle où Jean-Michel Blanquer est le patron de la Direction Générale de l’Enseignement SCOlaire (DEGESCO), c’est-à-dire le n°2 du ministère de l’Éducation Nationale. Comme aujourd’hui, les travaux en psychologie cognitive de Stanislas Dehaene sont dès lors mis en avant par le ministère. Or, la thèse de ce chercheur en neurosciences est très proche de celle de Rochel Gelman : pour lui, les compétences innées ont un rôle majeur (il existerait une « bosse des maths ») et il suffirait d’enseigner le comptage-numérotage aux élèves de maternelle pour qu’ils progressent. 

 

Il vaut la peine de relire aujourd’hui l’évaluation que le ministère a proposée en 2010 pour la GS de maternelle : quand un enfant échouait à dire combien il y a d’étoiles dans une collection de 15 étoiles dessinées, l’enseignant devait s’assurer que l’enfant connaissait bien la comptine numérique, qu’il savait mettre en correspondance 1 à 1 chaque mot avec une unité (c’est-à-dire numéroter les unités) et, enfin, qu’il savait que le dernier mot prononcé désigne la quantité. Ce qui précède constitue une liste presque exhaustive des « principes » du comptage-numérotage tels que Rochel Gelman les a explicités. Jusqu’en 2015, date de nouveaux programmes, le ministère recommandait de traiter la difficulté scolaire en enseignant le comptage-numérotage toujours plus loin (jusqu’à 30) et de plus en plus tôt (dès la Petite Section). Les élèves, évidemment, faisaient des progrès… en comptage-numérotage !

 

C’est ainsi qu’en septembre 2013, la DEPP a publié une note intitulée : « Forte augmentation du niveau des acquis des élèves à l’entrée au CP entre 1997 et 2011 ». Comme c’était la première bonne nouvelle depuis longtemps, la presse nationale a largement relayé l’information. L’école française commençait enfin à redresser la barre ! Or, l’examen des épreuves utilisées montrait clairement qu’elles évaluaient presque exclusivement le résultat d’un entrainement au comptage-numérotage. Une seule parmi les tâches proposées ne relevait pas de cet entrainement et il s’agissait d’un QCM qui n’était pas mieux réussi que si les enfants avaient répondu au hasard. Bref, les élèves avaient assurément progressé en comptage-numérotage, mais qu’en était-il de leur compréhension des nombres ? Les époux Fareng nous avaient mis en garde !

 

Seules notes discordantes au milieu de l’engouement général pour cette hausse tant attendue, deux textes (2) mis en ligne sur le Café Pédagogique, tous deux évoquant de « faux bons résultats ». Le premier se concluait ainsi : « La récente étude de la DEPP, lorsqu’on en interprète les résultats avec une culture pédagogique minimum, est loin d’apparaitre comme nécessairement porteuse d’une bonne nouvelle : les progrès à court terme qu’elle révèle ne sont peut-être que les signes annonciateurs d’une nouvelle dégradation des performances en calcul des élèves en fin d’école primaire. »

 

L’épreuve de vérité est survenue six mois plus tard, en mai 2014, avec la publication d’une nouvelle étude de la DEPP dont le titre complet est « L’évolution des acquis des élèves en début de CE2 entre 1999 et 2013 : les progrès observés à l’entrée au CP ne sont pas confirmés ». Dans cette étude, les résultats des élèves à l’entrée du CE2 apparaissent globalement stables. L’analyse épreuve par épreuve montre cependant que, dès qu’une tâche sollicite l’usage de décompositions des nombres, c’est-à-dire l’usage de « vrais nombres », les résultats sont en régression.

 

2007-2017 : les performances sont reparties à la baisse

 

L’étude de la DEPP qui vient d’être publiée, montre qu’en 2017 les performances en calcul en fin de CM2 ont encore baissé, de façon importante et significative cette fois. On n’avait donc pas touché le fond avec la baisse de la période 1987-1999 et, contrairement à ce que pouvait laisser espérer la comparaison 1999-2007, la chute n’a pas été enrayée.

 

Il est particulièrement intéressant de s’interroger sur le parcours des élèves qui viennent d’être évalués parce qu’ils étaient en fin de CM2 en 2017. Ils sont donc entrés dans cette classe à la rentrée scolaire 2016, ils sont entrés au CE2 deux ans plus tôt en 2014 et au CP en 2012. À un an près (entrée au CP en 2011), il s’agit de la génération d’élèves dont les journalistes ont pensé qu’ils avaient progressé de manière considérable en mathématiques à l’entrée au CP alors qu’ils n’avaient progressé qu’en comptage-numérotage.

 

Si le diagnostic des époux Fareng est fondé (le comptage-numérotage empêche d’apprendre à calculer), les progrès en comptage-numérotage de ces élèves au CP auraient dû être interprétés comme annonciateurs d’une future baisse des performances en calcul. Or, c’est très exactement ce que montre l’étude que la DEPP vient de publier. La thèse avancée par ces pédagogues se trouve une nouvelle fois confortée : l’enseignement renforcé du comptage-numérotage, quand Jean-Michel Blanquer était le directeur général de l’enseignement scolaire, a eu le même effet que le basculement de 1986 : une baisse importante des performances en calcul.

 

Une objection possible est évidemment que les performances en calcul en fin de CM2 ne dépendent pas seulement des pratiques pédagogiques en maternelle et en début de cycle 2 (CP-CE1) parce que certains contenus évalués par la DEPP (les opérations sur les décimaux par exemple) ne sont étudiés qu’au cycle 3. Mais il faut remarquer les taux de réussite moyens pour les additions s’élevaient à 90 % en 1987, à 77 % en 2007 et seulement 69 % en 2017. En fin de CM2, l’addition est une opération dont la technique a été très entrainée et qui, normalement, ne devrait plus poser de problèmes. Sauf qu’elle en pose évidemment aux « grands benêts » dont parlait Henri Canac parce qu’ils n’ont pas un accès direct aux résultats des additions élémentaires et qu’ils sont submergés par la tâche d’enchainer de telles additions tout en gérant le phénomène des retenues. On imagine aisément que dans le cas des autres opérations, ils sont encore plus submergés. 

 

Quelles seront les performances en 2027 ? Un avenir incertain

 

Ces performances dépendent évidemment des pratiques pédagogiques qui se mettent en place actuellement. Or, celles-ci résultent de deux phénomènes récents : 1°) Les programmes de 2015 qui ont constitué une sorte de révolution parce qu’ils préconisent de renouer avec la culture pédagogique « classique » de l’école française en n’enseignant plus le comptage-numérotage et 2°) Le renouveau de l’influence de la théorie de Stanislas Dehaene (et de celle de certains didacticiens des mathématiques !) au sein de la DEGESCO, avec des recommandations explicites d’enseigner le comptage-numérotage.

 

Commençons par ce dernier phénomène et examinons, par exemple, une ressource mise en ligne sur le site eduscol (3) suite à l’évaluation de rentrée au CP. Les éventuelles difficultés qu’un enfant est susceptible de rencontrer dans une tâche de dénombrement sont analysées ainsi :

« • L’élève a des difficultés de pointage avec les doigts ou avec les yeux. Dans ce cas, si on refait un exercice de même nature en manipulant à sa place, en déplaçant ou pointant des objets pour lui, les réponses sont justes.

• L’élève ne comprend pas que le dernier nombre nommé lors du comptage correspond à l’ensemble de la collection. Pour s’en assurer, on peut modifier la position des objets d’une collection comptée et lui demander s’il peut deviner, sans recompter, combien il y a d’objets dans la collection.

• La suite orale des « mots nombres » n’est pas stabilisée (lui demander de compter à haute voix pour s’en assurer).

• L’élève ne sait pas mettre en correspondance un « mot nombre » prononcé et un objet pointé. Il faut lui demander de dénombrer à haute voix pour comprendre où se situe la difficulté. »

 

On se croit revenu à l’évaluation GS de 2010 : une tâche de dénombrement se trouve analysée à travers une liste presque exhaustive des « principes » du comptage-numérotage de Rochel Gelman. On a affaire à une suite de prescriptions techniques permettant, en cas de respect par l’enfant, qu’il numérote correctement les objets ; s’il a compris que le dernier mot prononcé doit être donné comme réponse à l’adulte, son comportement sera celui attendu. Or, l’accès au dénombrement, c’est toute autre chose ! Il n’y a pas de dénombrement sans compréhension du calcul « +1 répété » sous-jacent au comptage. Sur eduscol, à aucun moment il n’est fait allusion à la différence entre comptage-numérotage et comptage-dénombrement et, parmi les activités proposées, un grand nombre sont des activités d’apprentissage du comptage-numérotage.

 

L’enseignement renforcé du comptage-numérotage, alors que Jean-Michel Blanquer est aujourd’hui ministre, aura vraisemblablement le même effet que le basculement de 1986 et ses prescriptions de la période 2009-2012 : une future baisse importante des performances en calcul.

 

Tout se passe comme si les programmes 2015 pour la maternelle et 2017 pour le cycle 2 (très proche de celui de 2015) n’existaient pas. Pourtant, on lit explicitement dans le programme maternelle, toujours d’actualité, que : « Les activités de dénombrement doivent éviter le comptage-numérotage et faire apparaitre, lors de l'énumération de la collection, que chacun des noms de nombres désigne la quantité qui vient d'être formée ». La notion d’itération de l’unité est omniprésente dans le programme maternelle et toujours présente dans celui de cycle 2.

 

Or, rappelons le processus d'élaboration des programmes 2015 pour la maternelle et le cycle 2 (CP-CE2). Le Conseil Supérieur des Programmes d’alors, très différent de celui d’aujourd’hui, a créé des commissions qui ont procédé à de multiples auditions dans toutes les disciplines et ont ensuite organisé des sous-commissions disciplinaires qui ont été chargées de rédiger un projet de programme par discipline. Dans ces différentes commissions et sous-commissions, les débats furent nombreux et réels. Ils faisaient écho à d’autres débats, souvent très vifs, entre chercheurs, formateurs et enseignants, relayés par les médias professionnels, les sites institutionnels, les blogs et les réseaux sociaux. C’est au terme d’un tel processus qu’il fut décidé de renouer avec la culture pédagogique « classique » de l’école française. Il est incompréhensible que la DEGESCO raye un tel processus d’un trait de plume pour engager à nouveau notre école dans des pratiques pédagogiques dont les conséquences délétères se confirment étude après étude.

 

Une question se pose : des pratiques pédagogiques « modernes » permettant d’enseigner le comptage-dénombrement et les décompositions des nombres plutôt que le comptage-numérotage n’existeraient-elles pas ? Si, bien sûr ! On peut prendre comme exemple celles qui ont été mises en ligne par le site du Centre Alain Savary (4) : il s’agit d’activités de résolution de problèmes animées en maternelle par les enseignants en privilégiant systématiquement le comptage-dénombrement. Elles conduisent progressivement les élèves à s’approprier les décompositions des premiers nombres. Même l’appel rituel du matin, une activité que l’on voit très souvent traitée à l’aide d’un comptage-numérotage, est mené de façon à échapper à écueil, en s’appuyant sur les décompositions qui utilisent le repère 5.  

 

Plus généralement, suite aux programmes de 2015, les équipes de circonscription (IEN, conseillers pédagogiques) ont presque systématiquement construit des plans de formation continue qui mettent l’accent sur les conséquences délétères de l’enseignement du comptage-numérotage et proposent des pratiques pédagogiques alternatives. Aujourd’hui, elles sont nombreuses à continuer à le faire quand d’autres diffusent les analyses de la DEGESCO qui, de façon irresponsable, essaient de réhabiliter cet enseignement. L’avenir des performances en calcul des écoliers français se joue en grande partie là.

 

Références numériques

(1)       La note de la DEPP

(2)       Deux textes qui alertaient sur le risque de « faux bons résultats » :

Le premier

Le second

 (3)      Comment utiliser les évaluations au CP pour faire progresser les élèves

 (4)      Premières années de math'ernelle: Ressources pour la formation au cycle 1 mis en ligne par le Centre Alain Savary

 

Bibliographie

Andreu, S., Le Cam, M. & Rocher, T. (2014) évolution des acquis en début de CE2 entre 1999 et 2013 : les progrès entre 1997 et 2011 ne sont pas confirmés.

Brandicourt R (1962). Des principes à la pratique pédagogique. In J. Bandet (Ed) : Les débuts du calcul, 87-108. Paris : Éditions Bourrelier.

Buisson Ferdinand (1882-1887) Dictionnaire de pédagogie, 1ère éd. Paris : Hachette.

Canac, H. (1955) L'initiation au calcul entre 5 et 7 ans. In F. Brachet, H. Canac & E. Delaunay (ed.), L'enfant et le nombre, p.9-27. Paris : Didier.

De Chambrier, A. F. (2018) Les capacités arithmétiques chez les enfants dyscalculiques, A.N.A.E., 156, 596-602.

Dehaene, S. (1997-2010) La bosse des maths – 15 ans après. Paris, Odile Jacob.

Fareng R. & Fareng, M. (1966) Comment faire ? L’apprentissage du calcul avec les enfants de 5 à 7 ans. Paris, Fernand Nathan.

Gelman R. & Gallistel C.R. (1978). The child’s understanding of number. Cambridge : Harvard University Press.

Le Cam,M., Rocher, T. & Verlet, I. (2013) Forte augmentation des acquis des élèves à l’entrée au CP entre 1997 et 2007. Note 13.19 de la DEPP ; septembre 2013.

MEN/DEGESCO (2010) Aide à l’évaluation des acquis des élèves en fin d’école maternelle, mis en ligne sur le site eduscol le 12 mars 2010.

Rocher T. (2008) Lire, écrire, compter : les performances des élèves de CM2 à vingt ans d'intervalle 1987-2007. Note 08.38 de la DEPP ; décembre 2008.

 

 

 

  

Par fjarraud , le mercredi 03 avril 2019.

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