Yves Dutercq : Pourquoi le travail du Cnesco est intéressant 

Alors que le ministre prépare un projet de loi qui supprime le Cnesco, des parlementaires, des chercheurs , des syndicats se sont manifestés pour demander le maintien de cet organe indépendant. Ancien directeur du  CREN et professeur à l’université de Nantes, Yves Dutercq a travaillé à plusieurs reprises avec le Cnesco. Il explique pourquoi le travail d'évaluation du Cnesco est irremplaçable.  

 

Vous avez travaillé sur quels sujets pour le Cnesco ?

 

J’ai suivi dès le début la mise en place du Cnesco qui me paraissait pouvoir assurer une fonction qui manquait terriblement à l’institution scolaire française : un pont entre la sphère de la recherche, celle de la décision politique et celle des pratiques (acteurs de l’éducation, personnels, parents et élèves).

 

J’ai eu la chance d’être assez rapidement associé aux travaux menés alors que j’étais encore directeur du CREN, un gros labo de recherche en éducation de la Région des Pays de la Loire (Universités de Nantes et du Mans). Ce fut en particulier l’occasion de monter l’opération (rapports, conférence internationale, diffusion large des résultats de la recherche internationale) autour de la lutte contre le décrochage scolaire, pilotée côté recherche par mon collègue Pierre-Yves Bernard, mais encore de nous intéresser au bien-être à l’école (Agnès Florin et Philippe Guimard), puis plus récemment et très directement autour de l’éducation à l’orientation, puisque je suis responsable du rapport préparatoire et président du comité d’organisation de la conférence internationale sur ce thème qui aura lieu au CESE les 8-9 novembre 2018.

 

Vous avez souvent travaillé  pour des institutions. Quelles particularités dans un travail pour le Cnesco ?

 

J’ai précédemment et parallèlement eu de nombreuses occasions de travailler avec des institutions et en particulier des directions du Ministère. Chaque fois qu’une institution officielle et proche du politique fait appel à une équipe de recherche, c’est important même si ce peut être délicat à gérer, on le comprendra.

 

La première grosse différence pour ce qui est du Cnesco, c’est ce lien direct qu’il établit à la fois avec la décision (politiques et administratifs nationaux et territoriaux, entrepreneurs, etc.) et avec les acteurs et leurs représentants (fédérations de parents, syndicats de personnels, ONG, etc.) à travers la conférence et sa médiatisation remarquable.

 

La seconde différence, c’est la comparaison internationale prise vraiment au sérieux grâce aux études menées et contributions commandées sur tel ou tel sujet dans de nombreux pays : des chercheurs et des responsables internationaux qui non seulement préparent des synthèses mais contribuent directement lors des conférences, permettant ainsi d’alimenter notre réflexion et de faire des propositions très informées et éprouvées par les échanges avec des acteurs de tout bord, aussi bien des porte-parole de haute responsabilité que des gens de terrain.

 

En quoi les méthodes d'évaluation du Cnesco sont-elles particulièrement intéressantes ?

 

L’évaluation produite par le Cnesco est à la fois qualitative (mais à une grande échelle et rapportée sur des enquêtes quantitatives) et internationale : il ne s’agit pas de produire de nouvelles études, de nouvelles enquêtes, de nouvelles recherches mais de faire une synthèse et une analyse secondaire de celles qui ont été produites au niveau mondial, en particulier sur des politiques ou des dispositifs innovants et en s’attachant toujours à chercher l’impact de ces actions. C’est exactement le travail que nous venons de produire autour de l’éducation et de l’accompagnement à l’orientation, une problématique sur laquelle la France a depuis longtemps du mal à progresser.

 

L'Ecole a t elle besoin d'une évaluation indépendante ?

 

Porter un regard international, aller voir ce qui se passe ailleurs, et avec quelle réussite, envisager les transpositions nécessaires et les éprouver auprès d’un large panel d’experts scientifiques ou pratiques, cela permet au Cnesco et aux chercheurs qu’il sollicite de proposer des pistes de réflexion et des préconisations indispensables à la remise en question et au progrès de notre système de formation.

 

C’est la gestion indépendante du travail du Cnesco qui le permet : le Cnesco ne répond pas à des commandes du Ministère mais identifie des thèmes stratégiques en se dotant du conseil nécessaire et en confiant les études nécessaires à des acteurs très variés. C’est ainsi par exemple que le CESE et France Stratégie ont été associées à la préparation de la prochaine conférence internationale sur l’éducation à l’orientation.

 

Propos recueillis par F Jarraud

 

Comment BLanquer enterre l'évaluation indépendante de l'Ecole

Autonomie des établissements et efficacité

Y Dutercq sur le pilotage par les résultats

 

 

 

 

Par fjarraud , le mardi 16 octobre 2018.

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