Comment répondre au plus près des besoins des lycéens ? Et si ça passait par davantage de démocratie en classe ? Six enseignants du lycée Henri Laurens de Saint Vallier (26) mènent depuis 3 ans une classe coopérative. « Chaque semaine, un conseil de coopération est mis en place sur les heures d’accompagnement personnalisé (AP) et d’éducation morale et civique (EMC) », explique Nicolas Vossier enseignant de physique-chimie. Lors de ce bilan hebdomadaire, les élèves donnent des félicitations, des critiques et lancent des propositions pour la suite. Cette dynamique instaure une véritable vie de classe. « Le conseil permet d’échanger sur les projets en cours et d’organiser des formes d’entraide en lien avec les disciplines ». Décryptage de cette Coop avec Nicolas Vossier qui espère « pérenniser la démarche ».
Comment fonctionne votre classe coopérative au lycée ?
Ce projet en est à sa troisième année. Après un premier test en terminale S il y a deux ans, nous avons expérimenté la mise en œuvre d’une classe COOPérative en seconde l’an dernier. Forts de ces expériences, nous arrivons cette année sur une forme de plus en plus aboutie avec une équipe élargie et motivée. Cette année la classe COOP est de nouveau une classe de seconde générale avec un effectif de 30 élèves. Six professeurs y participent : Séverine Croze, en sciences de vie et de la terre, Sandrine Garin, en espagnol, Manon Guerente, en histoire-géographie, Corinne Neufang, en italien, Nicolas Vossier, enseignant de physique-chimie et Stéphane Wendlinger en mathématiques.
Chaque semaine, un conseil de coopération est mis en place. Il se déroule principalement lors des heures d'accompagnement personnalisé mais aussi sur les heures d'EMC. Le professeur principal et deux autres enseignants de l'équipe se relaient pour encadrer ce conseil. Les élèves choisissent démocratiquement un président, un maître du temps et un secrétaire qui animent le conseil.
Le conseil est un moment ritualisé dans lequel on fait le bilan de la semaine, on donne des félicitations ou des remerciements, parfois des critiques mais surtout on y fait des propositions. C’est le lieu où on règle les petits conflits et les soucis de vie de la classe en cherchant collectivement des solutions.
Il permet aussi, selon un ordre du jour défini à l’avance, d’organiser une partie du travail de la période (planification de certaines activités tutorées, répartition des élèves dans les ateliers) et des projets collectifs. En somme, le conseil est le cœur de la classe COOP.
Quels sont les objectifs fixés par la classe coopérative et quelles sont les fonctions du conseil de coopération?
Le premier objectif est bien évidemment la réussite de nos élèves. Le conseil coopératif fonctionne plus ou moins comme une heure de vie de classe. C’est un moment très ritualisé et régulier où on prend le temps d’échanger avec les élèves, tant sur des problématiques individuelles que collectives. En général, on démine des tas de conflits et on apprend à trouver des solutions de manière collective et démocratique. Petit à petit la classe devient une institution avec ses règles construites collectivement. Mais au fil du temps le conseil change progressivement de fonction : il permet davantage d’échanger sur les projets en cours et d’organiser des formes d’entraide en lien avec les disciplines.
Ce qui se joue progressivement dans le conseil c’est le développement d’une forme d’empathie entre élèves et l'émergence d’un sentiment d’appartenance. Chaque enseignant sait que le climat de classe joue un rôle essentiel pour les apprentissages mais en général ce qu’on appelle souvent “l’ambiance de classe” se construit au fil du temps et des hasards. C’est ce qui change dans une classe coopérative, en travaillant sur différents champs, on construit un climat de classe propice aux apprentissages où chacun peut trouver sa place.
Il y a évidemment bien d’autres objectifs : développer des compétences d’entraide et de tutorat, apprendre à travailler en groupe, à s’écouter, à s’exprimer à l’oral en public, développer des compétences d’analyse, structurer sa pensée, apprendre à apprendre, devenir plus autonome, développer la maîtrise d'outils numériques…
Coté professeur, l'objectif est de créer une dynamique et de développer un collectif de travail. Ce projet est vécu comme une véritable source de satisfaction et de motivation pour les enseignants qui s’inscrivent dans l’accompagnement de cette classe.
La co-intervention est organisée dans des ateliers de remédiation et aux travers de projets interdisciplinaires, ce qui permet de favoriser les échanges. De ce fait nous partageons nos opinions sur les élèves et leurs profils d'apprentissages. Au fil du temps les membres de l’équipe utilisent des méthodes de travail similaires et des outils communs dans les différentes disciplines. Ces échanges nous ont conduit à mutualiser des ressources et à construire une méthodologie plus claire, puisque partagée par plusieurs enseignants.
L’enrichissement autour de la classe COOP est réel et cela profite autant aux élèves qu’aux enseignants.
Qu’appelez-vous « orientation accompagnée » ?
Ce n’est pas très différent dans la classe COOP des autres classes de seconde du lycée. C’est un temps dédié à la construction des parcours d’orientation individualisés. Ce temps intervient à la fin du 1er trimestre et il est encadré par le professeur principal et les professeurs de l’AP qui ont participé aux conseils coopératifs. Un climat de confiance est donc installé entre les élèves et les professeurs.
Au départ, les élèves travaillent sur leur projet d’orientation : réflexion sur leurs compétences, recherches documentaires sur les filières et les métiers, présentation orale de leur recherche pour un échange avec les autres élèves. Tout ceci leur permettra de formuler des vœux d’orientation provisoires pour le conseil de classe du second trimestre. Un minimum de 2 vœux est demandé par élève.
Une fois le conseil de classe passé, le professeur principal rencontre individuellement les élèves ayant des réponses défavorables pour faire un bilan et affiner le projet d’orientation. Ce second travail se fait en partenariat avec la psychologue de l'Education nationale.
Pendant cette orientation accompagnée, des ateliers de remédiation sont proposés aux élèves en fonction de leur projet d'orientation. Ils sont encadrés par leurs professeurs de mathématiques, d'histoire-géographie et d'italien, qui proposent différents axes de travail permettant aux élèves de consolider leurs acquis scientifiques, littéraires ou linguistiques et de les préparer au mieux aux enjeux du cycle terminal.
La présence de plusieurs enseignants sur le même créneau d’AP permet plus de souplesse au professeur principal dans son suivi de l’orientation des élèves. Ainsi, pendant que les autres enseignants se chargent de la remédiation disciplinaire, le professeur principal peut recevoir en entretien les élèves qui ont besoin d’un suivi plus important dans leur orientation.
C’est aussi ça l’esprit coopératif, un accompagnement continu pour assurer une meilleure réussite de nos élèves.
Quel regard avez-vous sur les nouvelles préconisations en seconde ?
En ce qui concerne les tests de positionnement, ici on voit plus cela comme un outil de pilotage des établissements car sur le terrain ces tests existent déjà, sous de multiples formes souvent très bien adaptées aux contextes locaux. Par ailleurs les équipes ont déjà à leur disposition les résultats du DNB (brevet) et des livrets de compétences que remplissent les enseignants de collège. Ces outils permettent assez bien de positionner le niveau des élèves, même si sur le terrain on constate que ses évaluations sont très rarement utilisées en lycée.
Concernant la réforme c’est encore flou, sans les circulaires d’application, aujourd’hui il est difficile de voir dans quelle direction iront les nouvelles préconisations. Sur le terrain, beaucoup de questions très concrètes sur l’organisation restent encore sans réponse. Pour le moment cette réforme reste assez vague dans sa mise en œuvre. Elle est souvent vécue comme une source d’anxiété tant pour les équipes de direction que chez enseignants.
On peut néanmoins espérer que la part de choix qui est laissée aux équipes pédagogiques sur les sujets d’examen va renforcer le travail d’équipe et susciter le développement de collectifs de travail à une échelle locale. Mais il est certain que cela sera très différent d’un établissement à l’autre.
Ce que nous espérons, c’est que cette réforme nous permettra encore d’avoir suffisamment d’heures pour animer et faire vivre des classes coopératives. Au lycée Henri Laurens, nous avons la chance d’être accompagnés et suivis par notre direction et le Cardie de notre académie mais chaque année l’existence de ce projet est remise en question.
Comment les lycéens vivent-ils ces changements ?
Ne pas savoir ce qui les attend précisément l'année prochaine peut être source d'inquiétude pour les lycéens. C'est notre rôle de les rassurer en nous focalisant sur les apprentissages et le travail, plutôt que de faire des hypothèses sur les futures modalités d'évaluation du baccalauréat qui nous sont encore inconnues.
Nous espérons surtout que cette réforme pourra nous donner les moyens de pérenniser notre démarche coopérative au sein de l’établissement, afin de pouvoir instaurer un suivi pluriannuel de nos outils pédagogiques, didactiques et d'orientation, pour mieux en cerner les bénéfices. Ainsi, nous pourrions accompagner les élèves sur un même schéma tout au long de leur scolarité, ce qui permettrait de minimiser leurs préoccupations quant aux changements à venir.
Propos recueillis par Julien Cabioch
Fonctionnement de la classe COOP
Exemple de projet classe COOP 2017-2018
Dans le Café :
Laurent Reynaud : Une classe coopérative au lycée
La coopération entre élèves c'est efficace ?
S Connac : Un mémento pour un apprentissage par la coopération