Entretien exclusif : Marie Aleth Grard : On ne peut plus discuter au CSP 

Marie-Aleth Grard n'était pas venue par hasard au Conseil supérieur des programmes (CSP). Auteure d'un rapport remarqué sur l'Ecole et la grande pauvreté, elle portait l'espoir d'une école ouverte à tous, et en premier lieu aux plus démunis. Sa démission du CSP, la troisième en un an, marque plus que le changement de cap du Conseil supérieur des programmes. C'est aussi l'enterrement d'un espoir. Marie Aleth Grard s'en explique auprès des lecteurs du Café pédagogique.

 

Quel a été l'élément déclencheur de votre démission du CSP ?

 

Je continue à faire chaque semaine des conférences avec des enseignants sur la relation entre grande pauvreté et école. Et on me présente comme membre du CSP. Or je ne suis plus en accord avec la présidente du CSP et beaucoup de ses membres. Je ne peux plus vivre cette contradiction.

 

Sur quoi porte votre désaccord ?

 

Sur le fait qu'on ne peut plus discuter au CSP. C'est devenu un lieu où on enregistre les textes proposés mais où il est impossible d'avoir des discussions. Nous étions un lieu où on écoutait la parole des autres. Ce n'est plus le cas. Je préfère arrêter.

 

Vous vous sentez isolée ?

 

J'ai voulu réagir à une intervention sur les "premiers de cordée" tenue par un parlementaire membre du CSP. La formule fait référence à un discours d'E. Macron. Elle désigne ceux qui réussissent bien dans la vie.

 

Un député s'inquiétait que les autres élèves ne freinent pas les premiers de cordée. Or pour moi c'est justement faire sa scolarité ensemble , réfléchir ensemble, qui va faire que les excellents élèves continueront à être excellents et que les autres avanceront. Les plus avancés ont aussi besoin des plus faibles pour se former.

 

Je ne pouvais pas laisser dire que las enfants défavorisés n'ont pas leur place à l'Ecole. Mais pour la présidente, la discussion a été immédiatement close. Visiblement on n'est pas là pour débattre.

 

Vous craignez que les intérêts des plus démunis ne soient plus pris en compté ?

 

Clairement oui. Cela se voit déjà dans la façon de s'exprimer au CSP. On n'est pas proche du tout des parents en général, et encore moins des parents pauvres.

 

Or la richesse du CSP était dans ses débats. Je me souviens des discussions sur le programme de maternelle. On s'est entouré de spécialistes et on a aussi consulté les enseignants. On a eu énormément de réponses ! Et on a revu notre copie en fonction d'elles.

 

Vous allez continuer votre action auprès des enseignants ?

 

Depuis la remise de mon rapport en mai 2015, toutes les semaines j'ai des demandes de conférences. Les enseignants veulent m'entendre sur la relation avec les parents. J'en suis heureuse. J'interviens aussi auprès des futurs inspecteurs et chefs d'établissement à l'Esen. Je souhaite continuer à soutenir les équipes qui travaillent pour faire bouger les choses.

 

Propos recueillis par François Jarraud

 

Comment réaliser l'école de la réussite de tous

Sur son rapport

Sur son rapport

En 2016

 

 

 

Par fjarraud , le lundi 01 octobre 2018.

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