Marie-Aleth Grard : Développer l'intelligence humaine 

Un encadrement bienveillant, des élèves des différentes classes sociales qui apprennent ensemble. Des enseignants formés à comprendre tous leurs élèves. Le rapport de Marie Aleth Grard, vice présidente d'ATD Quart Monde, sur l'école et la grande pauvreté mise sur la capacité des hommes à se comprendre et à travailler ensemble. Un sacré défi.

 

Votre rapport dénonce des orientations injustes en Segpa. Qu'avez vous constaté ?

 

On pointe du doigt un lieu où 70% des jeunes sont issus d'un milieu défavorisé au terme d'une orientation faite sur critère social. En fait cette sélection sociale commence dès la maternelle avec des envois en classe d'adaptation CLAD. Une fois qu'on est orienté en CLAD on va directement en SEGPA. On demande que l'orientation en SEGPA soit réévaluée chaque année et qu'on puisse en sortir.

 

Votre rapport s'appuie sur de nombreux comptes rendus de visites d'établissements. Et il en tire des conclusions pédagogiques. Mais ces exemples sont-ils vraiment généralisables ?

 

A l'exception de quelques uns, comme le collège Clisthène, les établissements que nous avons visités ne sont pas des cas spécifiques. Ce sont des écoles ordinaires. Prenez les écoles Bel Air à Torcy ou celle de la rue d'Oran à Paris : ce sont des écoles tout à fait normales. Ce ne sont pas des écoles où enseignent de super militants. On demande à faire essaimer leurs pratiques. Ce ne sont pas des choses énormes . Juste des pratiques qui permettent la réussite de tous les enfants.

 

Le rapport pose comme fondamentale la relation entre les parents et l'école. Pourquoi ?

 

C'est fondamental à plusieurs égards. Les parents les plus défavorisés ont un grand espoir dans l'école et en même temps une grande peur des enseignants. Or un enfant n'arrive pas à apprendre s'il sent un conflit entre ses parents et l'école. De leur coté, les enseignants souvent ne peuvent comprendre ce que vivent leurs élèves des milieux les plus défavorisés. Il est nécessaire qu'ils soient formés à cela.

 

Voilà une préconisation intéressante. Il y a dans le rapport un modèle pédagogique proposé. Mais pourquoi tout d'u coup l'Education nationale changerait-elle ?

 

Je ne préconise pas un modèle pédagogique mais il faut reconnaitre que toutes les pédagogies ne se valent pas. Il faut que l'Education nationale soutienne les enseignants qui cherchent ce qui convient à tous leurs élèves. La pédagogie coopérative ne va pas sauver le monde mais elle marche mieux que d'autres. C'est pareil pour l'évaluation positive.

 

Ce qui peut faire changer l'école c'est si le gouvernement s'y met en accord avec les acteurs de l'école. Quand les IPR, par exemple, ont une gouvernance bienveillante et agissent en soutien des enseignants, les choses peuvent s'améliorer. Quand les enseignants travaillent ensemble ça change aussi les choses. Dans ce rapport je mise sur l'encadrement et le développement de la formation.

 

Aujourd'hui dans les zones défavorisées on manque souvent d'enseignants et les élèves restent sans professeurs ou face à des remplaçants non formés. L apriorité ce n'est pas d'abord demander des moyens ?

 

C'est évidemment déplorable. Mais ce sont des situations qui ne peuvent pas s'améliorer du jour au lendemain.

 

Faire réussir les enfants des familles pauvres n'est ce pas contradictoire avec les intérêts des plus favorisés ?

 

L'école de la réussite de tous formera une élite bien formée au contact des différentes classes sociales de notre pays. Ce seront des personnes qui auront appris à penser avec les autres enfants, une élite ayant une intelligence humaine. C'est un point très important. Il faut que les parents entendent cela. L'enfant qui réussit le mieux aura tout à gagner à apprendre de celui qui a le plus de mal  à apprendre. Il est aussi important que l'enfant qui a des difficultés puisse être soutenu par celui qui n'en a pas. Pour faire un pays il faut que les  classes sociales se connaissent. Regardez ce que le lycée Le Corbusier d'Aubervilliers fait pour le développement de compétences sociales et émotionnelles. Et ils ont 95% de reçus au bac.

 

Propos recueillis par François Jarraud

 

Par fjarraud , le vendredi 15 mai 2015.

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