Pourquoi ils feront grève le 6 février 

Lancé initialement contre la réforme du lycée et les moyens insuffisants dans le second degré par une large intersyndicale (Fsu, Cgt, Sud, FO), le mouvement du 6 février est en train de changer de nature. Les déclarations du premier ministre le 1er février confirment que les pires perspectives professionnelles pour les enseignants sont l'application d'une politique gouvernementale. C'est maintenant une course de vitesse qui est engagée entre la volonté gouvernementale d'aller au bout de ses réformes le plus rapidement possible et des enseignants qui n'ont pas encore forcément perçu l'ampleur des transformations engagées par E. Macron.

 

De la réforme Mathiot...

 

"La réforme du collège continue de poser des difficultés importantes. Elle n’est pas financée à hauteur des besoins, l’évaluation des élèves fait l’objet de prescriptions ineptes et chronophages... Le lycée fait l’objet d’une vente à la découpe. Casse de la voie professionnelle, exclue des discussions sur le bac et mise en concurrence avec l’apprentissage pré-bac, volonté de faire disparaitre l’organisation des voies générales et technologiques. Le rapport Mathiot ouvre la voie à un lycée de la sélection et de l’orientation précoce des jeunes. Le remplacement des séries par des choix complexes de disciplines majeures et mineures, l’organisation des disciplines en semestres aggraveraient les déterminismes sociaux existant au lycée pour les élèves. Pour les personnels, la mise en oeuvre des propositions de ce rapport dégraderait les conditions de travail des personnels, menacerait leurs obligations de services et conduirait à des suppressions de postes massives".

 

Le tract de l'intersyndicale Snes - Cgt - Snuep et Sud appelant à la grève dans le second degré le 6 février aligne des motifs déjà légitimes. Pourtant il date tant les mauvaises nouvelles pour les enseignants se sont multipliées ces derniers jours.

 

A la transformation du métier enseignant...

 

La publication du rapport Mathiot sur la réforme du bac et du lycée a confirmé le fait que celui-ci a surtout pour objectif une transformation radicale du métier enseignant. La réforme Mathiot implique, comme il le reconnait dans le rapport, l'annualisation des services. Tout est fait dans le rapport pour en diminuer l'importance mais l'application du découpage semestriel des enseignements induit obligatoirement ce changement. Or l'annualisation  c'est pour les enseignants une augmentation importante du temps d'enseignement (évaluable à 20% environ) et surtout la réouverture de la boite de Pandore du décret sur les 1657 heures de travail dues à l'Etat. Derrière se profile une réduction massive des postes d'enseignants qui semble bien être l'objectif final de la réforme puisque le gouvernement rappelle son objectif de supprimer 50 000 postes de fonctionnaires d'Etat. Les enseignants en ont un avant gout avec les suppressions de postes dans le second degré et des DHG en berne.

 

La réforme aura aussi comme conséquence une transformation du travail enseignant avec la disparition de la classe au profit de groupes d'élèves renouvelés tous les 6 mois. C'est toute une conception d'un travail enseignant progressif, menant les élèves par étapes de la seconde au niveau bac, qui va disparaitre.

 

A la mise en danger de la démocratisation de l'éducation...

Une autre revendication de l'intersyndicale concerne Parcoursup et l'accès au supérieur. L'intersyndicale appelle les étudiants, les lycéens et même les collégiens, à manifester le 6 février. Leur engagement sera déterminant pour l'avenir du mouvement.

 

Le Snes appelle déjà les enseignants à n epas participer à la procédure de sélection qui se met en place. "Les attendus et les chiffres proposés sur Parcoursup sont dissuasifs, voire intimidants, en particulier pour les jeunes de classes populaires et leur famille, plus sensibles aux risques objectifs de la poursuite d’étude", estime le Snes qui relève par exemple la baisse des capacités d'accueil en 2018 en droit (Paris 1 : 640 places cette année, 690 l’an dernier) ou en médecine (en Ile de France : 2900 places de moins que l’an dernier, presque 25%). "Les attendus locaux posent des exigences élevées voire extravagantes, qui ne semblent avoir été conçues par certaines universités que pour leur permettre de faire leur marché parmi les bacheliers", estime le syndicat. Le Snes " appelle les enseignants à ne pas barrer la route aux élèves, à porter en conseil de classe des avis favorables sur toutes les formations anciennement non sélectives". Il invite aussi les professeurs principaux à ne pas renseigner le pavé « éléments d’appréciation » de la fiche Avenir.

 

Autre élément de mécontentement des enseignants, la politique salariale décidée par le gouvernement. Au 1er janvier les enseignants ont vu leur feuille de salaire fondre en net, alors que celle des salariés du privé augmente. Le gel du point Fonction publique, le "report" des effets financiers du PPCR, vont se traduire par une perte de pouvoir d'achat sensible tout au long de l'année. Une perte qui ne frappera que les seuls fonctionnaires.

 

Et du statut des fonctionnaires

 

Tous ces éléments auraient suffi à justifier la journée du 6 février. Mais les déclarations du premier ministre le 1er février apportent des inquiétudes nouvelles. Depuis quelques semaines, JM Blanquer annonçait sa volonté de payer les enseignants au mérite et d'accorder aux chefs d'établissement le pouvoir de recruter et d'affecter les enseignants. On sait depuis le 1er février que c'est simplement la déclinaison dans l'Education nationale d'une réforme du statut des fonctionnaires. E Philippe, le 1er février , a annoncé qu'il va lancer le chantier de la "rémunération plus individualisée". "Une part de la rémunération (de l'agent) doit être liée au mérite et à l’atteinte des résultats individuels et collectifs",a-t-il déclaré. C'est l'idée de la paye au mérite.

 

Il veut aussi donner plus de pouvoirs aux chefs d'établissement. "Il s'agit de donner " plus de liberté et plus de responsabilité pour les managers publics... Au niveau central comme déconcentré, les managers publics, dont l’implication et la responsabilisation sont déterminantes pour la réussite de la transformation publique, ne disposent pas aujourd’hui des leviers nécessaires à l’exercice de leurs missions... En tant qu’employeurs, leur capacité d’initiative et leur marge de manoeuvre apparaissent excessivement contraintes". Le gouvernement veut leur donner notamment "  plus de souplesse dans leurs recrutements".

 

Pour la FSU, ces déclarations "confirment  les inquiétudes". "La FSU demande depuis des mois des discussions et un réel dialogue social. Elle découvre aujourd’hui que, sans qu’il y ait eu de réelles concertations avec les organisations syndicales, des décisions seraient déjà prises comme l’objectif d’aller vers une rémunération différenciée, le développement d’un management centré sur l’individualisation ou le recours aux contrats pour « donner davantage de souplesse dans les recrutements ». Ces objectifs constituent une attaque en règle contre les conditions d’emploi des agent.e.s.", estime la fédération qui appelle les fonctionnaires "à se mobiliser pour leur avenir".

 

Une course de vitesse entre les syndicats et le pouvoir

 

Du coup le mouvement du 6 février change de nature. Il ne vise plus seulement à peser sur les moyens attribués aux collèges et aux lycées, sur la réforme Mathiot et sur Parcoursup. Trois objectifs qui étaient déjà autant de blocs de marbre à faire bouger. La journée d'action du 6 février intervient alors que le gouvernement veut aller très vite sur des réformes structurelles qui vont impacter l'avenir de la profession. C'est une course de vitesse qui est maintenant engagée entre la mobilisation des fonctionnaires , et notamment des enseignants, et un gouvernement déterminé.

 

Sur l'importance du mouvement, Emmanuel Macron n'a pas d'illusion. Dès son retour de Corse, il a inscrit à son agenda deux heures d'entretien avec JM Blanquer. C'est là que se jouera l'avenir de la profession enseignante.

 

François Jarraud

 

Déclaration du premier ministre

Rapport Mathiot : l'impact de l'annualisation

Le nouveau lycée pose la question de l'annualisation

Snes sur Parcoursup

Déclaration FSU

Le retour des baisses de salaire

Qui veut encore de la réforme Mathiot ?

Mathiot critique Parcoursup

 

 

 

 

Par fjarraud , le lundi 05 février 2018.

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