Budget : L'Education directement touchée 

Modifié le 30 à 11h- La protection budgétaire dont bénéficie depuis 2012 l'éducation nationale vit-elle ses derniers jours ? La publication, le 29 juin, de l'audit de la Cour des comptes sur les finances publiques pointe un déficit public de 8 milliards pour 2017. L'Education nationale fait partie des ministères invités par la Cour à faire des économies. Le gouvernement annonce le gel du point Fonction publique. Rue de Grenelle, c'est l'été mais le temps se couvre...

 

Un gap de 8 milliards

 

Commandé par le gouvernement le 22 mai, le rapport d'audit de la Cour des comptes sur la situation des finances publiques est déjà publié. Il prévoit un dérapage des comptes de 8 milliards pour 2017 et de 7 à 9 milliards pour 2018.

 

Pour 2017, la Cour relève des recettes inférieures à ce qui était déclaré au budget pour environ 2 milliards. Par contre les dépenses dépassent les plafonds d'environ 6 milliards. La conséquence c'est que la France ne pourrait pas tenir son engagement de déficit public. Il devrait s'établir à 3.2% soit 0.4%% au dessus de ce quia a été annoncé.

 

Le gouvernement choisit le gel du point Fonction publique

 

La Cour a identifié les ministères responsables des dépassements. L'Agriculture arrive en tête, suivie du Travail, de la défense et de la Solidarité. L'éducation nationale arrive en 5ème position pour 0.4 milliard.

 

Le problème c'est que les leviers envisagés concernent généralement la Fonction publique puisque la revalorisation salariale est un facteur important de l'augmentation des budgets.  Le seul PPCR devrait couter 2.5 milliards en 2018, 3 en 2019 et 3.7 en 2020.

 

La Cour propose aussi des "leviers" pour faire baisser les dépenses. Au niveau salarial, le gel du point Fonction publique ferait économiser 2 milliards, celui des avancements 3 milliards. Une hausse de 1% du temps de travail représente 1 milliard. La suppression de la journée de carence rapporterait 0.4 milliard.


Le 29 juin à 20 heures, sur France 2, G Darmanin, ministre des comptes publics, a annoncé le retour du gel du point Fonction publique. Ce point avait été gelé de 2010 à 2016 et venait tout juste d'être revalorisé. Le gel touche doublement l'Education nationale, soit la moitié des fonctionnaires d'Etat, car dans ce ministère, à la différence des autres, il n'est pas compensé par des primes.

 

Et celle de l'Education nationale ?

 

La Cour propose aussi des mesures propres à l'éducation nationale. Par exemple une augmentation du nombre de semaines de classe, ce qui permettrait de réduire le nombre des enseignants. Elle propose aussi la réduction du volume enseigné en lycée par la diminution du nombre des options.

 

Depuis 2012 des ministres qui ont défendu leur budget

 

Depuis 2012, chaque année, les ministres ont affronté Bercy pour obtenir une hausse du budget. Ainsi à la rentrée 2014. Benoit Hamon arrache 1,2 milliard supplémentaire à Bercy pour le budget 2015. Un an plus tard N Vallaud Belkacem obtient 500 millions pour le budget 2016. Mais en septembre 2016, elle décroche 3 milliards pour le budget 2017, de quoi créer des postes et assurer les premières mesures de  revalorisation.

 

Pour l'éducation nationale, un budget constant implique en année normale des coupes budgétaires. Compte tenu du "glissement vieillesse technicité", autrement dit l'évolution des carrières, un simple renouvellement des enseignants qui prennent leur retraite, impose une augmentation budgétaire. Stabiliser le budget implique normalement une réduction du nombre d'enseignants.

 

La situation délicate de JM Blanquer

 

Mais l'année 2018 n'est pas une année comme les  autres. Le ministre doit normalement financer la poursuite de la revalorisation des enseignants. Comptez environ 700 millions. Il doit aussi embaucher 2000 enseignants pour assurer les dédoublements de CP. C'est une promesse d'E Macron. Et cela représente une centaine de millions. Enfin il doit mettre en application l'autre promesse de Macron, la prime de 3000 € pour les professeurs de Rep+. Avec le mode de calcul le moins ambitieux il faut compter 200 millions. Notons que l'on n'entend plus parler de ces mesures Macron. Le ministre a laissé entendre qu'il créait 2500 postes à la rentrée alors qu'il s'agit en fait de créations de postes budgetés par le gouvernement précédent.

 

A la rentrée 2017, JM Blanquer devra obtenir un milliard supplémentaire pour 2018, ou les engagements gouvernementaux ne sont pas respectés. Une sortie des rails qui ouvrirait l'opportunité de nouvelles économies budgétaires.

 

Le ministre prépare les esprits...

 

Le gouvernement n'a pas attendu la publication du rapport de la Cour des comptes pour préparer les esprits à de nouvelles contraintes budgétaires pour l'Education nationale. Le 28 juin, le ministre évoque devant le Sénat un budget " dans une situation de constance". Le même jour, dans L'Est républicain, il évoque "la situation des comptes du pays (qui) n’est pas bonne... L’éducation a été affirmée comme une priorité par le président de la République. Nous devons raisonner sur l’évolution qualitative de notre système et ne plus entrer dans l’éternel débat de la création ou de la suppression de postes. Aujourd’hui, nous pouvons penser que nous avons le nombre de postes qui convient.  A nous de bien gérer les moyens importants dont nous disposons pour évoluer sur le plan qualitatif". Bref, le gel des postes.

 

JM Blanquer a déjà pris des mesures qui préparent des économies. Ainsi le rétablissement de la semaine de 4 jours devrait permettre la suppression du fonds de soutien versé par l'Etat aux communes depuis les nouveaux rythmes scolaires. C'est 0.4 milliard qui pourrait être récupéré en 2018.

 

Le 29 juin, le premier ministre  a réagi à la publication du rapport de la cour des comptes. Edouard Philippe a annoncé sa volonté de "contenir le déficit à 3 % cette année". Il a ajouté : "Nous ne le ferons pas en augmentant les impôts, nous le ferons par des mesures d’économies". Le ministre devrait fixer le cap mardi 4 juillet. "Au cours du mois de juillet pendant le débat d’orientation des finances publiques, j’aurai l’occasion de préciser au Parlement notre stratégie de redressement des comptes publics". Mais déjà le soir du 29 juin, le ministre des Comptes publics annonce le gel du point Fonction publique.

 

François Jarraud

 

Rapport de la Cour des comptes

Blanquer annonce le gel des postes

Blanquer au Sénat

Le budget 2017

 

 

Par fjarraud , le vendredi 30 juin 2017.

Commentaires

  • Guillaume35, le 02/07/2017 à 23:39

    Depuis 2010, la Cour des comptes, rapports après rapports, fait le même constat sur la nécessité de revoir le statut des enseignants du secondaire, mais le mammouth ne bouge toujours pas ou à la marge !
    Rapport 2013 – « Gérer les enseignants autrement »

    https://www.ccomptes.fr/Actualites/Archives/Gerer-les-enseignants-autrement

    Dans ce contexte, la Cour formule une série de recommandations, qui forment un tout indissociable et s’articulent autour de quatre axes :

    1.  Redéfinir le métier enseignant en adaptant en particulier les obligations réglementaires de service ;
    2.  Mieux valoriser les ressources humaines, au niveau individuel et des équipes ;
    3.  Affecter les enseignants en fonction de la réalité des postes et des projets d’établissement ;
    4.  Assurer une gestion de proximité.

    Quand va-t-on mettre enfin ces sujets sur la table ?
    Pourquoi la formation des enseignants du secondaire, l'aide aux élèves, les concertations ne feraient-elles pas partie des obligations de service comme les enseignants du 1er degré ? Pourquoi les formations continues ne seraient-elles pas en dehors du temps scolaire comme pour les enseignants du 1er degré ?

    Les autres rapports de la Cour des Comptes : 

    Rapport 2015 – « Le coût du lycée » https://www.ccomptes.fr/Actualites/A-la-une/Le-cout-du-lycee#b

    Rapport 2015 – « Le suivi individualisé des élèves » http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Le-suivi-individualise-des-eleves-une-ambition-a-concilier-avec-l-organisation-du-systeme-educatif

    Rapport 2013 – « Gérer les enseignants autrement » https://www.ccomptes.fr/Actualites/Archives/Gerer-les-enseignants-autrement

    Rapport 2010 – « L’éducationnationale face à la réussite de tous les élèves » http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/L-education-nationale-face-a-l-objectif-de-la-reussite

  • Philippe55, le 02/07/2017 à 10:40
    Bonjour,

    Le blocage du point d’indice est la mesure la plus simple et la plus facilement quantifiable, mais aussi la  plus injuste, notamment pour les petits salaires et ils sont nombreux dans l’éducation nationale.

    Toutefois, c’est une mesure déjà utilisée à laquelle les syndicats se sont accoutumés, il n’y a donc pas grand risque de voir les enseignants descendre dans la rue à la rentrée pour ce motif.
    Le rétablissement de la journée de carence mettrait fin par exemple à ces maladies contagieuses de courte durée en  fin d’année qui impactent les surveillances et les corrections d’examens!
    Comme Stéphan, je ne vois pas bien comment faire des économies en augmentant le nombre de semaines de cours.
    Par contre, si 1% d’augmentation du temps de travail rapporte 1 milliard, la solution est d’une grande simplicité, à condition d’avoir le courage de s’attaquer au statut des enseignants, gravé dans le marbre depuis 1950, puisque le décret du 23 aout 2014 n’a pas modifié les obligations règlementaires  de service des enseignants.
    Passer l’obligation de service des certifiés de 18h à 21 heures, celle des agrégés de 15h à 18 heures et celle des professeurs de chaire supérieure  de 8 ou 9 heures à 12 heures ferait instantanément économiser plus de 10 milliards au budget de l’éducation nationale.
    Faire des économies c’est faire des sacrifices, il faut pour cela du courage à tous les niveaux de l’institution  si nous ne voulons pas faire payer le prix de nos égoïsmes à nos enfants, petits enfants et arrières petits enfants.
    • Guillaume35, le 02/07/2017 à 23:45
      Exact ! Vous mettez le doigt sur le problème de fond !
    • fjarraud, le 02/07/2017 à 12:33
      bonjour
      le calcul est pourtant simple.

      Prenez un certifié qui doit 18h*36 semaines devant eleves . Ca fait 648h par an. La réalité faite, compte tenu de la non "reconquete du mois de juin" doit être de 576 h (18*32 semaines). Si vous augmentez de deux semaines l'année scolaire vous gagnez 684-576 : 108h.

      En même temps vous aurez diminué le volume hebdo de chaque classe d'autant (les élèves auront droit toujours à 108 h d'histoire geo en 2de par ex en théorie ou 96 heures en réalité.  Si vous partez de 96h sur 38 semaines vous réduisez l'horaire d'hist geo en 2de à 2.5h hebdo au lieu de 3 heures.

      Je vous laisse calculer l'effet de ces deux mouvements en nombre de postes.... compte tenu du fait qu'on a environ 380 000 enseignants dans le 2d degré...



      cordialement
  • stephan, le 01/07/2017 à 09:55
    bonjour,
     il y a deux  points que je n'ai pas saisis dans cet article :
    -" La suppression de la journée de carence rapporterait 0.4 milliard."  c'est plutôt le rétablissement de cette journée, non?
    -"une augmentation du nombre de semaines de classe, ce qui permettrait de réduire le nombre des enseignants": je ne vois pas le lien entre ces deux données.

    Pour ce qui est de"la semaine de 4 jours(qui) devrait permettre la suppression du fonds de soutien versé par l'Etat aux communes ", par contre, on a bien compris que le budget passe avant l'intérêt des élèves: pas d'ambiguïté!
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