Un nouveau statut pour les enseignants du secondaire  

Le Comité technique ministériel (CTM) a adopté le 27 mars le projet de décret réformant le statut des enseignants du secondaire. Le texte entrera en vigueur à la rentrée 2015. Les décrets de 1950, qui ont fondé les corps enseignants pendant un demi siècle ont vécu.

 

 Il l'a fait. Ce que les précédents ministres n'avaient pas réussi à faire, toucher au statut des enseignants, Vincent Peillon l'a réussi. Le Comité technique ministériel du 27 mars a adopté le décret par 5 voix pour (Unsa Cfdt), 4 contre (FO, Cgt, Sud et le Snuep Fsu) et 6 abstentions (Fsu). Le communiqué ministériel parle d'un "accord historique conclu il y a quelques semaines, au terme de plusieurs mois de discussions avec les organisations syndicales représentatives ". Car cet exploit montre d'abord l'efficacité du chemin pris par le ministre : celui d'un dialogue social patient, lent et sincère avec les syndicats. On peut en mesurer la portée. Pendant les mois de négociations, les syndicats n'ont pas mobilisé leurs troupes. Les plus importants ont rassuré les enseignants, expliquant les enjeux de cette refonte. En privé, des représentants syndicaux de la ligne dure saluent les qualités du conseiller de V Peillon qui a porté ces négociations.

 

Le nouveau décret garde les temps de service des enseignants tout en reconnaissant les différentes facettes du travail enseignant. Il simplifie le calcul des obligations de service posant que chaque heure devant élèves représente une heure. Il accorde des pondérations pour les établissements prioritaires Rep+ (1,1 h pour chaque heure) qui devraient être appliquées dès la rentrée 2014. Des pondérations sont également prévues pour les classes de Bts et le cycle terminal du lycée. Des indemnités pourront être accordées pour des activités particulières. En échange les décharges traditionnelles des décrets 1950 sont supprimées.

 

"La méthode a joué", nous a dit C Chevalier, secrétaire général du Se-Unsa. "On est sorti par en haut grâce à un vrai dialogue social". Le Se -Unsa salue un texte "plus protecteur et plus équitable... Les actuelles obligations hebdomadaires d’enseignement sont consolidées, tout en reconnaissant que le métier « réel » ne se limite pas aux seules heures de cours. L’amélioration des compléments de service, la prise en compte de la spécificité du travail dans l’éducation prioritaire et la reconnaissance des professeurs documentalistes constituent également des avancées".

 

"On verra comment ce texte sera appliqué. Mais il reconnait mieux le travail réel des enseignants. Il est plus protecteur", nous a dit Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes Fsu. Son syndicat s'est abstenu car "s'il n'était pas favorable au statu quo et si le décret donne plus de stabilité et de transparence au travail enseignant, le décret ne répond pas aux besoins de baisse du temps de travail des enseignants et certaines missions ne sont pas prises en compte". Le Snes avait déposé de nombreux amendements et seuls deux points technique sont été retenus par le ministère. Les autres, qui défendaient des points catégoriels ont été écartés. En s'abstenant, les syndicats Fsu ont permis l'adoption du texte. F. Rolet est d'ailleurs satisfaite d'avoir emporté un ultime succès sur un point particulièrement débattu : l'utilisation de la pondération en Rep+. "Il ne s'agit pas de mettre des réunions à l'emploi du temps des enseignants pour cette heure et demi", indique-t-elle. "Le cabinet nous a entendu et le précisera dans une circulaire et aux chefs d'établissement qu'il réunit le 9 avril. Le décret accorde une baisse du temps de présence des enseignants du fait de la difficulté du métier en zone prioritaire".

 

Il reste évidemment des syndicats hostiles à l'accord. FO qui dénonce violemment le vote du Snes, promet que la lutte continue. " Plutôt que d'améliorer les conditions de travail (effectifs des classes) ou les rémunérations, le projet s'inscrit dans la logique du travailler plus pour gagner moins dans un cadre déréglementé", accuse-t-il. La Cgt a un point de vue plus nuancé. " Nous estimons que les textes présentés comportent, sur certains points, des avancées notables pour les personnels... Malheureusement, ces projets de textes ne comportent aucune avancée en termes de salaires ou en matière de réduction du temps de travail... Les projets présentés comportent des aspects qui ne peuvent qu’inquiéter les personnels : l’introduction de la référence aux textes généraux de la Fonction publique concernant le temps de travail est une référence implicite à l’annualisation. Nous réaffirmons notre attachement à des obligations de service hebdomadaires". Justement celles-ci sont précisées dans le décret...

 

François Jarraud

 

Ce que dit le décret

Communiqué Snes

Communiqué Se-Unsa

Le texte du projet de décret

 

Par fjarraud , le vendredi 28 mars 2014.

Commentaires

  • Delafontorse, le 30/03/2014 à 09:58

    Chers collègues,

    le décret Peillon renforce la soumission des statuts des professeurs au code de l'Education, en faisant référence à l'article 912-1 du code de l'Education introduit par la loi Fillon de 2005: c'est cet article 912-1 qui définit l'ensemble des tâches qu'on retrouve dans le décret Peillon comme "missions liées", obligatoires et non rémunérées. Les décrets de 1950 faisaient obstacle: ils permettaient aux professeurs de se défendre contre l'imposition arbitraire de diverses tâches qui en relèvent. Ces "missions liées" ne sont pas rémunérées, et les syndicats qui ont voté ce texte ou bien se sont abstenus ou ont consenti à cette réforme qui fera date dans l'histoire du syndicalisme: rendre obligatoire du travail supplémentaire, non décompté et non rémunéré.

    Il est faux de dire, comme le prétendent certains syndicats, que les professeurs assumaient de toutes façons ces tâches, et que donc ce nouveau décret n'a aucune importance parce qu'il ne change rien: toute une série de tâches nouvelles peuvent désormais être imposées gratuitement (corriger les copies d'autres classes dans le cadre d'un contrôle continu de formation, remplacer des collègues absents, orienter les élèves, suivre les élèves dans leurs stages professionnels, assister à un nombre indéfini de réunions, par exemple pour travailler en équipe avec des personnels de santé et des assistantes sociales, renforcer l'accueil des parents, apporter aux élèves une aide personnelle en dehors des heures de cours, s'occuper des études surveillées et surveiller des devoirs hors de sa classe, etc). La liste n'est pas précisément définie, rien n'est décompté, l'extension indéfinie est possible et ne dépendra que des rapports de force locaux. La définition des missions liées dépendra des chefs d'établissement. Comme le disait et le déplorait le rapport de la Cour de comptes de mai 2013, du fait des décrets de 1950, "le chef d'établissement (était) tributaire de la bonne volonté des enseignants", pour ce qui dépassait leur obligations en matière de cours: c'est bien terminé.

    Seul le service d'enseignement est borné par une définition en nombre d'heures hebdomadaires, mais le reste ne l'est pas: or il y a bien un reste, annuel, car le nouveau décret ne protège absolument pas les professeurs de l'annualisation, il les y expose tout au contraire, la réglementation applicable à l'ensemble des fonctionnaires (soit 1607h au maximum) s'appliquant à leur cas: seuls les 15h X 36 semaines d'un agrégé sont décomptées (= 540h), donc il reste 1067h à occuper. Dans ces 1067h, le temps de préparation des cours et l'évaluation des élèves de ses classes n'est pas défini: si l'on comptait 2h de préparation pour une heure de cours, il n'y aurait pas d'augmentation à craindre de quelques missions liées supplémentaires (2hx15x36=1080h), mais justement, ce temps de travail effectif n'est pas décompté, et donc la marge de missions liées qu'on peut imposer est considérable (curieusement, ce temps de préparation n'a été implicitement reconnu que dans le cas des documentalistes à l'article 2, pour procéder aux décomptes en cas de service mixte information-documentation/enseignement ). Les dispositions du nouveau décret rendent les professeurs corvéables dans la limite de 1607h par an, moins leur service d'enseignement hebdomadaire. Seule la mission d'enseignement fait référence à l'année scolaire (à l'exclusion des vacances), donc la relation temps de service-année scolaire se relâche.

    Il est faux de dire que les professeurs de CPGE ne sont pas concernés, du fait du maintien des articles 50-581 et 50-582 qui les concernent. Car ces articles ne concernent que la fixation de leurs obligations de service en nombre d'heures de cours hebdomadaires, et non pas les autres "missions", qui s'appliqueront à eux. On imagine mal que le cadre de l'annualisation ne s'applique pas aux professeurs de CPGE lorsque leur tour viendra de voir révisées leurs ORS, avec tout ce qu'elle implique, notamment de modulation du travail sur l'ensemble de l'année scolaire, de compensation des périodes où les élèves sont en concours sous forme d'obligations supplémentaires, etc. Comment le penser, de surcroit, puisque le but est de formater les obligations de service des professeurs de CPGE de manière à faciliter le "plan social" d'absorption des CPGE par l'Université, où les services sont annualisés.

    Si aucune réaction ne s'organisait, l'évolution se ferait au gré des rapports de forces locaux, isolant toujours plus ceux auxquels ils seraient défavorables, et cette évolution se ferait de manière très progressive, par introduction au compte-goutte de nouvelles obligations, de façon à paralyser la résistance. Quelle autre solution, compte tenu de l'attitude des syndicats (hormis FO, Sud, CGT et Snuep), que celle d'une coordination nationale des lycées? Mais pour en arriver là, il faut que le secondaire se réveille, qui est immédiatement concerné.

    Il y a une pétition en cours de signature (plus de 5000 actuellement) et la publication de commentaires un peu consistants attachés à cette pétition, intéressante pour toucher le nombre relativement important de ceux qui la signent.

    Pétition : http://www.petitions24.net/signatures/non_a_labrogation_des_decrets_de_1950/

    Bien cordialement,
    VT 

  • thoudayer, le 29/03/2014 à 17:59
    Un  nouveau statut pour les professeurs du secondaire... cela signifie-t-il la fin de la reconnaissance que premierset second degré devraient être également considérés ?  (et c'est une vraie question... si quelqu'un a de vrais éléments de réponse : statut, obligation de service, rémunération...)
    • Delafontorse, le 30/03/2014 à 17:56
      "Être également considérés", certainement, car cela signifie que le secondaire va être primarisé, avec horizon d'assignation à résidence des professeurs dans les locaux des lycées même quand ils auront fini leurs cours, cela pour participer à des "missions liées" en nombre et en nature indéfinis (tant le texte du décret est organisé pour rendre possible ici le rétablissement officiel de la corvée). Mais cela ne signifie pas du tout que les professeurs des écoles auront le même salaire que les capésiens ou les agrégés... 

      Vivement que la loi sur le temps de travail applicable à toute la fonction publique s'applique aux enseignants : comme ils font entre 40 et 44 heures de travail hebdomadaire, le simple établissement de la loi va mener... à l'impossibilité de fonctionnement de l'institution.

      M. Peillon ou son successeur aura en effet à gérer cette exigence de la part des personnels : "Vous voulez annualiser nos services et missions ? Attendez : la loi dit "35 heures hebdomadaires". Par conséquent, dès que la pointeuse (qu'il faudra exiger) indiquera le bon chiffre, basta, ciao et bonjour chez vous, copies corrigées ou non !"

      Personnellement, je rêve de ce moment et attends avec grande impatience le décompte officiel de la pointeuse. Je ne donnerai pas une minute de plus à une institution qui a voulu me traiter comme un esclave et dont le ministre m'a insulté.

      Oui, 

      si ce projet de décret passe, la première chose à obtenir de Madame Royal, ce sera la pointeuse à 35 heures hebdomadaires. Et en effet, avec cette méthode, l'institution s'arrêtera de fonctionner puisqu'actuellement, elle repose sur la libre et bonne volonté mais que des gens mal intentionnés veulent par décret instituer pour les personnels le régime de la CORVEE(Cf. article 2 du projet de Décret, point II, "Missions liées" devenues obligatoires, indéfinies en nombre et en nature, non rémunérées, non comptabilisées !!!).

      Comme un enseignant travaille 40 à 44 heures par semaine (chiffres reconnus par le Ministère), autant dire qu'au moins 1/4 du travail effectué sous le régime de 1950 ne le sera plus sous le régime institué par le nouveau décret...N'importe quel DRH le ferait remarquer : le nouveau décret est CONTREPRODUCTIF pour l'institution.

      Par conséquent, s'il est adopté, c'est bien qu'il s'agit de CASSER l'institution de l'Ecole Républicaine.




  • Delafontorse, le 30/03/2014 à 09:54

    Adopté par 5 voix sur 15, ce projet de décret.

    Un vrai plébiscite...

    Qui fait honneur à la démocratie participative et à la consultation des enseignants eux-mêmes (méthode soigneusement évitée par le Ministère et les syndicats, on se demande pourquoi...).

    Au total, une parodie d'"accord" historique et une vraie casse du métier de professeur et de l'Ecole publique.

    La France n'a pas à remercier M.Peillon et son cabinet (bien nommé) qui manifestement ont peur que les professeurs ne fassent pas les "missions liées" à leur mission d'enseignement et éprouvent le besoin de les inscrire juridiquement dans leurs devoirs des fois que la conscience professionnelle des professeurs serait tellement douteuse qu'ils ne les accompliraient pas ! 

    Ce projet de décret est en son article 2 une parfaite insulte à la conscience professionnelle des professeurs.

    Ce simple motif aurait dû être suffisant pour le faire rejeter par tous les syndicats.

    M. Peillon et son cabinet, adeptes du préjugé le plus crasse et le plus indigne de la part de gens qui sont supposés être ou avoir été enseignants eux-mêmes, ne font que démontrer le mépris qu'ils ont du métier de professeur et le mépris qu'ils ont de leurs collègues.

    Je précise que je ne suis pas syndiqué.





Vous devez être authentifié pour publier un commentaire.

Partenaires

Nos annonces