Recrutement des enseignants : Le ministère est-il capable de remédier à la crise ? 

Le rapport sur "les difficultés de recrutement d'enseignants dans certaines disciplines" confirme ce que l'on sait de l'échec relatif des campagnes de recrutement de V. Peillon. Si le nombre de candidats aux concours augmente cela ne vaut pas pour toutes les disciplines. A travers les préconisations de l'Inspection se lit l'incapacité à penser le métier autrement. Mais le ministère a-t-il réellement les moyens d'une politique de recrutement ?

 

Pour ceux qui cherchent des données occultées par l'administration, le rapport de Marc Fort et Christine Szymankiewicz, inspecteurs généraux, n'offrira pas beaucoup d'informations nouvelles. Il affirme que " l’allemand, l’anglais, l’éducation musicale, les lettres classiques, les lettres modernes, les mathématiques sont particulièrement concernés par ces difficultés. Les difficultés de recrutement apparaissent aussi dans certaines disciplines technologiques et professionnelles... Pour les cinq disciplines de l’enseignement général citées plus haut, ces taux de sélectivité sont en baisse régulière pour atteindre par exemple 1,54 candidat présent pour 1 poste au CAPES de mathématiques en 2012, 1,16 au CAPES d’allemand en 2013 et même des taux strictement inférieurs à un (c’est-à-dire moins de présents que de postes au concours) au CAPES de lettres classiques en 2011 et 2012".  Ces 5 disciplines n'arrivent pas à atteindre le nombre de postes annoncés. Le rapport s'intéresse peu aux spécialités professionnelles mais rappelle que pour certaines il n'y a pas de master.

 

Parmi les facteurs qui expliquent ce déficit, le rapport pointe "la perte d'autorité vis à vis des parents et des élèves" mais aussi le niveau de rémunération qui " placent la France en une situation relativement défavorable dans la perspective d’encourager les jeunes à exercer le métier d’enseignant". " Si les enseignants jouissent d’une meilleure sécurité de l’emploi et de vacances plus longues, ils ne gagnent en moyenne en France, au bout de 15 ans de métier, que 80 % de la rémunération d’un individu âgé de 25 à 64 ans, diplômé de l’enseignement supérieur et employé à temps complet".

 

Les solutions proposées par l'Inspection ne vont pas jusqu'à envisager une revalorisation salariale même ciblée. C'est pourtant le parti pris par plusieurs pays pour trouver des enseignants là où ils sont rares. Ainsi en Angleterre les professeurs de maths bénéficient d'une prime spéciale. Les inspecteurs préfèrent envisager la régionalisation des concours et surtout la bivalence. Les inspecteurs proposent aussi de donner l'admissibilité aux étudiants de CPGE et aux titulaires d'un doctorat.  La seule réflexion neuve consiste à proposer de donner "l'assurance d'une mobilité professionnelle". C'est l'idée de la seconde carrière que l'éducation nationale n'arrive toujours pas à mettre en place. L'Inspection a beau dénoncer "une logique de concours qui ne permet pas d'attirer des candidats aux compétences moins académiques", cette piste l'intéresse assez peu.  L'Inspection  préfère les étudiants venant de CPGE aux détenteurs du BAFA. Elle ne remet pas en cause la masterisation alors que ses effets sont bien reconnus. Elle s'intéresse peu aux postes manquants dans les disciplines professionnelles pour lesquelles elle n'avance aps de solution.

 

Mais de quel  marge un gouvernement pourrait-il disposer pour remédier à cette crise ? La revalorisation réelle des enseignants dans leur ensemble ou même de certaines catégories est hors de portée du ministre à partir du moment où il s'est engagé à l'impossible, trouver 54 000 nouveaux enseignants. La volonté de remplacer les départs en traite signe aussi l'incapacité à répartir autrement les moyens. A partir de là, le recours à l'auxiliariat est bien le remède sur lequel l'institution va miser. C'est le paradoxe d'un ministère qui croit tant en la formation des enseignants.

 

Francois Jarraud

 

Le rapport

Déficit pas comblé

 

 

Par fjarraud , le vendredi 04 octobre 2013.

Commentaires

  • dmissenard, le 04/10/2013 à 11:22
    Je vous conseille la lecture du paragraphe 1.1.2, intitulé "Un nombre d'inscrits aux concours qui croît à partir de la session 2012". Il est cocasse (?) d'y constater que le rapport abonde la fable servie par le service de presse du ministère : apparemment, les rapporteurs n'ont pas compris (?) que cette augmentation était principalement due au fait que les candidats de deux cohortes successives se sont inscrit aux concours, du fait du décalage de dates induite par la réforme…
    S'il est bien vrai que certains concours voient davantage de candidats (lettres modernes, par exemple), d'autres stagnent, voire régressent en fait (maths). Au total, je suis personnellement persuadé que cette augmentation n'est qu'un artefact : les effectifs en Master en sont l'illustration.
    Luc Chatel empêchait les rapports critiques de paraître ; ce n'est plus le cas, et tant mieux. Mais, si ceux qui sont publiés sont de cet acabit…
  • maria1958, le 04/10/2013 à 11:10
    Ce rapport a le mérite de relancer un débat qui intéresse toute la nation, et d'abord les usagers de l'école.

    Refonder l'école, certes, mais.... comment le faire sans assurer les recrutements nécessaires, que la Loi de refondation chiffre elle-même à 150 000 nouveaux enseignants à trouver en 5 ans ? Créer des postes (budgétaires) est une chose, mais pour les élèves, ce qui compte c'est d'avoir des profs en chair et en os sur ces postes, or pour le moment force est de constater qu'on n'en prend pas le chemin.... 

    Les rapporteurs insistent, avec raison, sur l'importance d'obtenir un engagement à enseigner durablement, de la part des étudiants qui bénéficieraient d'une aide financière pendant leurs études menant au professorat. C'est du bon sens: sans un tel engagement, l'Etat dispenserait ses aides sans garantie de retour, à fonds perdus en quelque sorte. 

    Mais lors du débat sur la loi créant les Emplois d'Avenir Professeurs, tous les parlementaires ont relevé qu'en passant par un contrat aidé de droit privé, on s'interdisait justement de faire signer aux étudiants un engagement à servir l'Etat (qui n'est envisageable que pour des élèves fonctionnaires, comme à Polytechnique et dans les prérecrutements Fonction publique en général).

    En postulant d'entrée que des prérecrutements seraient "insupportables pour les finances publiques", on a donc choisi la voie des EAP qui par définition (et à supposer même qu'ils fassent le plein, ce qui n'est pas le cas) ne peuvent pas garantir que les élèves auront des profs - or là est le problème qu'il faut résoudre !
    Certes les EAP ne coûtent pas cher, mais n'étant pas efficaces, ils vont coûter in fine très cher.... car laisser les élèves sans profs, ça aura un coût  (différé, mais énorme) pour toute la société !

    Il est d'ailleurs dommage que la réflexion des rapporteurs sur les prérecrutements soit circonscrite aux seuls IPES - qui ont donné d'excellents résultats pendant 15 ans, tant qu'il y avait beaucoup de postes au CAPES, avant d'être étranglés à la fin des années 70 quand les postes au CAPES ont été réduits par la droite. 

    D'autres prérecrutements, les Cycles Préparatoires, ont existé pendant des années pour alimenter les CAPET et les CAPLP, ce capital d'expérience n'est pas si vieux. 
    Pourquoi ne pas envisager de s'en inspirer, puisque tout le monde constate les difficultés de recrutement particulièrement aigues dans les disciplines technologiques et professionnelles ? Le souci maintes fois avancé de conforter l'enseignement professionnel dans notre pays devrait conduire à examiner sérieusement les solutions - même "coûteuses".  Ou alors on considère que ce n'est pas bien grave si les élèves de LP n'ont pas de profs.....
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