La Journée du refus de l'échec scolaire à Paris 

Par Françoise Solliec



Parrainée par Gaby Cohn-Bendit, l’édition parisienne de la première journée du refus de l’échec scolaire, organisée par l’AFEV avec plusieurs partenaires, dont le Café pédagogique, s’est centrée sur la relation entre l’école et les familles, considérée comme essentielle par tous les intervenants.

 

 

L’échec scolaire, ce n’est pas l’échec des élèves, c’est celui de l’école

 

Dans son propos de bienvenue, Frédérique Calandra, maire du 20ème arrondissement de Paris, salue l’action de l’AFEV dans un combat quotidien pour l’égalité des chances, mené dans un quartier difficile au regard de l’éducation. Prenant résolument parti contre une évaluation purement de notation pratiquée à l’école primaire, elle estime que la question posée à l’école aujourd’hui est de comment apprendre à apprendre et souligne l’importance du lien familles école.

 

Laurence Foucher, directrice générale adjointe de France 5, voit dans cette problématique du refus de l’échec scolaire un enjeu essentiel pour l’éducation et souhaite que, partant de l’expérience de chacun, des propositions concrètes puissent être formulées pour mieux prendre en compte la place de la famille, dans l’école et dans la société.

 

Enfin, pour Nicolas Delesque, secrétaire général de l’AFEV, cette journée a principalement pour fonction de tirer la sonnette d’alarme. « Accepterait-on qu’un train sur cinq arrive en retard ou n’arrive pas ? »interroge-t-il. Pourtant, constate-t-il, on accepte bien que près d’un jeune sur cinq quitte le système scolaire sans réelle qualification. Si l’accompagnement éducatif peut être un dispositif intéressant, il ne faudrait pas pour autant qu’il se substitue à d’autres mesures. Et comment aider les parents à s’y retrouver dans l’empilement des dispositifs et les temps scolaires et péri-scolaires ? Pour faciliter la relation école familles, il formule deux propositions. La première serait de prévoir dans toute nouvelle construction une salle d’accueil des parents. La deuxième serait de renforcer le poids et le pouvoir des familles dans les conseils d’établissment et d’école.

 

Stéphane Bonnery, de l’université Paris 8, estime que dans la classe, le problème n’est pas tant celui du nombre élevé de nationalités différentes que celui des origines sociales. La culture a longtemps été l’apanage des classes privilégiées et la démocratisation de l’enseignement n’est pas totalement aboutie, puisqu’on mixe aujourd’hui démocratisation et sélection dans un compromis instable. 54% des élèves sont fils d’ouvriers, d’employés ou de chômeurs. La situation la plus fréquente est donc pour les parents de ne pas maîtriser ce qui se passe à l’école et de ne pouvoir aider leurs enfants. Les enfants ne comprennent pas nécessairement ce qu’on attend d’eux et leurs difficultés d’apprentissage ne peuvent être résolues si l’enseignant ne se pose pas les bonnes questions. Quel est donc le modèle d’élève implicite qui pilote le système scolaire, se demande Stéphane Bonnery.

 

Christiane Allain, secrétaire générale de la FCPE, rappelle le principe de co-éducation défendu par la fédération. Mais, devenir des parents d’élèves, c’est difficile pour des parents qui ne maîtrisent pas la langue ou qui n’osent pas rentrer à l’école parce qu’eux-mêmes sont restés sur un échec, explique-t-elle.

 

Bruno Masurel, d’ATD-Quart Monde, renchérit sur cette difficulté de certains parents qu’il faut aller chercher et avec lesquels il faut travailler individuellement pour établir une confiance qui ne se construit que dans la durée, mais qui seule permet le changement de comportement des élèves.

 

Pour Dominique Senore, formateur IUFM, il est nécessaire de former les enseignants à la relation familles école. Ainsi, par exemple, la circulation « d’un cahier de réussites » entre l’école et la maison permet aux parents de voir valoriser leur enfant. De nombreuses actions peuvent être construites avec les parents et les enfants, comme, par exemple, élaborer une sélection des programmes de télé à voir la semaine prochaine ou tenir des groupes de parole pour débattre des attitudes à adopter.

 

Eric Nedelec, de l’agence nationale de lutte contre l’illettrisme, rappelle que sur les 3 100 000 adultes en situation d’illettrisme, on trouve un bon nombre de parents, nécessairement très démunis dans leur relation à l’école. Il est important d’aller les chercher et de trouver des médiateurs pour travailler avec eux.

 

Pascal Bavoux, de Trajectoires-Reflex, présente quelques-uns des résultats de l’enquête menée auprès de 700 élèves pour mesurer leur ressenti vis-à-vis de l’école. On apprend ainsi que les élèves se couchent plus tard qu’on ne le croit, que 54% d’entre eux disposent de la télé dans leur chambre, qu’à 75% ils ont un ordinateur à la maison (connecté à Internet pour 67% d’entre eux) et qu’à 22%, ils ont souvent des difficultés à comprendre ce qu’on attend d’eux. Fait encore plus significatif, ils sont 23% à ne pas aimer (pas trop ou pas du tout) aller à l’école, ce que le baromètre relie à des sentiments d’ennui, de peur ou de stress éprouvés ar nombre des élèves interrogés.

 

En réaction, Gaby Cohn-Bendit se réjouit de cette occasion d’entendre la parole des élèves, même si elle met en lumière des situations très diverses, notamment en ce qui concerne l’accès à la culture. « On est exigeants pour l’école » affirme-t-il, « par ce qu’on a pour elle de grandes ambitions. On souhaite qu’elle diminue toutes ces inégalités ».

 

Philippe Meirieu estime qu’un travail de régulation est à mener pour que l’accès aux lieux culturels se démocratise, avec l’aide des associations d’éducation populaire. Il fonde la réussite scolaire sur trois opérations, mobiliser sur des savoirs nouveaux, structurer et organiser les connaissances grâce à des exercices systématiques ou des temps de formalisation et enfin accompagner pour tenir compte des besoins spécifiques. Il sait bien qu’il diverge ainsi des conceptions de Gabriel Cohn-Bendit, qui estime que la motivation de l’élève est un levier très puissant et que partir de son vécu est une bonne façon de l’amener à la mobilisation de savoirs nouveaux.

Selon Philippe Meirieu, il faut introduire un troisième acteur, « des tiers-lieux » dans la relation école famille, de façon à ce que l’enfant puisse aussi s’adresser à des passeurs. Pour lui, les étudiants de l’AFEV assument bien ce rôle et travaillent en même temps leur passage à l’âge adulte.

Philippe Mieirieu formule une proposition : permettre à tous les parents d’aller passer une journée par an dans la classe de leurs enfants. Journée, précise-t-il en plaisantant, qui pourrait être le lundi de Pentecôte, devenu ainsi journée de solidarité scolaire.

 

Dans la table ronde animée par Jean-Marc Merriaux, directeur de Curiosphère.tv, sur Internet, école et familles,  François Jarraud propose la création d’outils de médiation entre le corps enseignant et les familles issues de l’immigration. Cette opération focaliserait l’attention des profs sur les élèves les plus en difficulté et les aiderait à mesurer le fossé social qui les sépare, eux qui furent souvent de bons élèves, de leurs élèves.

 

Philippe Meirieu estime que l’ensemble des outils de liaison, papier ou informatiques,  entre l’école et la famille devrait être élaboré avec les parents. Ce serait aussi l’occasion de réfléchir à la formulation des remarques sur les bulletins, si l’on veut qu’ils servent vraiment à initier un dialogue. Il souhaiterait enfin que l’on s’interroge sur ce que les élèves font réellement avec leur ordinateur et relate l’expérience de tutorat informatique mené par des élèves de BEP auprès de personnes âgées dans une maison de retraite, qui a été l’occasion d’une véritable découverte mutuelle et d’une confrontation de cultures, les jeunes apportant de nouveaux savoir-faires, les plus vieux d’anciens savoirs inconnus des jeunes.

 

Alain Brunet, inspecteur général, co-auteur d’un rapport récent sur l’éducation aux medias, rappelle les 10 propositions contenues dans ce rapport, actuellement mises en œuvre dans l’académie de Bordeaux.

 

En conclusion, Anne-Charlotte Keller, adjointe au maire du 20ème arrondissement et Christophe Paris, président de l’AFEV, soulignent l’importance des différentes collaborations dans les actions menées contre l’échec scolaire et expriment leur souhait de voir se renouveler une telle journée.

 

Retrouvez l’ensemble des débats sur le site de la manifestation.

 

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Par fjarraud , le jeudi 25 septembre 2008.

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