Dossier spécial B2i - Brevet Informatique et Internet 

2 - Etat des lieux : Instantané sur le B2i

 

par Bruno Devauchelle

 

Le 20 Juillet dernier, l'inspection générale de l'éducation nationale publiait un premier rapport sur la mise en place du B2i entre l'annonce officielle du mois de Novembre 2000 et Juin 2001. Ce travail de qualité et sans complaisance permet de dresser une carte de la mise en place du B2i au moins provisoire, mais qui semble garder, à la relecture en cette fin d'année, une certaine actualité :

Dans cet article nous proposons de revenir sur un état des lieux moins institutionnel, mais plus ressenti au travers de plusieurs observations effectuées soit dans les établissements, soit auprès des enseignants en formation, soit à partir des informations identifiées sur Internet. En effet il semble important de regarder au delà des chiffres que notre enquête peut donner pour essayer de comprendre quelques uns des éléments clés qui permettent ou empêchent la mise en place du B2i dans les établissements.

Le premier point et c'est le plus remarquable dans la lecture des textes officiels est l'absence du mot obligatoire accolé à " en collège en 2001-2002 ". Surpris qu'un chef d'établissement me rétorque cet argument à mon insistance pour qu'il se passe quelque chose dans l'établissement qu'il dirige, je suis allé vérifier ses dires. De fait, il n'est jamais fait référence explicitement à l'obligation de mise en place en collège en 2001-2002, " peut concerner tous les collèges en 2000-2001 " puis généralisation à toutes les écoles en 2002-2003. En fait, la particularité de ce B2i est qu'il est " instauré ", donc bien obligatoire, mais qu'il tient compte de la réalité du terrain pour sa mise en œuvre. Ce petit détail prend toute son importance quand on va dans des établissements scolaires qui n'ont de toute façon pas les moyens matériels et humains d'envisager une quelconque validation des items du B2i. Car l'incitation à mettre en place ce dispositif dans les établissements repose essentiellement sur les moyens adéquats pour y parvenir et l'on comprend aisément l'hésitation à rendre " obligatoire " un dispositif qui ne pourrait pas être mis en place décemment. D'ailleurs dans l'enseignement primaire les choses ont été clairement énoncées. Ce point s'appuie d'ailleurs sur le fait que les municipalités ont plus de difficultés à mettre les moyens nécessaire (volontairement ou non) pour l'informatique à l'école. L'association des maires de France à d'ailleurs relevé ce problème comme essentiel pour éviter d'ajouter à la fracture numérique les disparités des communes.

Au delà de cette observation au pied de la lettre, force est de constater la diversité des situations dans les établissements. En effet toutes les formes de mises en place possibles existent, même celles non prévues par les textes officiels et rappelées comme non conformes dans le rapport de l'IGEN. Cette diversité des situations va donc empêcher toute démarche statistique; elle ne qualifierait pas réellement ce que l'on appelle mettre en place le B2i dans l'établissement. Notre enquête, dont nous publions les premiers éléments quantitatifs dans ce numéro, montre bien que derrière les chiffres se cache une réalité plus complexe. C'est pourquoi après cette première publication des résultats, il vous sera proposé une analyse plus qualitative des résultats en Janvier 2002.

Malgré cette difficulté, il semble important d'analyser ici quelques cas de figure typiques que l'on peut observer et qui permettent de montrer comment les personnes et les équipes s'approprient les documents officiels qui leur sont transmis. Le ton choisi, volontairement ironique met en évidence et rapproche des comportements réellement observés ici où là. Les cas proposés ci-dessous ne sont pas des récits objectifs de situations réelles mais une reconstruction qui se veut démonstrative :

1 - Le prof isolé (techno, documentaliste, professeur des écoles, responsable info)

Dans un certain nombre d'établissements un enseignant s'est emparé personnellement du B2i. Seul dans de nombreux cas, le prof isolé a été désigné ou s'est autodésigné pour prendre en charge la mise en place d'une évaluation. Car il s'agit souvent de la partie la plus visible de son activité. Il est parfois l'auteur d'un examen B2i voire de cours B2i. Seul aussi parce que aucun autre enseignant n'utilise les TIC dans son activité. Il s'engage en militant convaincu dans la démarche souhaitant que les élèves n'aient pas à souffrir de l'ignorance de ses collègues. Parfois aussi il aura été à l'origine du refus de ses collègues, auquel il aura tellement vanté les TIC et tellement encadré de procédures l'accès à la salle multimédia qu'ils l'auront consciencieusement laissé œuvrer seul.

2 - La petite équipe volontaire

Les équipes pédagogiques sont souvent multiformes. Les TIC n'ont pas laissé que des bons souvenirs quand on mesure l'écart entre les propos et les réalisations. Cependant une équipe de volontaires, en général de la catégorie soit des pédagogues, soit des technologues (pas forcément les mêmes d'ailleurs), mène les projets dans l'établissement, et se sont emparés du B2i comme ils s'empareront des itinéraires de découverte. Autant pour échapper à la routine quotidienne du cours traditionnel, que par souci professionnel de proposer aux élèves de nouvelles chances d'apprendre. Ils ont pris autorité sur le B2i. Le chef d'établissement les a rapidement désignés comme responsables de la mise en place au grand plaisir de tous. Ayant ainsi déchargé l'établissement, la petite équipe volontaire va avoir toute latitude pour mettre en place les procédures de validation et les remédiations nécessaires. Toutefois, les collègues, tantôt envieux, tantôt jaloux, tantôt indifférents ne tardent pas à faire savoir leur opinion sur la question. Petit à petit la situation se décante et chacun prend sa place, la petite équipe s'agrandit dans la tranquillité, mais parfois aussi s'isole dans la salle multimédia coincée entre la salle de techno et le CDI..., ou encore éclate s'étant égarée dans une dérive technologique qui a fini par déplaire... Bref les choses avancent... et les élèves auront leur livret bien rempli en fin d'année

3 - Le chef d'établissement impliqué

Les responsables d'établissements sont aussi parfois de fervents adorateurs de l'objet informatique. D'aucuns, conscients des enjeux liés au TIC (renommée de l'établissement, culture réelle des jeunes, souci de modernité etc.) ont décidé de s'emparer à bras le corps de la question. Quand ils ont aussi quelques heures d'enseignement cela leur est d'autant plus facile. Ou alors ils se disant qu'il vaut mieux faire soit même que de laisser les autres ne rien faire. Les enseignants savent reconnaître la bonne conduite à tenir. Le chef d'établissement va alors mettre en place une dynamique autour du B2i qui n'aura d'égal que sa compétence à lire les textes officiels jusqu'au bout et à ne pas les interpréter de travers. Dès lors les moyens matériels consacrés à ce B2i seront à la hauteur de l'engagement et l'équipe qui aura accompagné son chef tirera tous les avantages de cette situation : pédagogique car enfin c'est du sérieux, humain car on est reconnu, matériel car les moyens sont aussi présents. Sauf que dans certains cas le chef d'établissement est très vite reparti dans son bureau se tourner vers la prochaine réforme que le recteur ou l'inspecteur d'académie vient de présenter comme urgente et à laquelle il faudra à nouveau consacrer du temps...

4 -L'établissement ignorant et/ou non équipé

Depuis longtemps les textes officiels n'ont d'autre épaisseur que les moyens réels qui les accompagnent. Or avec le B2i rien. Ou plutôt, la salle multimédia généreusement attribuée par le conseil général ou la mairie, est en fait inutilisable pour des élèves tant elle est exiguë et de mise en œuvre trop complexe. Parfois aussi il n'y a même pas encore les matériels... Quant à la maintenance et aux logiciels, rien n'a été mis en place pour permettre un véritable fonctionnement, et de toute façon le volontaire, bénévole, responsable désigné de l'informatique a depuis longtemps plié bagage, laissant l'emploi-jeune seul face à la situation. Dans ces établissements on a aussi pu rencontrer de ces équipes qui ont effectivement attendu que le mot obligatoire soit écrit en rouge souligné deux fois pour s'y mettre. Ce n'est pas le cas, alors il y a le temps. De plus le chef d'établissement n'étant pas favorable à une école qui tournerait encore davantage les élèves vers les turpitudes des médias, l'opportunité de ne rien faire est là. Quant à la fracture numérique, deux cas de figures se présentent : soit les élèves ont tous un ordinateur à la maison et l'on ordonnera dans trois ans aux enseignants de technologie de faire passer l'examen B2i (à moins que la politique aidant il n'ait disparu) ; soit aucun n'élève n'a d'ordinateur à la maison et alors il faut sûrement leur garder l'esprit vierge de tout vice ou en tout cas ne pas les inciter à entrer dans cet univers libéral dans lequel seul compte l'argent.

5 - Les équipes et les enseignants du primaire motivés.

Livrets de compétences, évaluation continue et interdisciplinarité sont depuis plusieurs années au cœur des questions de l'école primaire et de la maternelle. La mise en place des cycles, bien que timide dans certains établissements, les heures de concertation, les compétences ont depuis plusieurs années amené les enseignants à intégrer des évolutions dont le B2i est une suite logique. Certes ici ou là, un enseignant passionné a bien réussi à s'approprier l'ensemble du parc, au grand regret de ces collègues. Ou encore on peut entendre le récit de cet emploi jeune, devenu " titulaire " de " sa " salle multimédia accueillir les enfants qu'on lui envoie pour faire " de l'informatique " pendant que l'enseignant est en train de s'occuper de l'autre demi-groupe. Dans d'autres établissements, le B2i est venu pour enfin asseoir une pratique déjà bien ancrée au cœur de la classe. Il y a longtemps que l'informatique n'est plus une discipline à l'école primaire (l'a-t-elle d'ailleurs jamais été). Ces mêmes enseignants voient aussi dans le B2i la possibilité enfin mise en évidence de parler de la rupture primaire-collège. Comme s'ils ressentaient durement la sensation qu'au collège on faisait table rase des acquis antérieurs et que cette fois, avec le niveau 1 on pourrait enfin discuter. Certains ont même ajouté que le niveau 2 serait aussi atteint par plusieurs de leurs élèves, hormis peut-être la question de la citoyenneté. Dans certaines écoles primaires, qui ont réussi à éviter l'isolement de l'enseignant branché (ou même du directeur ou de la directrice), on peut aussi se demander, si finalement, le B2i ne sera finalement pas réservé au primaire, le collège ne parvenant pas à intégrer cette forme de travail. Quant à l'évaluation, ils se sont empressés de la réécrire à partir de la base du texte officielle pour la rendre véritablement utilisable par les élèves (voir le site de l'école primaire de Auch sur le site de l'académie de Toulouse).

Au delà de ces quelques mots d'humeur, force est de constater que le bilan en cette fin d'année est mitigé. La plupart des établissements sont en train d'y penser et on peut constater que l'approche de la fin du premier trimestre amène les uns et les autres à s'y mettre. On peut aussi constater l'effet des feuilles de positionnement sur l'attitude des acteurs : on prend et on utilise tel quel après remise en forme éventuelle. La mise en place de véritables dispositifs interdisciplinaires de validation commence à apparaître mais essentiellement dans le cadre d'équipes restreintes. En effet bien peu d'établissements ont inscrit les TIC de façon importantes dans leur projet global. Enfin la réflexion à engager sur la notion de validation des compétences semble être une préoccupation assez peu partagée. Même si de nombreux chefs d'établissement commencent à entrer dans la réflexion sur l'intérêt de l'interdisciplinarité, on peut noter que cela se fait dans la pratique très lentement. Les documentalistes et les professeurs de technologie sont les premiers à ressentir les effets du B2i, parfois accompagnés de l'emploi-jeune de service. En tout cas s'ils étaient restés silencieux au cours de l'année scolaire 2000-2001, ils se sont plus souvent exprimés au cours de ce premier trimestre 2001-2002. Or le sens de leur expression porte sur les outils de l'évaluation, et leur difficulté à ce que ce soit un véritable travail d'équipe dans les établissements. Et ce n'est pas le dispositif d'animation nationale des enseignements de technologie qui rassurera sur ce point. Enfin cette question de l'évaluation est tellement importante que l'on peut trouver ici ou là des questionnaires à choix multiples en ligne qui sont censés attester du B2i, que l'on trouve la même chose dans des documents d'éditeurs, mais très peu de réflexion sur l'articulation entre ce B2i et les autres dispositifs interdisciplinaires (cf le texte sur les itinéraires de découverte).

C'est surtout dans l'enseignement primaire que les avancées sont nettes. La culture pédagogique de la majorité des enseignants et les habitudes prises dans les dernières années ont permis de mieux comprendre les attendus du B2i. Les difficultés sont surtout liées aux moyens financiers et aux compétences humaines. Une trop inégale répartition des initiatives risque de provoquer des déséquilibres importants à l'échelle du pays. Le dernier point inquiétant de cette mise en place du B2i c'est que d'un coté un intérêt réel est ressenti chez les enseignants (en particulier de technologie et les documentalistes) et que de l'autre l'on sent qu'il y a une réelle résistance à rentrer dans une telle démarche. D'aucuns pourront arguer du manque de moyen et de temps, mais ce n'est pas de cela qu'il est question ici. C'est plutôt la prise de conscience progressive d'un changement de conception pédagogique globale que les TIC, entre autres, accompagnent. Les débats de cette fin d'année autour des itinéraires de découverte (au collège) qui viennent d'être officialisés vont rapidement en être le révélateur.

Le rapport de l'IGEN

 

 




Par fgiroud , le .

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