Mauvais élève 

Par Gilbert Longhi



Dans toute classe, on admet l’existence de bons et de mauvais élèves même si ces termes ne sont pas explicitement utilisés. Une enquête d’Assia Belgheddouche[1] sur les représentations  produites à propos des  bons et des mauvais élèves, montre que cette différenciation est ancrée dans l’imaginaire des parents, des professeurs et  des élèves eux-mêmes et qu’elle sous-entend l’existence plus ou moins explicite d’un étalon pour mesurer les performances scolaires.

L’observation de bons élèves in situ par Jacqueline Rimet-Meille[2] nous permet de brosser en creux le profil du cancre contemporain : il ne travaille pas et ne fait pas ses devoirs et il manque de motivation…etc. (Cf. le tableau ci-dessous).



Portrait du bon [3] & Esquisse du mauvais


Portrait robot du bon élève[4]



Esquisse du  mauvais élève


Travaille régulièrement, de façon  approfondie


Travaille peu et superficiellement


Apprend les cours, fait ses exercices


Ne relit pas les cours, ne fait pas les exercices, les recopie sur des corrigés ou sur des camarades


Écoute en classe reste attentif, prend des notes


Rêve, n’écoute pas, dessine, discute, manipule son mobile, ne note rien


Communique avec les professeurs


Évite le contact avec les professeurs


Maîtrise sa conduite, ses gestes, ses attitudes.


Se laisse aller à des propos ou des comportements incontrôlés


Est ponctuel et assidu


Cumule les retards et les absences pour convenance personnelle


Participe en cours de façon appropriée


Ne participe pas en cours ou uniquement pour s’amuser ou se moquer


Aide ses camarades, partage ce qu’il sait


Ne veut pas ou ne peut pas aider les autres, n’aime pas partager


Pose des questions intelligentes dans le sens du cours


Interrompt le professeur, pose des questions pour se faire remarquer


Réussit les contrôles


En échec aux contrôles, copie ou triche


Accepte les consignes des professeurs et les applique pour réussir


Ne retient pas les conseils des professeurs


Ne triomphe pas quand il a une bonne note


Conteste ses mauvaises notes et crie à l’injustice


Fait preuve d’autonomie


Demande qu’on fasse le travail à sa place


A des projets réalistes et fait confiance à l’école pour les mettre en œuvre


Ne peut pas évoquer clairement l’avenir



Les rats de Robert

La représentation des élèves bons ou mauvais n’est pas neutre. On connaît l’effet prédictif des jugements des enseignants sur la réussite ou l’échec de leurs  élèves (Pygmalion à l’école[5]). La question n’est pas terminologique mais éthique si l’on est assuré que le simple fait pour les enseignants d’avoir une conviction sur une élève induit de l’échec ou de la réussite dans ses études.

Tout commença par deux groupes de rats de laboratoire identiques lorsque Robert Rosenthal annonça à leurs soigneurs respectifs que le premier groupe  était composé de rats brillants et le second de rats stupides en vertu d’une soi-disant sélection scientifique qui n’avait pas existé puisque les animaux étaient triés au hasard. Lors de divers exercices imposés, les rats que les soigneurs croyaient brillants avaient deux fois plus de résultats corrects que leurs congénères que les soigneurs pensaient stupides. Ronsenthal en tira une hypothèse : puisque des animaux considérés comme brillants le devenaient effectivement grâce aux des préjugés favorables de leur dresseur, pourquoi ce même  phénomène ne serait-il pas possible entre enseignants et écoliers ?

Au printemps de 1964, dans une école de Californie, Rosenthal testa l’intelligence d’un panel d’élèves en gardant les résultats confidentiels. En revanche, il donna aux maîtres une liste d’enfants ayant une intelligence supérieure à leurs camarades. En fait, les noms étaient tirés au sort.  Un an plus tard, tous les élèves repassèrent  le même test. Les élèves considérés aléatoirement comme d’une intelligence supérieure  avaient progressé de 12 points de QI, les autres de 8 points. Selon  Rosenthal  l’écart confirmait son hypothèse subodorant qu’un enseignant persuadé qu’un élève est performant parvient par le faire réussir. Pour des raisons éthiques Rosenthal n'a testé que la prédiction positive. Néanmoins, en toute logique, une  autre hypothèse est concevable : lorsqu’un enseignant acquière la certitude que des élèves seront en difficulté, n’est-il pas le vecteur de leur échec ?  

Les conclusions de Rosenthal ont été contestées par de nombreux chercheurs. Malgré cela sous le nom d’effet Pygmalion elles conservent une solide notoriété dans la réflexion pédagogique contemporaine en prenant parfois l’appellation d’effet enseignant.



L’effet enseignant

En 2011[6] une note  du ministère de l’Éducation nationale sans jamais citer  Rosenthal ou Pygmalion à l’école  précisait naïvement qu’on constatait que  depuis quatre décennies, un ensemble de recherches confirmait que les progrès des élèves dépendaient beaucoup du talent et des compétences de leurs professeurs. Le ministère mettait alors en exergue quatre résultats intéressants tirés des multiples études sur cet effet enseignant

- Toutes choses égales par ailleurs », entre 10 % et 15 % des écarts de résultats constatés en fin d’année entre élèves s’expliquent par l’enseignant auquel l’enfant a été confié.

- L’effet enseignant  est plus fort que l’effet établissement.

- L’efficacité pédagogique des enseignants aurait plus d’impact que diminuer la taille des classes.

- L’efficacité pédagogique d’un enseignant ne dépend que marginalement de son niveau de formation initiale et de son expérience.

Selon le rédacteur de la note, l’efficacité d’un enseignant été corrélée à l’interaction avec les élèves et ne dépendait plus  uniquement d’éléments objectivables comme sa formation ou son ancienneté. Une des conséquences de cet aggiornamento révolutionnaire devait être la mise en place d’une évaluation permettant au corps enseignant de faire la part entre les bonnes et les mauvaises pratiques.


Gilbert Longhi


Les articles de G Longhi

http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/GilbertLonghi.aspx




[1] http://www.theses.fr/2009MON30086 Le "bon" et le "mauvais" élève, une différence plus métacognitive que cognitive ? Quelles représentations chez les apprenants et les enseignants…  par Assia Belgheddouche 2009

[3] Jacqueline RIMET-MEILLE, Académie de Grenoble http://www.educationetdevenir.fr

[4] Jacqueline RIMET-MEILLE, Académie de Grenoble http://www.educationetdevenir.fr

[5] Pygmalion à l'école Robert Rosenthal et Lenore Jacobson, 1968, trad. fr. 1971, rééd. Casterman, 1994.

http://www.scienceshumaines.com/pygmalion-a-l-ecole_fr_12989.html  Claudie Bert

Par fjarraud , le dimanche 16 mars 2014.

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