Le colloque de l'Ifé « Former les enseignants au XXIème siècle » : l'apprentissage au travail 


Maurice Tardif, professeur à l'université de Montréal en fondements de l'éducation (sociologie, philosophie et histoire) et directeur de laboratoire de recherche sur la profession enseignante : Réflexivité, formation et travail enseignant

De quoi parlait-on avant de parler de professionnalisation ? Il y a eu en particulier au Québec le mouvement dit « du praticien réflexif » selon Donald Schön dans les années 1980.

Cette idée est-elle toujours pertinente aujourd'hui ? Ou est-ce un cul-de-sac scientifique ?

Dans une pubication de 1983 « Comment les professionnels pensent leur action », les apports du « virage » réflexif ont été considérables et ont eu un énorme impact sur les sciences de l'éducation dans les années 2000. Le concept de Shön est passé au statut de projet politique. Son influence perdure mais elle est diluée par de nouveaux apports de communauté collaboratives, des sciences cognitives.

Les 3 principaux apports de Schön sont d'ordre critique (antagonisme entre formation professionnelle et universitaire) – heuristique (les enseignants pensent, construisent leur action en agissant , parfois ils agissent en improvisant ou en inventant) – cognitif (on ne peut pas dissocier la pensée professionnelle de l'action qui se déroule).

A l'époque, Schön propose une analyse pragmative. Maintenant on peut lui faire 3 principales critiques :

- ses idées sont floues, il a eu des intuitions qui n'ont jamais abouti à une méthodologie raisonnée

- c'est une vision formelle de la pratique mais les contenus de sa pensée sont vagues et imprécis

- la pensée du professionnel réflexif serait une cognition « privée », individualiste, occultant les dimensions sociales de l'activité professionnelle alors qu'on sait que tous les professionnels travaillent avec d'autres. Qu'en est-il des collectifs, des cultures de travail ?

Quelques pistes de réflexion pour continuer de creuser. Il faut s’inscrire dans la tradition critique des relations de domination sociale, inscrite dans l’histoire et la culture, pour examiner ses propres croyances, évidences, prégugés, intérêts. Repenser les liens entre nos pensées et les liens de domination, d’idélologies qui les traversent. On ne peut pas penser les pratiques hors des rapports sociaux. Il ne suffit pas de faire parler les enseignants, encore faut-il qu’ils comprennent le lien entre leurs pratiques et les dominations sociales : exclusion, violence ordinaire, pauvreté, décrochage, souffrances et abandons… Quand parle-t-on de ces enjeux socio-politiques en formation ?

Il faut penser l'articulation avec la transmission des connaissances (la matière enseignée est la grande absente), l'identité enseignante comme activité sociale pour affronter les dilemmes du caméléon professionnel qu’est devenu l’enseignant.

Et tourner le dos aux analyses molles des entretiens d’analyses de pratiques.


Se référer au dernier livre paru fin 2012 : « Le virage réflexif en éducation : où en sommes-nous 30 ans après Schön ? » - sous sa direction aux éditions De Boeck



Sur le site du Café

Par isabelle lardon , le lundi 28 janvier 2013.

Partenaires

Nos annonces