Choukri Ben Ayed : " En matière d’inégalités comme d’échec scolaire, le fatalisme n’a pas sa place" 

Par François Jarraud


 

Est-il vrai qu'en intensifiant la concurrence entre établissements on crée une émulation qui favorise l'élévation des performances des élèves ? Choukri Ben Ayed, qui a coordonné l'ouvrage avec Sylvain Broccolichi, Brigitte Larguèze, Françoise Lorcerie,Catherine Mathey-Pierre, Jean-Paul Russier et Danièle TRancart, répond négativement à cette question.

L'ouvrage associe à la fois des enquêtes statistiques à large échelle et un travail de terrain, très précis, dans 5 départements (Yvelines, Seine-Saint-Denis, Loire-Atlantique, Hérault et Loire). Il montre comment la concurrence a envahi l'école. Ainsi Françoise Lorcerie explqiue "le faux départ des zep", comment l'idée de justice sociale du début s'est étiolée avant finalement de sombrer dans une réorganisation. Ensuite c'est l'assouplissement de la carte scolaire, une "fuite en avant" pour C Ben Ayed.

 

Les enquêtes de terrain très précises menées par les auteurs montrent comment se passent les fuites sélectives des collèges publics et les réactions qu'elles génèrent. C'est là où on constate les effets pervers de la concurrence de façon concrète. Le déséquilibre créé entre les établissements perturbe leur vie interne. Les équipes sont confrontées à une aggravation du climat scolaire, le turn over augmente, les parents retirent leurs enfants. Pour C Ben Ayed, "la concurrence crée des division et attise les tensions au sein de l'espace scolaire".

 

L'école peut-elle réagir ? L'ouvrage donne à voir des exemples de réussites. Ces collèges à composition sociale défavorisée mais où la réussite scolaire est possible sont marques par de fortes dynamiques locales. Ce sont des lieux où l'école coopère avec les collectivités locales, les associations. S Broccolini montre par exemple des situations contrastées entre les Yvelines et la Seine Saint Debis où il y a une certaine stabilisation des zep. Catherine Mathey Pierre et Brigitte Larguèze exposent les inquiétudes des élèves et des parents, celle des enseignants dans les établissements déstabilisés. On retiendra dans ce chapitre quelques belles études de cas. Ainsi le collège de "FRassy" dans les Yvelines. B Larguèze montre comment ce collège, porteur de la dynamique des zep, a finalement été déstabilisé par la concurrence et a fini par être ghettoïsé. Inversement, à Nantes, C Mathey-Pierre montre comment des partenariats noués entre collège et acteurs locaux ont pu permettre de rattraper les décrocheurs et comment cela a changé le climat scolaire… jusqu'à ce que le soutien institutionnel disparaisse. A Saint-Etienne par contre, les dispositifs sont encore là et la mobilisation autour de chaque élève est efficace.

 

Tout cela permet aux auteurs d'opposer l'inconsistance des politiques publiques dans les territoires scolaires en crise avec la réussite de ces territoires. Pour C Ben Ayed, "la propension actuelle à faire porter aux usagers la responsabilité de leurs choix scolaires dissimule mal la faiblesse de la politique d'Etat sur le chapitre de la lutte contre les inégalités scolaires". L'Ecole peut lutter contre ces inégalités , ce serait une affaire d'engagement public, de moyens.

 

Chroukri Ben Ayed, Sylvain Broccolichi, Danièle Trancart, École : les pièges de la concurrence. Comprendre le déclin de l'école française, La Découverte, 2010.


 



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Par fjarraud , le jeudi 01 septembre 2011.

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