Un lycée "modulaire" pour 2009 

Par François Jarraud



Après la signature avec sept syndicats représentant la grande majorité des personnels des lycées généraux et technologiques (Snes, Snep, Sgen Cfdt, Snalc, Se-Unsa, Snpden et Id Faen) le 11 juin 2008 d'un premier texte définissant des "points de convergence" pour une réforme du lycée, puis avec 3 syndicats lycéens (Fidl, Unl, Ini) Xavier Darcos a fait connaître le 17 juillet à la fois le calendrier et les orientations de sa réforme du lycée.


Le calendrier est très serré : la nouvelle seconde est attendue à la rentrée 2009, la première à celle de 2010, puis suivront la terminale et un nouveau bac en juin 2012. La réforme s'articule autour de 6 points principaux.


La seconde restera un cycle de détermination. " A l’âge souvent sensible auquel les collégiens abordent le lycée, un temps d’adaptation et de transition parait nécessaire" note le ministre. Mais " Il importe d’établir une autre organisation des enseignements qui rende crédible et efficace en matière d’orientation ce temps du choix, qui laisse aux élèves une vraie possibilité d’explorer des domaines qui leur sont inconnus ou qu’ils n’ont abordés que d’une manière peu adaptée à l’importance du choix à faire".


Pour faciliter cette détermination et permettre "un choix réel esquissant un parcours ultérieur d’études supérieures", l'enseignement de la seconde à la terminale, sera diversifié et organisé en trois blocs principaux. Ce "triptyque" comprendra des enseignements généraux "en part moins importante qu'au collège", des enseignements complémentaires "visant (en seconde) soit l’exploration de nouveaux domaines, soit un approfondissement et/ou une meilleure maîtrise des fondamentaux ; visant (en cycle terminal) la spécialisation", des enseignements et activités d'accompagnement "visant une plus grande individualisation des parcours". Selon X. Darcos, " en seconde, la répartition du temps-élève pourrait être de 60% pour les enseignements fondamentaux, 25% pour les modules d’exploration et d’approfondissement, 15% pour les enseignements et activités d’accompagnement. En cycle terminal, elle pourrait être respectivement de 45%, 45% et 10%".


Les enseignements seront organisés selon une forme modulaire "inspirée de nombreux exemple étrangers". L'année sera décomposée en une suite de modules d'enseignement de 3 heures sur la moitié de l'année (soit environ 50 heures). " L’organisation modulaire ouvre un champ nouveau au développement de l’autonomie de l’établissement".


L'autonomie des lycéens et des établissements est une valeur revendiquée par ce projet. Il laissera davantage de choix à chaque lycéen qui pourra construire un "parcours guidé". Les établissements eux auront à proposer des parcours modulaires en fonction du projet d'établissement.


L'accompagnement individuel des lycéens est "une innovation majeure du nouveau lycée". Il sera donc intégré dans les parcours lycéens. Cela implique une réforme en parallèle du métier enseignant. Cela implique aussi que ceux-ci aient les moyens matériels d'exercer cet accompagnement. "Tout laisse à penser que la mise en place dans les lycées d’espaces numériques de travail serait un outil puissant au service de cet accompagnement" estime X. Darcos. Certes , mais un bureau pour recevoir les élèves sera sans doute nécessaire.


Le projet nécessite une réforme des programmes pour les adapter à cet enseignement modulaire. Elle s'accompagnera d'une réduction des horaires. Le ministre annonce "une semaine lycéenne d’amplitude plus raisonnable".


C'est donc un projet très ambitieux qui est proposé. Il pose plusieurs défis. Retenons en deux :

- comment mettre en place une réforme aussi ambitieuse dans un délai aussi court, puisque la réforme doit être bouclée en décembre 2008 et appliquée en septembre 2009 ? Ce calendrier  est évidemment en lien avec les contraintes budgétaires. Aura-t-on une réforme bâclée et pilotée uniquement par des objectifs budgétaires ?

- comment concilier la diversification des parcours et l'égalité ? Pourra-t-on éviter que se dessine spontanément une hiérarchie des parcours doublée d'une inégalité du diplôme ?

Le point sur la réforme (document MEN)

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/docsjoi[...]

Le calendrier de la réforme (document MEN)

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/docsjoints/L[...]

Sur le Café, la réforme du lycée

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2008/94[...]

Les points de convergence

http://media.education.gouv.fr/file/07_juillet/72/9/Reforme_lycee[...]

Sur le Café, le dossier sur la réforme du lycée

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/200[...]

Communiqué UNL

http://www.unl-fr.org/actu_view.php?id=336


Analyse : Un lycée pour Noël

Volonté d'en finir avec des filières hiérarchisées, autonomie des lycéens et des établissements, parcours diversifiés et personnels, accompagnement des élèves, référence aux systèmes éducatifs étrangers : sur bien des points la réforme des lycées lancée par Xavier Darcos parait bien partie. Mais à quelles conditions ?


Le diagnostic effectué, pour une fois, par le ministre semble imposer la nécessité d'un vrai changement. Il en ressort "l’image et la réalité d’un lycée dont la conception  date principalement du XIXème siècle ou de la première moitié du XXème c'est à dire d’une époque où la démocratisation de l’enseignement secondaire ne pouvait pas être à l’ordre du jour et où la question de l’accès à l’enseignement supérieur se posait dans des termes radicalement différents". Le document ministériel évoque également "des séries ou filières de cycle terminal qui ne correspondent pas (ou correspondent mal) à leurs finalités explicites et dont l’horizon est davantage défini par rapport au baccalauréat que par rapport à un trajet ultérieur dans l’enseignement supérieur" et "un lycée dont ni l’architecture générale ni les modes de travail et de fonctionnement ne préparent vraiment à l’enseignement supérieur et à ses exigences quant à l’autonomie des étudiants".


Ce diagnostic, les mesures envisagées sont de nature à construire un lycée totalement nouveau en France, mais "largement inspiré" des établissements secondaires étrangers. Le lycée Darcos tournerait la page du lycée napoléonien. Il nous rapprocherait des standards internationaux et romprait le cercle français de l'élitisme et de la sélection. Pourtant des questions viennent freiner l'emballement devant ces annonces.


Peut-on éviter la hiérarchisation des filières ?


Le projet Darcos souhaite en finir avec la hiérarchisation des filières et propose comme solution l'individualisation des parcours entre des modules d'enseignement dont à peu près la moitié serait laissée au choix du lycéen. Si cette mesure est probablement très favorable au climat d'établissement, permet-elle d'éviter la hiérarchisation ? On peut en douter. On a vu par exemple, comment au saint des saints, la filière S, la hiérarchisation s'est introduite tout naturellement entre les options de S, la S math s'imposant aux autres branches. Pourquoi cette puissante loi sociale serait-elle affaiblie par la diversification des parcours ?


Bien au contraire, la liberté offerte aux lycéens devrait spontanément accroître cette hiérarchisation. Entre les enfants des "bonnes" familles parfaitement informés des modules à choisir pour intégrer telle ou telle prépa et les autres, le fossé devrait se creuser. Ajoutons qu'une modularité couvrant environ la moitié des programmes entraînera également un bac modularisé à l'infini, c'est à dire un diplôme d'établissement. Il y a bien une solution. On sait qu'en Finlande, où les jeunes ont ainsi le choix de leurs modules, des personnels spécialisés et nombreux assistant les élèves dans le choix de leurs modules. On doute que le contexte budgétaire actuel entraîne Darcos sur ce chemin.


Quelle pédagogie pour cette réforme ?


Autonomie des lycéens, accompagnement des élèves, objectifs annoncés de davantage de réussite, travaux interdisciplinaires, enseignements modulaires : tous ces éléments poussent les enseignants du lycée à changer de pratiques pédagogiques, à affronter, par exemple, l'hétérogénéité des parcours, des temps de formation.  Cela suppose une formation des enseignants. Mais aussi  un autre discours sur le métier.


Or Xavier Darcos n'a pu se retenir cette semaine encore de donner un nouveau gage aux traditionalistes en dénonçant dans une tribune du Monde,  les "pédagogistes", l'élève au centre, et l'effondrement du prestige du maître. Or, comme le souligne P. Meirieu dans Les Echos, "il semble que la formation des maîtres ne soit plus une priorité" au moment où Darcos flingue les IUFM.


Après avoir donné aux courants les plus réactionnaires une réforme du primaire conforme à leurs vues, Xavier Darcos brandit une réforme du lycée capable de séduire l'autre camp. Cet exercice d'équilibre ne fait que rendre plus sensible le manque d'un ingrédient nécessaire à toute réforme de l'éducation : la confiance de ceux qui ont la charge de l'appliquer.

Sur le lycée finlandais et les autres…

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2008/94_[...]

Meirieu dans Les Echos

http://www.lesechos.fr/info/france/4753164---la-reforme-suppose[...]

Le discours du 3 juin

http://www.education.gouv.fr/cid21400/le-baccalaureat-2008.html


Jean-Paul de Gaudemar chargé de la réforme

Le ministre avait promis une personnalité indépendante, voire de gauche. Il a nommé le 29 mai Jean-Paul de Gaudemar, recteur d'Aix-Marseille et ancien directeur de la Desco lors de son premier ministère. 


Il aura pour tache "de préparer, avec l'ensemble des partenaires concernés, l'élaboration du nouveau lycée général et technologique. Après avoir consulté les lycéens, les enseignants, les chefs d'établissement et les parents, Jean-Paul de Gaudemar proposera au ministre un premier cadre de travail pour le 10 juillet prochain et lui présentera ensuite, régulièrement, l'état d'avancement de ses travaux." Après quoi une nouvelle seconde verra le jour en 2009, une première en 2010 et la terminale en 2011. A noter que le ministre lui demande de réunir "le consensus le plus large".

La lettre de mission

http://www.education.gouv.fr/cid21371/xavier-darcos-confie[...]



En perspective : Le lycée du futur, un défi

"A l’âge hyper-numérique, comment penser le lien entre temps scolaire, temps périscolaire, temps familial et temps personnel ?... Le lycée devra t-il plutôt lui-même s’immerger dans une société devenue hyper-numérique, ou plutôt s’imposer comme espace déconnecté ? Comment y enseigner les cultures numériques ? Quel sera son écosystème informationnel, et comment se réinscrira t-il dans son territoire ? Quelles seront les grandes mutations pédagogiques ? Comment améliorer la gouvernance administrative et budgétaire exercée par les exécutifs régionaux, en liaison avec les responsables d’établissements ?" Toutes ces questions , La 27ème région, un laboratoire d'idées soutenu par l'Association des régions de France, la Fing et la Caisse des dépôts, se les pose et nous les pose.

Le défi du lycée du futur

http://www.la27eregion.fr/Defi-no1-Preparer-le-lycee

Sur le Café, Construis moi un lycée

http://www.cafepedagogique.net/regionales/Francilien/Pages/0[...]

Par fjarraud , le lundi 01 septembre 2008.

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