SES : Une discipline révisée 

Par François Jarraud



C'est un fait sans précédent. C'est à une véritable révision de l'enseignement des SES que  s'est livrée la commission Guesnerie, préconisant une modification profonde des thèmes enseignés, des méthodes et des manuels. Si des abus ont pu exister dans cet enseignement, si l'entreprise n'y a peut-être pas eu la place qu'elle mérite, il n'en reste pas moins que ce rapport est particulièrement inquiétant car il amène le balancier beaucoup trop loin. A qui le tour ?

 

 

Il appelle à une réorientation idéologique des SES. "Les programmes de SES au lycée" écrit la commission, donnent l’impression qu’un enseignement de "problèmes politiques, économiques et sociaux contemporains" est dispensé aux élèves, plutôt qu’un enseignement de sciences sociales visant à leur faire acquérir les fondamentaux de l’économie et de la sociologie". Ce qui est insupportable pour la commission c'est que l'enseignement des SES puise aboutir à une critique sociale. "Les chapitres sociologiques du programme prêtent le flanc à deux tentations regrettables. La première est de donner à croire que l’objectif majeur ou unique de l’analyse est d’ordre critique et démystificateur… La seconde tentation est de se centrer beaucoup trop sur les problèmes sociaux contemporains (nouvelles pauvretés, renouveau et aggravation des inégalités scolaires, etc.)".

 

La commission invite à imposer dans les manuels une sociologie "positive". "A propos de la famille, sont évoquées principalement des ruptures et les inégalités homme-femme ; à propos de l’emploi, on tend à parler surtout chômage et précarité ; à propos de l’entreprise, à mettre l’accent sur les conflits, les mauvaises conditions de travail et les bas salaires ; à propos des revenus et de la redistribution, à évoquer surtout les inégalités – en donnant peu d’informations sur ce qui les explique et éventuellement les justifie" écrit la commission Guesnerie.

 

Quelle est cette "sociologie du bonheur" revendiquée par la commission ? Rien  ne peut justifier de rayer la culture sociologique au prétexte qu'elle entretient "la sinistrose" ! Si l'on veut que les jeunes comprennent la société dans laquelle ils vivent il faut évidemment qu'ils puissent prendre la mesure de ses inégalités.

 

Le dernier apport du rapport Guesnerie c'est de nous faire comprendre le rôle social de l'appel aux fondamentaux. "L’accent doit être mis sur l’apprentissage des fondamentaux de chaque discipline… et sur la compréhension de certains mécanismes simples" écrit la commission. "Les théories peuvent être appréhendées dans un premier temps comme des "boîtes à outils" plutôt que des visions constituées… Ce n’est que dans un second temps que peuvent être abordées les éventuelles controverses entre différentes théories". L'accent mis sur les fondamentaux, permet de découpler l'enseignement des SES de l'étude des théories et des problématiques de la société. C'est une façon de remplacer le débat par l'empilement de connaissances brutes et dégagées de tout concept.  On distingue mieux ce que signifie l'obsession des fondamentaux. Il y a là une leçon à retenir.

Lire sur le Café la présnetation complète du rapport

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2008/07/LerapportGuesnerie.aspx

Le rapport Guesnerie

http://www.lesechos.fr/medias/2008/0703//300277711.pdf

 

L'Apses dénonce l'offensive d'un réseau d'idéologues

"Pourquoi vouloir supprimer un enseignement qui marche ?" L'Apses (association des professeurs de SES) réagit aux attaques montantes contre l'enseignement des SES : après les déclarations ministérielles et celles de Positive Entreprise, le rapport Guesnerie suivi dans la foulée du rapport de l'Académie des sciences morales et politiques. C'est celui-ci et l'entretien accordé par Yvon Gattaz au Figaro, qui ont déclanché la réaction de l'Apses. 

 

L'Apses souligne les qualités de cet enseignement, saluées par le rapport Guesnerie : réussite dans le supérieur des élèves passés par la filière ES par exemple.

 

Mais elle dévoile aussi un réseau étroit autour d'hommes comme Michel Pébereau et Yvon Gattaz, à la fois dans l'Académie, la commission Guesnerie, l'AJE… Ce groupe s'entoure d'universitaires peu au fait de l'enseignement secondaire et écarte les spécialistes en sciences de l'éducation.

 

Pour l'Apses, ce petit groupe "vise à "écarter de l’enseignement au lycée toute question économique ou sociale un tant soit peu controversée…Il y a de quoi s’inquiéter bien au-delà de l’avenir des seules SES au lycée. C’est l’Ecole laïque et publique qui est ici visée. A qui le tour après les SES ?"

 

"Certains de ces rapports", ajoute l'Apses, "préconisent une séparation franche de l’enseignement de la science économique et de la science sociologique. A l’instar du rapport Guesnerie, l’APSES affirme au contraire que cet appariement est fécond pour aider les lycéens, citoyens en devenir, à mieux comprendre divers aspects des sociétés contemporaines et à mieux s’orienter dans le supérieur en évitant une spécialisation trop précoce".

 

Interrogé par le Café, Sylvain David, président de l'Apses, souligne la proximité de ce petit groupe avec Xavier Darcos, lui aussi un des rares membres de l'académie des sciences morales et politiques. "On pourrait attendre du ministre qu'il se prononce sur ces attaques  idéologiques. Son silence est inacceptable" estime M. David. Pour lui le petit groupe des critiques "cherche de la légitimité". L'Apses, qui avait obtenu en avril dernier le soutien d'universitaires renommés, va leur soumettre le rapport Guesnerie.

 

Quant aux critiques, très violentes, portées sur un petit nombre d'éditeurs scolaires, elle interpelle l'Apses. "C'est très suspect  de vouloir labelliser l'édition… Ces gens là manquent de confiance envers l'école et le système éducatif".

 

Dans une déclaration à l'AFP, la Ligue de l'enseignement met en cause la patronat, ce que s'est refusé de faire S. David, déclarant "ignorer si ce groupe représente la totalité du Medef". Pour la Ligue, le contrôle par le patronat de l'élaboration des programmes scolaires est contraire à toute éthique en matière éducative, elle est irrecevable". La Ligue demande à Xavier Darcos "si cela est conforme à sa conception de la laïcité".

Communiqué

http://www.apses.org/spip.php?article1311



Sur le site du Café
Par fjarraud , le lundi 01 septembre 2008.

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